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lundi 8 juillet 2013

La violence de l’Etat / Par Bâ Sileye



Le plus grand drame d’un peuple opprimé est de succomber dans la rhétorique complaisante de l’oppresseur. Le fait d’intérioriser un langage et des principes conduit incontestablement à la passivité et la démission précoce. On s’arroge facilement le statut de l’éternel dominé. Pour se libérer de ce maléfique état d’esprit, il est du devoir des acteurs engagés d’apprendre au peuple à s’armer des outils efficaces afin de déconstruire la logique oppressive de l’Etat. C’est de là qu’émerge la source du militantisme primaire : apprendre à affronter et à combattre collectivement l’injustice infligée aux siens et à tous les hommes. Et progressivement, on aboutit à une prise de conscience, autrement dit l’amorce des résistances révolutionnaires.

Au regard de la déliquescence du contexte politique et social de la Mauritanie, on en est pas loin. Le système instauré depuis notre indépendance se dirige vers son déclin. Il faut maintenant crever l’abcès pour finir avec la violence de l’Etat et renverser la donne. Mais faut-il que l’opprimé sache qu’il a toujours subi la violence par ceux-là même qui devraient assurer sa sécurité ? L’heure est venue d’afficher partout une morale du refus. C'est-à-dire abolir dans les rangs des militants le sentiment de culpabilité. On a toujours fait croire à la conscience collective nationale que les négro-mauritaniens sont des opportunistes violents, capables de confisquer le pouvoir à la moindre occasion. En 1966, il fallut une grève des étudiants pour emprisonner des cadres noirs. Et quelques années plus tard, en 1987, la fausse rumeur d’un coup de force a valu de lourdes peines à des officiers noirs. 1989 : c’est le génocide voilé. Là, chacun de nous peut énumérer les concitoyens jadis dits barbares, maintenant devenus héros de toute une nation. On les nomme, on les galonne au même moment où l’on maltraite les victimes des racistes et des fouteurs de troubles.
Qu’y a-t-il de plus violent que d’être victime et coupable ? Qu’y a-t-il de plus violent que de perdre un proche et d’être privé d’honorer sa mémoire ? Qu’y a-t-il de plus violent que de vivre en étant fils ou fille d’une femme violée parce qu’elle est esclave ? Qu’y a-t-il de plus violent que de savoir que vôtre fils, fut-il un génie, ne pourra jamais espérer devenir un haut gradé à cause de sa race ? Qu’y a-t-il de plus violent que de subir, des décennies durant, la politique du mépris, de la discrimination et de l’exclusion à travers les lois et les projets de l’Etat? Qu’y a-t-il de plus violent que d’imprimer dans la conscience collective de tout un pan de la composante nationale que sa race est source officielle de sa discrimination ? Que porter certains patronymes est assimilé à une origine étrangère alors que son ancêtre a bâti ce pays ? Qu’y a-t-il de plus violent que de savoir que tous les imams noirs sont privés de diriger la prière de l’Aïd et que jamais un érudit noir ne pourra diriger le ministère des affaires islamiques ? Qu’y a-t-il de plus violent que la violation des droits culturels et de bannir l’identité du citoyen dans les emblèmes étatiques ? Qu’y a-t-il de plus violent que de savoir que l’Etat choisi toujours des traîtres et des vendus pour te représenter ?
La violence c’est de savoir que ton ethnie n’a constitutionnellement droit qu’à quelques portefeuilles de ministres. Un peuple subit la violence lorsque l’Etat établit un ordre coercitif contre lui. Le grand problème c’est de banaliser la répression féroce des organisations qui militent pour leur dignité. Et l’ultime solution, c’est de maintenir les pressions contre l’Etat jusqu’à ce que les droits des Noirs soient rétablis. Egalité, justice et dignité. Que finissent la démagogie et l’achat des consciences. La survie de l’Etat mauritanien et de ses institutions dépendra de la volonté des dirigeants à traiter tous les Mauritaniens sur le même pied d’égalité. Dorénavant, la résistance est entamée, c’est le processus révolutionnaire qui s’ensuivra.
Bâ Sileye

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