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mercredi 22 janvier 2014

«EXPLOITATION POLITIQUE ET INSTRUMENTALISATION DE L’ISLAM»



«La Mauritanie n’est pas islamique mais laïc»

L’actualité nationale a été dominée en ce début janvier 2014 par les réactions suscitées par l’écrit du jeune Mohamed Ould Cheikh, jugé offensant contre le Prophète (PSL). Le Prix 2013 des Nation Unies pour les droits de l’homme, président du mouvement Initiative de résurgence du mouvement abolitionniste (IRA), Birame Dah Abeid, a tenu à cet effet à exprimer la position de son organisation par rapport à ces évènements. Au cours de la conférence de presse qu’il a animée mercredi 15 janvier dernier, il a tiré la sonnette d’alarme sur ce qu’il considère être une «exploitation et une instrumentalisation de l’Islam par la classe politique, les groupes dominants esclavagistes et le clergé local». Selon lui, cette exploitation menace la paix civile et l’achèvement de l’Etat de droit, tout en exacerbant les tensions sociales liées à des stratifications qui n’ont rien à voir avec les idéaux libérateurs et égalitaires de l’Islam.
Birame Dah Abeid s’est d’emblée porté en faux contre l’affirmation du président Mohamed Ould Abdel Aziz selon laquelle «la Mauritanie est un Etat islamique et non laïc». Pour le leader d’IRA, «la Mauritanie n’a jamais été une République islamique, car ayant toujours ignoré l’égalité entre ces citoyens, ce principe fondateur et substance centrale du message coranique prophétique». Pour lui, l’Islam est loin d’être l’inspiration essentielle des groupes dominants en Mauritanie qui ont bâti selon lui un Etat basé sur l’esclavage et l’oppression. Pour Birame, la Mauritanie est plus proche de l’Etat laïc qui par définition est un Etat qui n’applique pas la loi divine, en l’occurrence la Chari’a. «Cessons cette démagogie et cessons de tromper les hommes car nul ne peut tromper Allah » dira-t-il. Selon le président d’IRA, «un pays qui continue d’être régi par l’esclavage, le racisme, la ségrégation, l’injustice et le Ribâa, ne peut prétendre être islamique». Birame mettra ainsi en garde contre «la division des Mauritaniens entre bons pratiquants fidèles de l’Islam et mauvais musulmans ennemis de l’Islam ». Pour lui, une telle distinction est fausse et doit être combattue par «les hommes de bon sens » qui doivent selon lui «conjuguer leurs efforts pour tirer la sonnette d’alarme sur les graves dérives qui menacent le pays». S’exprimant au nom de son organisation, Birame dira qu’IRA «est en total désaccord avec ceux qui appellent au meurtre de Mohamed Ould
Cheikh Ould MKheïtir», réitérant en même temps son rejet contre tout ce qui peut égratigner la personnalité du Prophète (PSL). A l’adresse des opprimés, esclaves, forgerons, Zanaga, griots, tous ceux que les multiples interprétations de la religion ont légué au bas de la stratification sociale, Birame leur dira «ne vous trompez pas de combat ; celui-ci ne doit pas être dirigé contre l’Islam et son Prophète (PSL), mais contre ceux qui ont instrumentalisé l’Islam pour imposer la domination de classe et l’auréoler du vernis religieux». Selon lui, les opprimés doivent au contraire brandir l’Islam et son Prophète comme arguments de combats contre ces dieux de la supercherie et de la falsification religieuse.

«Politique de deux poids deux mesures»

D’autre part, Birame s’interroge sur cette logique de deux poids deux mesures, qui veut que l’Islam mauritanien ne se sente menacé que lorsqu’il s’agit de gens issus des classes opprimées, esclaves, Haratines ou forgerons. «Beaucoup d’illustres fils de marabouts et de fils de grandes tentes ont pourtant fait des offenses encore plus grands envers Allah et son Prophète, sans que personne n’ait crié au scandale, sans qu’ils n’aient jamais été inquiétés ou que les tribunaux n’aient été saisis » scandera-t-il. Il cite le cas d’un ancien journaliste, fils d’une grande famille de marabout qui, lors d’une visite du président Ould Taya dans le fief de sa famille, lui tendit un exemplaire du Coran en lui disant «acceptez monsieur le président ce modeste présent». Personne n’a bronché, devant cette énormité qui consiste à traiter le Saint Coran de «modeste cadeau», dira Birame en substance. Birame cite également «toutes ces insanités que les groupes dominants ont rattaché à l’Islam, l’esclavage, la stratification sociale, l’inceste et le viol des jeunes esclaves, le captage d’héritage, etc ». Il s’interroge également sur ces «meurtriers élevés au rang de dignes personnalités qui peuplent le rang des partis politiques de la majorité et de l’opposition, coiffent des organisations de la société civile et occupent de hautes fonctions de l’Etat, alors que leurs mains sont souillées du sang de centaines de négro-africains » Et de se demander «pourquoi le président Aziz qui parle d’Etat islamique n’a jamais traduit ces bourreaux devant les tribunaux, ou est-ce que les peines, les sanctions et les pogroms au nom de l’Islam ne sont destinées qu’aux classes dominées ?». De se demander aussi «pourquoi les érudits qui prétendent défendre l’Islam contre le jeune Ould MKheïtir ne l’ont jamais défendu contre l’esclavage et les assassinats collectifs des noirs en Mauritanie ?» Pour Birame, la réponse est simple. «Ils ne dénoncent pas parce qu’ils sont actionnaires dans ces pratiques». S’attaquant à un célèbre érudit de la place, il dira que ce dernier «doit commencer par balayer devant sa tente avant d’émettre des Fatwas tout azimuts ». Selon lui, le père de cet érudit avait un esclave qui avait perdu quelques vaches. Fatigué de les chercher et rattrapé par la nuit, l’esclave aurait passé la nuit avec son épouse qui vivait dans un autre village de la famille de ses maîtres dans un village situé dans l’Awkar. Le lendemain, il rejoignit ses maîtres sans les vaches perdues. Selon Birame, «l’esclave fut pendu devant sa mère, par le propre frère de l’érudit en question. Et de l’apostropher «que dit aujourd’hui cet érudit par rapport à ce crime fait de sang froid pour quelques vaches perdues ? » Pour lui, ce crime n’a jamais fait des remous, mais promet qu’IRA le déterrera dès qu’il aura obtenu l’assentiment des ayants-droits.

Cheikh Aïdara

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