Le plus grand drame d’un peuple opprimé est de
succomber dans la rhétorique complaisante de l’oppresseur. Le fait
d’intérioriser un langage et des principes conduit incontestablement à la
passivité et la démission précoce. On s’arroge facilement le statut de
l’éternel dominé. Pour se libérer de ce maléfique état d’esprit, il est du
devoir des acteurs engagés d’apprendre au peuple à s’armer des outils efficaces
afin de déconstruire la logique oppressive de l’Etat. C’est de là qu’émerge la
source du militantisme primaire : apprendre à affronter et à combattre
collectivement l’injustice infligée aux siens et à tous les hommes. Et
progressivement, on aboutit à une prise de conscience, autrement dit l’amorce
des résistances révolutionnaires.
Au regard de la déliquescence du contexte politique et
social de la Mauritanie, on en est pas loin. Le système instauré depuis notre
indépendance se dirige vers son déclin. Il faut maintenant crever l’abcès pour
finir avec la violence de l’Etat et renverser la donne. Mais faut-il que
l’opprimé sache qu’il a toujours subi la violence par ceux-là même qui
devraient assurer sa sécurité ? L’heure est venue d’afficher partout une
morale du refus. C'est-à-dire abolir dans les rangs des militants le sentiment de culpabilité. On a toujours
fait croire à la conscience collective nationale que les négro-mauritaniens
sont des opportunistes violents, capables de confisquer le pouvoir à la moindre
occasion. En 1966, il fallut une grève des étudiants pour emprisonner des
cadres noirs. Et quelques années plus tard, en 1987, la fausse rumeur d’un coup
de force a valu de lourdes peines à des officiers noirs. 1989 : c’est le
génocide voilé. Là, chacun de nous peut énumérer les concitoyens jadis dits barbares,
maintenant devenus héros de toute une nation. On les nomme, on les galonne au
même moment où l’on maltraite les victimes des racistes et des fouteurs de
troubles.
Qu’y a-t-il de plus violent que d’être victime et
coupable ? Qu’y a-t-il de plus violent que de perdre un proche et d’être
privé d’honorer sa mémoire ? Qu’y a-t-il de plus violent que de vivre en
étant fils ou fille d’une femme violée parce qu’elle est esclave ? Qu’y
a-t-il de plus violent que de savoir que vôtre fils, fut-il un génie, ne pourra
jamais espérer devenir un haut gradé à cause de sa race ? Qu’y a-t-il de
plus violent que de subir, des décennies durant, la politique du mépris, de la
discrimination et de l’exclusion à travers les lois et les projets de
l’Etat? Qu’y a-t-il de plus violent que d’imprimer dans la conscience
collective de tout un pan de la composante nationale que sa race est source
officielle de sa discrimination ? Que porter certains patronymes est
assimilé à une origine étrangère alors que son ancêtre a bâti ce pays ? Qu’y
a-t-il de plus violent que de savoir que tous les imams noirs sont privés de
diriger la prière de l’Aïd et que jamais un érudit noir ne pourra diriger le
ministère des affaires islamiques ? Qu’y a-t-il de plus violent que la
violation des droits culturels et de bannir l’identité du citoyen dans les
emblèmes étatiques ? Qu’y a-t-il de plus violent que de savoir que l’Etat
choisi toujours des traîtres et des vendus pour te représenter ?
La violence c’est de savoir que ton ethnie n’a constitutionnellement droit qu’à
quelques portefeuilles de ministres. Un peuple subit la violence lorsque l’Etat
établit un ordre coercitif contre lui. Le grand problème c’est de banaliser la
répression féroce des organisations qui militent pour leur dignité. Et l’ultime
solution, c’est de maintenir les pressions contre l’Etat jusqu’à ce que les
droits des Noirs soient rétablis. Egalité, justice et dignité. Que finissent la
démagogie et l’achat des consciences. La survie de l’Etat mauritanien et de ses
institutions dépendra de la volonté des dirigeants à traiter tous les
Mauritaniens sur le même pied d’égalité. Dorénavant, la résistance est entamée,
c’est le processus révolutionnaire qui s’ensuivra.
Bâ Sileye
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