Les évènements de Kaédi continuent de susciter des polémiques au sein de la diaspora de la classe politique mauritanienne et de l’opinion publique. Un débat qui tourne plus largement sur la justice au cœur de la révolte des jeunes dans la capitale du Gorgol. Cette effervescence médiatique relance le débat sur la cohabitation des différentes composantes de la population en Mauritanie.
Les circonstances de l’agression d’un commerçant maure contre une vendeuse noire en plein jour au marché central de la ville il y a plus de deux semaines sont maintenant connues. Les autorités locales ont mis du temps à se pencher sur l’origine de l’affaire qui a secoué toute une population en quête de la justice. Une attitude qui relève d’un mépris non seulement envers une femme mais également d’un parti pris en faveur d’une communauté. Ce comportement raciste de l’agresseur a été vécue surtout par les jeunes comme une offense et une atteinte à la dignité humaine. L’attention portée aux émeutes par les médias électroniques et classiques nationaux tient au fait qu’il s’agit d’une tension raciale. Pas étonnant ce sont les leaders de partis, mouvements de citoyens et ONG nationales d’obédience noire qui ont réagi les premiers en mettant en garde les autorités de Nouakchott contre l’impunité des responsables de ce regain de tension. Chaque partie pouvant y trouver son point de vue sur la question nationale et ciblant en particulier la responsabilité de l’Etat dans cette révolte qui rouvre des cicatrices nationales. C’est une nouvelle preuve que la société mauritanienne n’est pas encore guérie des séquelles du racisme et que les autorités du pays n’ont pas tiré toutes les leçons du passé. Le témoignage du notable de Kaédi libéré cette semaine avec seulement 10 jeunes est très révélateur à ce sujet .Ces incidents mettent devant la scène les relations difficiles entre arabo-berbères et négro-africains depuis les évènements de 89 voire depuis 1960, l’indépendance du pays. Et d’une certaine façon ces manifestations de colère des jeunes sont légitimes qui entendent protester contre une administration locale partiale et parcellaire et une administration nationale silencieuse. Cette forme de gouvernance pointe du doigt le fonctionnement à plusieurs vitesses de la justice mauritanienne qui ne date pas d’aujourd’hui. La capitale du Gorgol attend des réparations au profit de cette vendeuse dont le seul tort est d’être une femme et noire. Et également des poursuites éventuelles contre son agresseur. C’est de ce débat national qu’il s’agit sur les relations interraciales que beaucoup appellent de leurs vœux. Cette question a été longtemps et désespérément occultée par les différents locataires du palais de Nouakchott voire la majeure partie de l’opposition qui fait tout pour l’éviter de peur d’être taxée de nationalistes étroits ou ringards. Cette vision de la peur n’est pas pour résoudre cette question nationale et ne fait que peser sur les générations à venir qui auront du mal à prendre le bon bout de la cohabitation nationale. Dans ce climat politique divisé les mauritaniens devront apprendre à discuter sereinement de tous les questions sociétales et sociales qui marquent encore la Mauritanie y compris la discrimination raciale et l’impunité.
Bakala Kane
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