« La campagne agricole dont Ould Abdel Aziz
supervise le lancement au Trarza consacre la colonisation du Nord sur le Sud
par l’expropriation des terres appartenant aux noirs au profit de l’oligarchie
dominante »
Au cours de la conférence de
presse qu’il a animée hier, lundi 1er juillet 2013 à Nouakchott juste après son
retour de Dakar, le président de l’Initiative de résurgence du mouvement abolitionniste
(IRA), Birame Ould Dah Ould Abeid, est revenu sur ce qu’il a appelé la guerre
non achevée de son organisation contre le système juridico-religieux en vigueur
en Mauritanie et ses suppôts au niveau local. Il a également évoqué la
persistance de la torture dans le pays et l’impunité accordée aux tortionnaires
en titre, ainsi que sur le voyage de Mohamed Ould Abdel Aziz au Trarza. Selon
le président d’IRA « Ould Abdel Aziz est en train de consacrer
l’expropriation des terres agricoles appartenant aux communautés noires des
régions du Sud au profit d’hommes d’affaires fabriqués par le système féodal en
vigueur ». Il s’agit, dira-t-il en substance, d’une colonisation de la
Vallée par des gens du Nord, un droit de prince qu’IRA combattra, selon lui, jusqu’à
la dernière énergie. Le déni de reconnaissance d’IRA, la confiscation des
moyens de l’Etat par une seule communauté et une seule force politique, la gouvernance
démocratique en Mauritanie, le caractère raciste de l’enrôlement et la
configuration politique en Mauritanie ont aussi été abordés par le détenteur du
Prix Front Line Defender 2013 et du Prix Weimar 2012 pour les droits de
l’homme.
Dans une salle archicomble de l’hôtel Wissal de Nouakchott
prise d’assaut par une flopée de militants, le président d’IRA, Birame Ould Dah
Ould Abeid, entouré de sa vice-présidente Coumba Bâ, de son Secrétaire aux
relations extérieures Balla Touré et du Sénateur Youssouf Sylla, est longuement
revenu sur ce qu’il nomme « le combat légitime d’IRA contre le Code noir
en vigueur en Mauritanie » allusion aux livres du Fiqh en vigueur dont il
avait inséré les principales références. Aujourd’hui plus que jamais, Birame et
ses militants, toujours en liberté provisoire, exigent leur jugement ou leur
acquittement par le juge en charge du dossier. C’est la seule façon,
d’après lui, de trancher entre la thèse qu’il défend et qui renie tout
caractère religieux ou islamique aux livres qu’IRA avait incinéré et la thèse
de la sacralité défendue par le système féodalo-religieux qui les avait traité d’apostats.
Pour Birame, ce combat qui l’oppose au système en place, c’est le combat entre
« le clan du Coran et de la Sunna du Prophète qu’IRA et son président
défendent, et le clan de Khlil et de ses adorateurs ».
Il estime toutefois qu’en brûlant les livres de base du système de domination, IRA a libéré des masses jusque-là assujettis par de fausses interprétations religieuses, déclenchant en même temps le premier mouvement d’appropriation du droit à la pensée en Mauritanie. « Au lieu de m’avilir, l’autodafé de Riadh m’a au contraire grandi et grandi IRA, dans la mesure où nous sommes entrés le 28 avril 2012 en prison avec un effectif de 800 militants seulement et nous sommes sortis libres le 5 septembre 2012 avec des milliers de sympathisants » a déclaré Birame. « Aujourd’hui, précisera-t-il, c’est contre cette République autocratique, celle des érudits de Khlil, qu’IRA ira en croisade ».
Il estime toutefois qu’en brûlant les livres de base du système de domination, IRA a libéré des masses jusque-là assujettis par de fausses interprétations religieuses, déclenchant en même temps le premier mouvement d’appropriation du droit à la pensée en Mauritanie. « Au lieu de m’avilir, l’autodafé de Riadh m’a au contraire grandi et grandi IRA, dans la mesure où nous sommes entrés le 28 avril 2012 en prison avec un effectif de 800 militants seulement et nous sommes sortis libres le 5 septembre 2012 avec des milliers de sympathisants » a déclaré Birame. « Aujourd’hui, précisera-t-il, c’est contre cette République autocratique, celle des érudits de Khlil, qu’IRA ira en croisade ».
La torture
Pour le président d’IRA, la pratique de la torture
reste une constante dans les commissariats de police et les brigades de
gendarmerie en Mauritanie, malgré la ratification de la Convention contre toute
forme de tortures, de traitements dégradants et humiliants, et son Protocole
facultatif. Il cite le dernier rapport d’Amnesty International sur la Mauritanie
qui condamne la persistance de la torture contre les détenus. Selon lui, les
tortionnaires rompus à la tâche sont bien connus, mais le plus tristement
populaire, dira-t-il en substance, « reste Mohamed Ould Amar en service au
commissariat antidrogue de Nouakchott ». Birame affirme avoir reçu
beaucoup de plaintes d’anciens détenus passés sous sa poigne et affirme que
deux de ses compagnons d’infortune, El Id et Boumediene Ould Bate en sont les
exemples les plus vivants. Il cite aussi l’exemple de ce policier, Horma Ould Bilal,
actuellement aux arrêts pour avoir répondu aux insultes de Mohamed Ould Amar
qui l’avait traité « d’esclave ». Et de conclure que « les corps
constitués en Mauritanie, les magistrats, les administrateurs, les érudits
n’arrivent pas encore à conceptualiser l’idée de l’égalité entre les races et
entre les citoyens ».
Expropriation des terres agricoles
« Mohamed Ould Abdel Aziz est actuellement au Trarza
pour lancer la campagne agricole, mais de quelle campagne agricole
s’agit-il ? » s’est interrogé Birame. Selon lui, la réponse est que
cette campagne agricole c’est celle des maîtres esclavagistes, à qui l’Etat a
remis indûment des parcelles de terre appartenant à des communautés noires du
Sud qui les exploitaient depuis des siècles et qui constituent leurs seules
sources de revenus. Il s’agit selon lui d’une expropriation au profit d’hommes
enrichis sur le dos de l’Etat et qui se font appeler hommes d’affaires, mais
aussi des officiers, des érudits, des administrateurs, qui n’ont jamais
travaillé la terre. « C’est enfin une expropriation à caractère raciste
qui prive des milliers de paysans de leurs anciennes terres de culture »
soulignera Birame pour qui la « révolution agricole prétendument
déclenchée n’est en réalité qu’une révolution féodale et esclavagiste ».
Et il cite des noms bien connus dans la nomenklatura militaire et
gouvernementale, d’anciens officiers supérieurs, d’anciens membres de
gouvernement et parlementaires à la retraite politique, qui accumulent des
domaines et des fazendas alors que des communautés entières souffrent de la
privation de terres ancestrales. Birame a promis qu’IRA mènera une guerre sans
merci contre cet esclavage agricole et contre l’argent du Crédit agricole qui
n’a profité qu’à ces entités, sans que les vrais bénéficiaires en aient cueilli
les fruits.
La gouvernance démocratique
Le seul point qu’IRA partagerait avec l’opposition,
soulignera Birame, c’est le caractère non démocratique du régime de Mohamed Ould
Abdel Aziz, trouvant inacceptable que des organisations et des partis cartables
soient reconnus parce qu’ils font l’éloge du régime alors que des mouvements
populaires et crédibles aussi bien sur le plan national qu’à l’international
comme IRA se voient refuser une reconnaissance légale. Selon lui, le régime mauritanien
doit s’inspirer de l’histoire de l’ANC, une organisation non reconnue pendant
80 ans et qui a fini par prendre le pouvoir en Afrique du Sud. Il a invité
ainsi les autorités à reconnaître IRA, le parti RAG qui est issu de ses rangs
et le syndicat de travailleurs qu’IRA compte mettre en place.
L’enrôlement
Après avoir salué le courageux combat du mouvement
Touche pas à ma nationalité (TPMN), Birame a fustigé le caractère raciste et
discriminatoire de l’enrôlement en Mauritanie. Pour lui, il y a « une
forte volonté politique qui empêche l’enrôlement de la population noire en Mauritanie,
pour faire prévaloir une dominance démographique biaisée de la communauté maure ».
Il cite le témoignage de parlementaires qui lui ont divulgué sous le sceau de
l’anonymat les instructions fermes dans ce sens du président Mohamed Ould Abdel
Aziz. Cet avis sera largement partagé par le sénateur Youssouf Sylla qui a
souligné que l’unité nationale doit être la pierre angulaire pour la cohésion
de la Mauritanie en tant que nation. Il en a appelé à l’intervention du
président François Hollande de France et de Barak Obama et par delà, de la
communauté internationale toute entière, pour mettre fin au caractère
discriminatoire de l’enrôlement dont souffrent des milliers de Mauritaniens
noirs à l’étranger, notamment en Europe. Et Birame de s’interroger
« pourquoi on n’entend aucune réclamation de la part des Mauritaniens
vivant dans les pays du Golfe et qui sont à dominance maure ? Parce qu’on
ne leur empêche pas de s’enrôler, au contraire des Mauritaniens installés en
France, en Italie, Espagne ou Allemagne pour ne citer que ceux-là, parce qu’ils
sont à dominance négro-africaine et haratine ». Pour Youssouf Sylla, les
Noirs ayant peu de chance de travailler ou de réussir en Mauritanie partent
gagner leur vie ailleurs et s’ils parviennent à décrocher la nationalité dans
leur pays d’accueil, on les prive de leur Mauritanité, comme si la Mauritanie
est la propriété d’une partie qui l’accorde ou la prive à d’autres. Aussi, en
a-t-il appelé à la légalisation en Mauritanie de la double nationalité comme
cela est de rigueur dans tous les pays limitrophes. Le comble selon lui, est
que pareilles décisions viennent de personnes dont on connaît l’origine non mauritanienne.
Pour finir, Birame a déclaré ne pas reconnaître sur le
plan politique, l’existence de trois pôles, la majorité, la COD et la CAP,
jugeant que ces trois pôles n’en font en réalité qu’un, car ils partagent la
même vision féodalo-religieuse qui fonde le système en vigueur, reconnaissent
la suprématie du fiqh dominant, nie l’existence de la composante Harratine,
vouent la même haine à IRA, et ne constituent en définitive que les deux faces
de la même monnaie. Il se demande à la rigueur, pourquoi ne fusionnent-ils pas
dans un seul ensemble ?
Cheikh Aïdara
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