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mercredi 1 janvier 2014

Conférence de presse AMDH : « J’ai été doublement choquée par la sortie du Premier Ministre sur radio Saharamedia »






La présidente de l’Association mauritanienne des droits de l’homme (AMDH), organisation affiliée à la FIDH, Me Fatimata MBaye a animé hier à son siège à Nouakchott, une conférence de presse qu’elle déclare avoir voulu à chaud, après l’intervention du Premier ministre, dimanche 29 décembre 2013, sur les ondes de la radio privée « Saharamedia ». « J’ai été doublement choquée, en tant que citoyenne mauritanienne et en tant que défenseur des droits de l’homme, d’entendre la deuxième personnalité du pays nier l’existence de l’esclavage en Mauritanie et traiter Birame Dah Abeid d’inconnu, pour finalement déclarer que le prix qu’il a reçu des Nations Unies ne représente rien, car suscité par le lobby juif ».
Choquée ! C’est le maître mot qui a dominé la conférence de presse que Me Fatimata MBaye, présidente de l’AMDH, a animée dimanche 29 décembre 2013 dans ses locaux à Nouakchott. Elle considère que le Premier ministre, par la nature de ses charges à la tête de l’Etat mauritanien, devait se placer au dessus de la mêlée. En déclarant dans un mass média que le Prix des Nations Unies décerné à Birame Dah Abeid n’a aucune signification, c’est un désaveu que la Mauritanie, vice-présidente de la Commission des Nations Unies des droits de l’homme et membre de l’instance onusienne, réserve à une décision prise par l’ensemble de la communauté internationale. Le pire, selon elle, c’est lorsque le Premier ministre, Moulaye Ould Mohamed Laghdaf, assimile cette organisation mondiale d’être sous la botte d’Israël.
Et de demander à l’état mauritanien, pour plus de cohérence par rapport à cette position, de se retirer de la Commission des Nations Unies des droits de l’Homme, de se retirer des Nations Unies, et de ne plus accepter les financements de l’Union européenne et des Nations Unies pour l’aide qu’elles lui octroient pour la lutte contre l’esclavage, puisqu’il n’existerait pas. Pour Me Fatimetou MBaye, l’Etat mauritanien doit faire du prix décerné à Birame Dah Abeid, une lecture approfondie, dans la mesure où il constitue une reconnaissance internationale de l’existence de l’esclavage en Mauritanie. « Et pourquoi si l’esclavage n’existe pas en Mauritanie, des lois sont-elles promulguées pour le condamner ? » soulignera-t-elle, rappelant la loi de 1981, celle de 2007 et la dernière modification de la constitution qui réitère cette condamnation dans le préambule de la Constitution.
Me Fatimeta MBaye a invité l’Etat mauritanien à être plus cohérent par rapport à la question de l’esclavage et d’œuvrer à son abolition, insistant sur ce mot « abolition » plutôt qu’éradication, car selon elle, tout le monde en Mauritanie sait que l’esclavage existe et continue d’être pratiqué à grande échelle. En conséquence, elle recommande aux autorités d’appliquer la loi de 2007 sur l’esclavage en toute objectivité et de ne pas faire du phénomène une question personnalisée ou communautarisée. Elle rappelle que la Mauritanie a ratifié des conventions et des traités internationaux contre les pratiques esclavagistes, la discrimination et le racisme et doit veiller à leur application. « On peut ne pas être d’accord avec les méthodes de IRA et de BIrame, mais on ne peut pas dire que leur combat est faux » s’insurgera Me Fatimata MBaye, qui compare la diabolisation dont ce mouvement et son président sont l’objet aujourd’hui, avec celle qu’elle a elle-même connu dans les années 90, et qu’ont connu d’autres organisations de défense des droits de l’homme, comme SOS Esclaves, EL Hor, Fonadh etc. Elle s’est demandé d’ailleurs pourquoi l’Etat mauritanien a refusé l’invitation faite par les Nations Unies d’assister à la remise de son prix à Birame Dah Abeid, à l’heure où tous les pays limitrophes se plient à ce protocole lorsqu’un de leurs citoyens est primé, même s’ils ne lui vouent aucune amitié. « Et pourquoi tout ce tintamarre rageur sur le prix de Birame ? » s’interroge Me Fatimata MBaye qui rappelle qu’elle-même a été décorée en 2012 à Washington et que Boubacar Ould Messaoud, président de SOS Esclaves, qui a assisté à la conférence de presse a aussi reçu des distinctions, le Prix Antislavery entre autres, tout comme d’autres défenseurs, comme Aminetou Mint Moctar. « Et cela n’a jamais suscité une telle campagne médiatique comme celle menée contre le Prix reçu par Birame ».
Enfin, Me Fatimetou MBaye déplore que la deuxième personnalité du pays, puisse s’investir dans des explications publiques, loin du langage de la neutralité et de la diplomatie, pour procéder à la négation d’une réalité sociale que le monde entier constate. « Il appartient à la société civile de poursuivre le combat pour l’abolition du phénomène esclavagiste en Mauritanie ainsi que de toutes les formes de violation des droits humains » conclura la présidente de l’AMDH qui ajoute « si les autorités mauritaniennes s’évertuent à nier et à récuser les prix décernés aux défenseurs des droits de l’homme, elle doit aussi refuser toutes les aides qu’elle reçoit de l’Union Européenne et des pays occidentaux pour les questions liées aux droits de l’homme ».
Boubacar Ould Messaoud, président de SOS Esclaves, présent lors de la conférence de presse, a répondu à une question relative à la cristallisation du combat contre l’esclavage sur la communauté arabo-berbère, alors que cette pratique existe dans les autres communautés. Selon lui, les ONG de défense des droits de l’homme ne peuvent assister que les victimes qui sollicitent leur aide, or ceux qui se plaignent auprès des organisations de défense des droits de l’homme de pratiques esclavagistes sont exclusivement issus de la couche harratine. « Aux autres victimes négro-africaines de nous solliciter et vous verrez si nous ne prendrons pas en main leur cas, mais ce n’est pas le cas jusqu’à présent » dira-t-il.
Cheikh Aïdara.

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