Introduction
L’histoire des sociétés humaines, depuis l’aube des temps, a été
jalonnée par de flagrantes contradictions opposant des peuples et des
communautés, différenciées par leurs apparences physiques, leurs langues, leurs
cultures, leurs religions ou leurs appartenances régionales. Ces contradictions
peuvent s’exprimer dans un seul et même Etat ou mettre aux prises deux Etats
indépendants. Mais ce qui m’intéresse dans la présente analyse est moins
l’identification des protagonistes que le choix de la méthode de résolution du
conflit. En effet, face à une situation de crise (sociale, économique ou politique),
deux attitudes se dégagent du comportement humain : persuader l’autre par
le dialogue et les pourparlers ou le convaincre par la contrainte physique et
psychologique qui suppose l’exercice indéniable de la violence. Bien souvent,
c’est le refus du dialogue ou l’échec des pourparlers qui induit le recours à
la coercition physique…
Dans toutes les contrées du monde, des clans, des tribus, des
ethnies, des races et des peuples se sont battus, combattus au point de vouloir
parfois s’éteindre les uns les autres. Les raisons invoquées pour justifier de
telles animosités sont nombreuses ; les plus connues reposent sur de
prétendues supériorités raciales, religieuses,
linguistiques, historique ou régionales. Une conception négativiste
selon laquelle la différence de l’autre est synonyme de son infériorité. Alors
l’esprit extrémiste, irrespectueux et
hautain entreprend de développer une attitude méprisante et oppressive à
l’égard de l’autre jugé inférieur.
Pour réussir à vaincre, voire dominer l’ennemi, sous tous les
cieux et à presque toutes les époques, les hommes rivalisèrent davantage
d’ardeur et d’intelligence qu’ils n’en déployèrent pour vaincre la famine, la
maladie et l’adversité d’une nature pourtant très hostile. L’humain fut plus
dangereux pour son semblable que ne le furent tous les autres prédateurs que
son séjour sur la terre lui imposa comme voisins. Les derniers événements en
date qui illustrent parfaitement la capacité de l’homme à détruire son
semblable sont, entre autres, les première et deuxième guerres mondiales et le
génocide tutsi du Rwanda. Seulement, cette histoire tragique de l’humanité, traduit
une constante : plus les humains usent de violence pour imposer leurs
volontés, plus ils sèment, par ces actes, les germes d’une violence encore plus grande
contre eux-mêmes. Le fait est que chaque action violente contre l’autre le
prédispose à ce sentiment de vengeance
qui n’est véritablement assouvi que lorsque le vaincu du premier affrontement
arrive à exercer sur son tombeur une violence encore plus massive et sanglante.
De sorte qu’il s’instaure un cercle vicieux, une spirale de violence qui monte
crescendo avec comme seul écho l’hymne lugubre de l’extinction de notre humanité.
Pour dérailler le train de ce destin funeste, rompre avec le
cercle fermé de la violence destructrice, certains hommes ont trouvé d’autres
moyens de faire évoluer leurs sociétés pour plus de justice sociale, plus
d’équité politique et de respect de la différence culturelle, religieuse et
linguistique. Dissuadés par la mer de douleur engendrée par l’engrenage de la
violence, ces hommes de paix s’efforcent de trouver d’autres issues salutaires
à l’humanité. C’est ainsi que nait le combat non violent. Dans l’histoire
contemporaine, les figures qui ont marqué le monde sont sans doute l’Indien Mahatma
Gandhi, le Négro-américain Martin Luther King et le Tibétain Dalaï Lama.
L’efficacité de leurs combats respectifs a fini par leur conférer une aura qui
a fait rayonner leur méthode de lutte non violente dans les cinq continents.
Parmi ces zones d’influence, la Mauritanie figure en bonne place. Aussi dans
les lignes qui suivent, je souhaite entretenir le lecteur de l’expérience
mauritanienne de la lute non violence en soulignant ses particularités
essentiellement motivées par le contexte de ce pays atypique.
I. La philosophie de la non violence.
Plus qu’une simple méthode de lutte ou une approche pragmatique,
la lutte non violente est d’abord une philosophie. Adopter la lutte non
violence c’est avant tout s’abstenir d’infliger le mal à l’autre, au moment où
son agression contre vous et l’immense douleur qu’elle suscite vous incitent à
la vengeance. C’est s’engager dans une posture psychologique et physique dans
laquelle le militant non violent encaisse stoïquement les coups en se
persuadant que toute réaction hostile de sa part lui est, tout à la fois,
indigne et contreproductive. Indigne parce qu’elle le rabaisse au niveau d’ « inhumanité »
de son adversaire du moment ; contreproductive parce que, bien souvent, au
lieu d’arrêter le mal, elle le multiplie et l’intensifie. Nul ne peut réussir
dans un combat non violent s’il n’a, au préalable, accompli cette profonde
réflexion, cette introspection sur soi qui lui permet d’atteindre la sérénité
et la résolution de ne jamais succomber aux sirènes de la vengeance. Autant
dire que le véritable militant non violent est celui qui a d’abord remporté
plusieurs victoires sur lui-même. Une victoire contre la haine de l’ennemi dont
l’action lui inocule une humiliation tenace. Une victoire contre ses nerfs qui
en transmettant à son corps et à son esprit les sensations de douleurs, nouent
en lui des reflexes violents, inhérents à sa propre survie. Une victoire contre
cet égoïsme humain qui nous fait préférer notre bien-être propre à celui du
frère d’infortune. Une victoire enfin contre l’orgueil qui, au détour d’une
bataille remportée ou d’une offense personnelle, obstrue notre lucidité et nous
détourne de notre chemin, du moins fait vaciller vos objectifs, en tout cas nous
distrait de l’essentiel. Une fois que ce travail, dans les profondeurs de sa
personnalité, est accompli, le militant de l’action non violente est prémuni
contre les écueils multiformes qui se dresseraient à chaque étape de
l’évolution de son combat.
I.1.L’exemple de Martin Luther King
Oui, c’est fort de ces
victoires sur soi que Martin Luther King pût montrer cette digne attitude qui
en a surpris plus d’un, en ce jour de l’an 1956 dans l’Etat de Montgomery, aux
États-Unis d’Amérique. En effet, pour lutter contre la discrimination dans les
bus qui imposait aux Noirs de laisser leurs places aux passagers blancs ou à se
confiner à l’arrière des voitures, le Pasteur King avait initié un boycotte,
par les Noirs, de ce moyen de transport ; grève qui a duré 382 jours. Pour
l’anéantir, le raciste et légendaire Ku-Klux-Klan (KKK)[1] avait entrepris de le réprimer.
Aussi, alors que son épouse et son enfant venaient d’échapper miraculeusement à
l’explosion d’une bombe placée chez lui par ses ennemis, et que ses partisans
accouraient de partout, armes à la main, décidés à le venger, il s’adressa à
eux en ces termes :
« Je veux que vous rentriez chez vous et que vous déposiez
les armes. Nous ne pouvons pas résoudre ce problème en nous vengeant de la
violence par la violence. Nous devons aimer nos frères blancs quoi qu’ils nous
fassent. Il nous faut répondre à la haine par l’amour »[2].
Par ces phrases, le complot ourdi par les extrémistes blancs de
l’Etat de Montgomery venait d’être subtilement déjoué par le leader de la non
violence. En attentant à sa vie ou celle de sa famille, le KKK espérait en
réalité susciter une confrontation armée de laquelle il ne pouvait découler que
des centaines de morts avec à la clef une victoire immédiate des oppresseurs
mieux armés. Les Noirs pourraient toujours se venger comme le faisait l’autre
grande figure de la lutte pour l’émancipation, Malcom Little devenu Malcom X.
Mais au final les deux communautés traverseront d’inouïes souffrances et une
cohabitation rendue, tout à la fois, impossible et irrémédiable.
I.2.L’exemple de Mahatma Gandhi
On sait que si Martin Luther King enracine sa méthode de lutte
pacifique dans sa foi chrétienne, il s’est aussi beaucoup inspiré de Gandhi
qu’il a admiré toute sa vie. Cet illustre avocat indien a été le véritable
initiateur de la lutte non-violente qu’il a expérimenté avec un succès
remarquable tant en Afrique du sud que dans sa patrie indienne. Sur les deux
terrains, il s’agissait de lutter contre le colonialisme britannique qui
imposait aux indigènes indiens un traitement inhumain et dégradant. La loi de
Rowlatt (mars 1919), par exemple, autorisait l’emprisonnement d’un Indien sans
jugement et sans aucune limite dans le temps. Des lois similaires laissaient, à
la merci, le travailleur indien face aux employeurs des grandes corporations
anglaises. Mahatma Gandhi, à la tête d’un mouvement de protestation appela à la
« non coopération non violente » pour obliger l’administration
anglaise à agir pour concéder aux indigènes plus de droits. Il est arrêté, accusé d’incitation aux troubles publics et
de rébellion. A l’occasion de son procès tenu le 23 mars 1922, il déclare,
après avoir longuement expliqué comment les abus de l’administration coloniale
l’ont poussé à désobéir à la loi,
« Je fais tout mon possible pour montrer à mes compatriotes
que la non-coopération violente ne fait qu’accentuer le mal, et que, étant
donné que le mal ne se maintient que par la violence, le refus de soutenir le
mal exige de s’abstenir de toute violence. La non violence implique de se
soumettre volontairement à la peine encourue pour ne pas avoir coopéré avec le
mal »[3].
Je voudrais mettre ici en relief ce qui est rarement souligné à
propos de Gandhi : à l’instar de Martin Luther King dont les méthodes de
lutte non violentes s’enracinent dans la foi chrétienne du pardon à toute
épreuve, la non-coopération non violente de Gandhi s’abreuve aux sources de la
civilisation hindouiste. Celle-ci recommande dans une de ses dimensions (Smitri)
la constitution progressive d’une personnalité dont la plénitude permet
d’atteindre la quiétude de l’être. Quiétude sans laquelle le militant de
l’action non violente ne saura résister à la poussée violente.
II. Les luttes non violentes mauritaniennes
II.1.Sous le premier régime civil
Les luttes politiques non violentes en Mauritanie sont très
récentes à l’instar du pays lui-même qui n’a obtenu son indépendance qu’en
1960. Les problèmes sociopolitiques qui ont fini par engendrer l’impérieuse
nécessité d’enclencher d’âpres luttes, trouvent leur genèse dans le congrès tenu à Aleg[4] le 28 novembre 1958. Cet
événement historique signe en réalité le véritable acte constitutif de la
Mauritanie. Il réunissait toute l’élite politique de la Mauritanie de l’époque,
notamment dans ses deux principaux groupes de souches anthropologiques :
les Négro-africains[5] de la rive droite du fleuve
Sénégal (sud) et les Arabo-berbères[6] habitants principalement le nord
et l’est du pays. Les Haratines[7] (esclaves et anciens esclavages),
qui comptaient très peu de cadres, n’y étaient quasiment pas représentés ;
une des preuves, s’il en était besoin, que l’exclusion, est une tare congénitale à l’Etat mauritanien.
En plus, jusqu’à une époque encore récente, ils étaient définis et se
définissaient encore comme une partie intégrante de la communauté
arabo-berbère. Selon de nombreux historiens, très tôt dans ce congrès, s’est
posé avec acuité le problème de la cohabitation entre les grandes composantes
sociales mauritaniennes. Ainsi, selon le colonel à la retraite Oumar Ould
Beibacar[8], les Noirs de culture africaine souhaitaient appeler le pays en gestation « République
africaine de Mauritanie » alors que les Arabo-berbères voulaient le nommer
la « République arabe de Mauritanie ». Dans un esprit de compromis,
le président de l’assemblée Sidi-El Moktar Ndiaye, un métis très intègre,
proposa le nom de République islamique de Mauritanie qui fut adopté à
l’unanimité.
Malheureusement l’équilibre entre les composantes nationales va
être très tôt rompu par la politique outrancière du premier président de la
Mauritanie, Moktar ould Daddah. D’abord en mai 1961 un amendement
constitutionnel fera passer la Mauritanie du régime parlementaire moniste –
pourtant, de loin plus adapté à sa configuration démographique et géographique
– à un régime outrancièrement présidentiel. Le père de la nation voulait avoir
en main toutes les cartes pour réformer l’Etat et le rendre plus conforme à ses
desseins de despote. Aussi cinq ans après (1965) une autre réforme
constitutionnelle instaure le Parti du Peuple Mauritanien seul parti autorisé
et l’officialisation de la seule langue arabe sur les quatre que compte le pays.
Ce dernier acte visait à remplacer une majorité de Négro-africains dans la
fonction publique mauritanienne par les Arabo-berbères. Dès lors, Moktar ould
Daddah ne se comportait plus comme le président d’une république, mais comme un
obscur chef tribal qui use de tous les subterfuges pour favoriser sa communauté sur les autres composantes
nationales.
L’élite intellectuelle noire de la Mauritanie, qui n’était pas
dupe des manèges du Président Moktar, sonna la mobilisation à la résistance
contre l’orientation pan arabiste et visiblement raciste que prenait la
Mauritanie. De sorte qu’en 1966, le Mouvement des Elèves et Etudiants Noirs
(MEEN), soutenus par le corps enseignant négro-africain, déclenche un mouvement
de grève qui va s’étendre à beaucoup d’autres travailleurs. Quelques jours plus
tard, ils reçoivent le soutien de 19 cadres noirs qui signent ensemble un
manifeste dit des « 19 » dans lequel ils dénonçaient, sans ambages,
la constitution d’un racisme d’Etat qui frappe de manière discriminatoire les
populations négro-mauritaniennes. Au lieu d’appréhender le malaise avec
lucidité, par exemple en convoquant des assises nationales sur tous ces sujets,
le président Moktar Ould Daddah choisit l’escalade en réprimant le mouvement de
contestation. C’est ainsi que les 19 cadres furent arrêtés et limogés.
En 1979 une circulaire du ministère de l’éducation nationale
augmentant considérablement le coefficient de l’arabe sur le français est
perçue par la majorité des cadres négro-africains de Mauritanie comme une
ultime tentative de chantage : ils étaient d’une certaine manière sommés
de s’assimiler à l’arabité, sinon ils se retrouvaient exclus du canal
d’ascension sociale que constitue l’école. Pour une deuxième fois consécutive
les élèves et étudiants des communautés noires de cultures africaines, entrent
en mouvement de grève qui, malgré quelques débordements, reste globalement
pacifique. Ils obtiennent la garantie que leurs langues (poular, soninké et
wolof) seront promues et introduites dans le système éducatif après un
enseignement pilote (expérimentation) qui devait durer au plus 10 ans.
II.2.Sous le régime militaire
Pour réaliser cette expérimentation (didactisation), un Institut
des Langues Nationales (ILN) fut créé. Seulement dix ans plus tard, en 1989,
non seulement il n’y aura aucune introduction du poular du soninké et du wolof
dans l’enseignement général, mais les Négro-africains, locuteurs de ces
langues, vont être massivement déportés au Sénégal ou contraints de fuir vers
le Mali sous la menace d’une armée devenue ethniciste et raciste. Le pouvoir
civil de Moktar ould Daddah avait été renversé le 10 juillet 1978 par l’armée,
fatiguée de guerroyer contre le front Polisario sur la frontière avec l’Algérie
et le Maroc (cf Brahim ould Bakar Sneiba dans La Mauritanie entre les chars et les urnes (1978-2008)[9]. Entre 1978 et 1984 (six ans) la
Mauritanie a connu au moins quatre chefs d’Etat, tous colonels. Le dernier de
cette période fut Mouawiya ould Sidi Ahmed TAYA qui, comme on le verra dans les
lignes qui suivent, s’illustrera par son caractère fortement raciste et dictateur.
C’est notamment sous son règne que la Mauritanie faillit entrer en guerre
contre le Sénégal (son voisin sud) et que les déportations et purges ethniques
contre les Négro-africains de Mauritanie furent perpétrées.
En effet, profitant d’un
conflit frontalier survenu entre la Mauritanie et le Sénégal – entre
cultivateur sénégalais et éleveurs mauritaniens – des nationalistes arabes
étroits œuvrant dans le régime dictatorial et raciste de Mouawiya ould Sidi
Ahmed TAYA[10] décident d’en découdre avec leurs
compatriotes négro-africains qui les ont empêchés jusque là, avec plus ou moins
de succès, de réaliser leur rêve de construire une nation mauritanienne
totalement arabe. Ainsi, après avoir renvoyé chez eux, des milliers de
Sénégalais, ils entreprirent de déporter également les Mauritaniens noirs de
culture africaine prétextant qu’ils étaient sénégalais. Selon le Haut Commissariat
aux Réfugiés (HCR), plus de 120 000 mauritaniens furent déportés au
Sénégal alors que plus de 55 000 parmi eux sont contraints de fuir, sous
la menace de mort ou d’expropriation de leurs biens, pour se réfugier au Mali.
Et lorsque le Sénégal décida de fermer ses frontières pour ne plus recevoir
d’autres déportés, le régime de Ould TAYA, instrumentalisant des unités de
l’armée, transformées en milices, s’adonna à des exactions de masse dans les
villages et villes de la vallée du fleuve Sénégal, bastion des populations
négro-africaines. Celles-ci échappèrent de justesse à un génocide programmé.
Ces exécutions extrajudiciaires se poursuivront d’ailleurs jusqu’à
la moitié des années 1990, tant parmi les civils que dans les rangs des forces
armées et de sécurité. C’est ainsi que le 28 novembre 1990, pour commémorer
l’anniversaire de l’accession de la Mauritanie à la souveraineté
internationale, des soldats arabo-berbères arrêtèrent et pendirent 28 de leurs
frères d’armes négro-mauritaniens dans un camp militaire à Inal[11], un village au nord-est du pays.
En 1991, ce sont plus de 500 soldats négro-mauritaniens qui vont être
assassinés dans plusieurs camps du régime raciste de Mouawiya ould TAYA, sous
le fallacieux prétexte qu’ils complotaient contre lui ; comme si des
sous-officiers et autres soldats de rang, qui en plus pour la plus part,
étaient en fonction à des centaines de kilomètres de la capitale, pouvaient organiser
un coup d’Etat.
Le sommet de la Baule et l’encouragement « musclé » des
Etats africains par François Mitterrand à évoluer vers des régimes
démocratiques, obligera le dictateur Ould Taya à troquer son uniforme de
colonel contre une veste si ce n’est un boubou. Tout en faisant voter une
nouvelle constitution, organisant des élections présidentielles, législatives
et municipales, Ould Taya réussit à s’inféoder toutes les institutions de la
nouvelle république pour demeurer le maître absolu du jeu politique. Et
puisqu’il avait, depuis 1986 avec la publication par les Forces de Libération
Africaines de Mauritanie (FLAM) de leur « manifeste du Négro-mauritanien
opprimé », ce chef d’Etat acariâtre avait déclaré la guerre aux
Négro-mauritaniens, le valvaire de ceux-ci ne fit que se poursuivre et
s’intensifier.
La communauté hratine, racialement noire, linguistiquement
arabo-berbère et culturellement métisse, subissait une oppression encore plus terrible
que celle qui frappait ses autres frères noirs. Car si les Négro-africains de
Mauritanie s’estimaient discriminés, au plan linguistique, culturel, économique
et social, les Hratines, eux, étaient victimes d’un déni d’humanité !
Alors qu’ils représentent plus de 40% de la population mauritanienne, ils sont
encore à une proportion significative, réduits à l’esclavage le plus abjecte et
le plus primaire surtout dans les zones rurales et périurbaines. Alors que
l’esclavage est aboli dans les lois depuis 1981 par décret, des milliers de
femmes et d’homme de cette communauté travaillent sans salaire, font l’objet
d’héritage de père en fils et traités comme des criminels de guerre lorsqu’il
leur arrive de vouloir se révolter ou fuir. Les femmes pouvaient être
« possédées » par leurs maitres sans que ceux-ci aient besoin de souligner
la liaison par quelque acte de reconnaissance que ce soit.
Dès lors, l’Etat mauritanien dominé par l’aristocratie
arabo-berbère devait faire face à une double opposition communautaire :
celle des Négro-africains (Peuls, Soninkés, Wolofs) et celle des Hratines
(Esclaves et anciens esclaves). En plus de la couleur noire de leur peau, ces
communautés partagent, à des proportions différentes une situation d’oppression
multiforme.
Les Négro-africains de Mauritanie regroupés dans de nombreux
partis et mouvement politiques (Forces de Libération Africaines de Mauritanie (FLAM)[12], Parti pour l’Egalité et la
Justice (PLEJ), Alliance pour la Justice et la Démocratie (AJD), Alliance pour
une Mauritanie Nouvelle (AMN), Alliance pour la Justice et la
Démocratie/Mouvement pour la Rénovation (AJD/MR), Initiative Mauritanienne pour
l’Egalité et la Justice (IMEJ), Conscience Citoyenne (CC), Kawtal ngam
Jellitaare et plus récemment encore MAPROM…) réclament que leurs langues et
cultures soient traitées au même niveau que la langue et culture arabes, une
représentativité plus juste dans les différentes instances de l’Etat, bref ils
veulent l’égalité ! Il faut dire que depuis 1986, toutes les organisations
négro-africaines ont toujours dénoncé dans leurs discours l’esclavage qui
frappe les Hratines.
Les Hratines militant dans des organisations de lutte contre
l’esclavage se battent pour la fin de cette pratique odieuse d’un autre temps.
Mais sachant qu’en réussissant l’abolition de l’esclavage ils retombent
nécessairement sous le coup du racisme d’Etat qui frappe leurs frères
négro-africains, et compte tenu, par ailleurs du fait qu’ils ont un adversaire
commun (non pas la communauté arabo-berbère, mais le système de privilèges qui maintient
un racisme d’Etat), les élites progressistes, négro-africaines et hratines
structurées, opèrent une jonction, une alliance stratégique destinée à
supprimer l’hégémonie des classes dominantes. Cette nouvelle dynamique est
d’autant plus intéressante qu’elle émerge à la lisière d’un renouvellement
générationnel. Car il faut bien le souligner, les nouveaux leaders ne
s’appellent plus Samba Thiam (FLAM)[13], Ibrahima Sarr (AJD/MR)[14], Ba Mamadou Alassane (PLEJ)[15], Messaoud ould Boulkheir (AC,
puis APP)[16] ou Boubacar ould Messaoud
(SOS-Esclaves), mais Mamadou Kalidou Ba – votre serviteur – (IMEJ)[17], Alassane DIA (CC)[18], Biram Dah Abeid (IRA)[19], ou Guelongal BA[20].
II.3. Une brève alternance démocratique
J’ai montré dans les lignes précédentes comment depuis 1966 les
Négro-mauritaniens ont entrepris de dénoncer leur situation de citoyen de
seconde zone par des actions de grèves et de publications de manifestes. Il est
évident que, malgré certains débordements, leurs actions s’inscrivaient dans
une approche non violente. De même, toutes les actions menées par SOS-Esclaves
sous la direction de Boubacar ould Messaoud et Messaoud ould Boulkheir (tous
deux hratines) pour libérer des esclaves dans les « adwaba » et autres
zones rurales, étaient exemptes de violence.
Toutefois, en dépit de quelque victoires remportées d’une part par
les Hratines dans leur volonté de libérer les leurs réduits à l’esclavage par des
maîtres arabo-berbères et d’autre part, par les autres Négro-mauritaniens
(Peuls Soninké, Wolofs) dans leur combat pour l’égalité linguistique,
culturelle, économique et politique, la lutte des populations noires (Hratines
et Négro-africains) pour l’égalité et la justice semblait en perte de vitesse.
Deux événements vont engendrer une situation politiques qui incitera à la
relance de ces combats : le coup d’Etat contre Mouawiya ould Sid’Ahmed
TAYA réalisé par le Conseil Militaire pour la Justice et la Démocratie (CMJD)[21] en août 2005 et celui du Haut
Conseil d’Etat qui a destitué le seul président civil dont la transparence de
l’élection était reconnue par tous les acteurs politiques en août 2009.
A la fin de la période transitoire de deux ans faisant suite au
premier putsch, Sidi ould Cheikh Abdallahi – arabo-berbère comme tous ceux qui
ont présidé jusqu’aujourd’hui aux destinées de la Mauritanie – fut élu Président de la république au deuxième
tour d’une élection ayant fait l’unanimité de la classe politique. Contre toute
attente, il prend la résolution d’entamer le traitement juste du problème de la
cohabitation intercommunautaire. Après un discours à la nation où il dénonce
les exactions commises contre ses compatriotes négro-africains dans les années
1980 et 1990, il rend publique sa décision de rapatrier en Mauritanie les
citoyens mauritaniens se trouvant au Sénégal et au Mali dans la dignité.
Joignant l’acte à la parole, il signe des accords tripartites avec d’une part
le HCR et l’Etat du Sénégal et d’autre part avec le HCR et le gouvernement
malien. Dans le courant de l’année 2008, après avoir organisé les journées
nationales de concertation, les premiers Mauritaniens noirs qui furent déportés
au Sénégal depuis 1989 sont accueillis officiellement, dans la joie et
l’allégresse, à la berge de Rosso, une ville à la frontalière entre les deux
pays. Parallèlement à ce processus, il fait voter à l’assemblée nationale une
nouvelle loi criminalisant l’esclavage suivie d’une forte campagne de sa
vulgarisation menée par les membres de son gouvernement.
C’est malheureusement cette dynamique de réconciliation nationale qui
va être brutalement interrompue par le Nième putsch mauritanien qui mettra à sa
tête une nouvelle junte dirigée par Mohamed ould Abdel Aziz[22]. Au lieu de poursuivre dans le
sens de la consolidation de l’ébauche d’une unité nationale fragile, le nouveau
groupe de putschistes déploie une politique incohérente, voire paradoxale :
poursuite puis interruption brutale du retour des déportés alors que tous les
inscrits sur les listes du HCR ne sont pas encore rentrés, refus d’appliquer la
loi criminalisant l’esclavage malgré la présentation de cas avérés devant les
tribunaux, et enfin répression de plusieurs manifestations réclamant le retour
à la démocratie.
Lorsque finalement, sous la double pression combinée de la rue et
de la communauté internationale le chef des putschistes Mohamed ould Abdel Aziz
consent à troquer son uniforme de général contre une tenue civile, à travers
une mascarade d’élection (2009), son gouvernement entame une opération
d’enrôlement des populations destinée à doter la Mauritanie d’un état civil
biométrique. Si dans un contexte mondial marqué par la montée du terrorisme
international, la sécurisation de l’état civil est nécessaire, cette opération
est très vite détournée de son objectif et instrumentalisée à des fins
d’exclusion des populations noires du pays soupçonnées d’être originaires du
Sénégal ou du Mali alors qu’au même moment, aucun doute ne pèse sur les
Arabo-berbères pourtant anthropologiquement indissociables des Sahraouis,
Algériens ou Marocains. C’est ainsi que sur dix Négro-mauritaniens qui
franchissaient les seuils des centres d’enrôlement, seuls deux ou trois en ressortaient avec le fameux
extrait des actes sécurisés. Du côté des Hratines, la situation est non moins
reluisante. Les esclaves maintenus dans l’obscurantisme total n’ont pas d’état
civil et les anciens esclaves sont tout aussi confrontés aux problèmes
d’enrôlement que leurs autres frères noirs.
III. Le harcèlement pacifique ou la lutte non violente
mauritanienne
J’appelle harcèlement pacifique une attitude de lutte qui s’impose
comme une alternative entre l’action violente et l’immobilisme engendré par le
dévoiement des institutions de l’Etat par des lobbys réactionnaires qui
plombent la société et l’empêchent d’évoluer alors même qu’une crise aigue la
menace d’implosion. Cet oxymore (harcèlement pacifique) allie le refus du
conformisme à celui de la violence et offre ainsi à la victime une possibilité
d’exiger que ses droits élémentaires soient respectés par l’autorité sans pour
autant succomber à la haine et à la vengeance. Le « harceleur
pacifique » est donc ce combattant patriote qui est doublement conscient,
d’une part de la nécessité absolu de pousser sa société, son pays, à entamer
tout de suite des réformes sociales et politiques pour endiguer toute
confrontation intercommunautaire et, d’autre part de la nécessité de préserver
l’Etat et ses institutions dont l’écroulement induit fatalement l’anomie et ses
désastreuses conséquences dont les premières, et sans soute les plus redoutables,
sont le développement du terrorisme islamiste et la mise sous tutelle
internationale. Le harcèlement pacifique est donc une méthode de lutte non
violente qui s’exclut nécessairement des extrêmes et se positionne comme une
médiation naturelle entre l’exigence de donner à la victime ses droits et une
perception lucide des équilibres macro politiques.
III.1.L’action d’IRA sous la présidence de Biram Dah Abeid
De jeunes haratines, excédés par l’hypocrisie des différents
régimes qui se sont succédé à la tête de la Mauritanie – excepté celui hélas
trop bref de Sidi ould Cheikh Abdallahi – qui votent des lois
anti-esclavagistes, juste pour mystifier la communauté internationale, sans
jamais songer à les appliquer, décident de créer une Initiative pour la
Résurgence du mouvement Abolitionniste (IRA). Alors que des associations
parfois fantaisistes sont reconnues tous les jours par le ministère de
l’intérieur, celle-ci est purement et simplement interdite sans aucune
explication. Au lieu d’obtempérer au refus de l’autorité, ils se mettent au
travail. A leur tête se trouve Biram Dah Abeid qui, par son courage et son
abnégation, s’imposera comme le leader incontestable de cette organisation
plusieurs fois couronnée de prix prestigieux dont le dernier, à ce jour, est celui de James Lawson remis à
ses deux premiers leaders par le Secrétaire d’Etat américains aux affaire
étrangères John Kerry le 30/06/2016.
Sans tomber dans l’extrémisme violent, Biram Dah Abeid entreprend
au plan discursif de déconstruire les fondements idéologiques, notamment
religieux de l’esclavage traditionnel pratiqué dans le milieu arabo-berbère
mauritanien. L’autodafé des ouvrages de Khalil, un jurisconsulte dont
l’interprétation erronée de certains versets du Saint Coran encourageait
indubitablement la pratique des formes rétrogrades de l’esclavage, est, à plus
d’un titre, un acte symbolique majeur dans la dimension idéologique du combat d’IRA.
Cette action mitigée avait donné lieu à des manifestations des milieux islamio-conservateurs
arabo-berbères réclamant des autorités un châtiment exemplaire contre celui qui
a osé « profaner » khalil et des contre-manifestations par les
défenseurs de l’accusé qui exigeaient sa libération immédiate et justifiaient
ainsi l’incinération de textes qui ne doivent point servir de référence à la
morale islamique.
Par ailleurs, dans son action militante, il trouve que la
pionnière association SOS-Esclaves est trop mole dans ses dénonciations et ses
actions pour faire bouger les lignes d’un pouvoir solidement tenu par une certaine
aristocratie arabo-berbère conservatrice. Tout en reconnaissant le rôle
précurseur de Boubacar ould Messaoud dans la lutte contre l’esclavage, il
entend aller plus loin et forcer le gouvernement mauritanien à agir efficacement
contre ce fléau. Aussi malgré ses multiples séjours en prison (dont le dernier
a duré une année et demi, de 2015 à 2016), le leader abolitionniste, entouré
par un noyau de fidèles et de sympathisants, poursuit son combat avec une
abnégation qui force le respect.
Malgré la propagande des autorités mauritaniennes qui s’efforcent
d’effilocher sa crédibilité internationale en dépeignant IRA comme une
organisation violente, la réalité est que ce mouvement et son leader ne sont
violents ni de philosophie ni de méthode de lutte. Si son discours peut s’avérer d’une violence sarcastique à l’encontre
des « classes dominantes » qu’il accuse d’hypocrisie morale et
d’instrumentalisation honteuse de l’Islam pour perpétuer des pratiques
immorales, le fait incontestable est que IRA n’a jamais réalisé ou appelé à une
quelconque action armée, ni contre l’Etat ou ses représentants, ni contre les
esclavagistes.
La nouvelle forme de lutte initiée par Biram Dah Abeid marque sans
doute une évolution majeure dans l’appréhension du traitement complexe de la
problématique de l’esclavage. Comme je l’ai souligné plus haut, après avoir
travaillé plusieurs années à l’ombre de Boubacar ould Messaoud dans le cadre de
SOS-Esclaves, la nouvelle génération de jeunes hratines fut obligée de
constater que la démarche consistant à retrouver des cas d’esclavage et de les
soumettre à la justice, sans suivi, semble s’avérer caduque. En effet,
l’appareil judiciaire mauritanien dominé par cette même classe arabo-berbère
islamo-conservatrice qui renferme en son sein de nombreux propriétaires
d’esclaves, requalifiait la plupart du temps, les cas d’esclave en d’autres
délits mineurs (exploitation de mineurs par exemple lorsqu’il s’agit
d’enfants), si elle ne prononçait tout simplement pas un non-lieu. On a même vu
des cas où la justice à renvoyé des esclaves sous la domination de leurs
maîtres sous le ridicule prétexte que les malheureux appartenaient à la famille
de l’accusé !
Ainsi, face à cette complicité des forces de l’ordre (police et
gendarmerie nationales), chargée d’arrêter les prévenus, de mener les enquêtes
liminaires, et de l’appareil judiciaire qui remettait presque systématiquement
en liberté les maîtres incriminés, la nouvelle génération de combattants
anti-esclavagistes décida d’adapter sa méthode de lutte pour faire face à cette
hypocrisie collective. N’ayant pu entraîner leurs aînés qui s’accommodaient
tant bien que mal de la situation, ils se démarquent pour aller créer
l’Initiative pour la Résurgence du Mouvement Abolitionniste (IRA). Décidés à ne
plus laisser la police et la gendarmerie biaiser les enquêtes, encore moins
permettre à des procureurs et autres juges de remettre en liberté des
criminels, ils décident désormais d’accompagner les victimes plaignantes dans
toutes les étapes de la procédure judiciaire allant du commissariat ou de la
brigade de gendarmerie au tribunal. Lorsque le commissaire de police concerné
par l’enquête leur refuse le droit d’accompagner la victime (toujours analphabète
et impressionnée par la vue de l’uniforme), au lieu de rentrer tranquillement
chez eux, ils campent devant le commissariat et appellent leurs militants et
sympathisants à un sit-in. Ni les coups de matraque, ni les grenades
lacrymogènes ne leur font déguerpir des lieux. Une fois, alors qu’un esclavagiste
avéré venait d’être remis en liberté par un juge, Biram et ses amis
déclenchèrent une grève de la faim devant l’assemblée nationale qui dura
presque 72 heures, obligeant les autorités à se ressaisir du dossier.
A Kaédi[23] et à Rosso[24], on a vu des militants d’IRA se
coucher devant les véhicules de la police envoyée par les autorités locales
pour arrêter leur leader ou l’empêcher de poursuivre sa caravane de
sensibilisation anti-esclavagiste. Ils réussissaient ainsi à immobiliser les
convois de la police de répression pendant des heures. Cependant très rares
sont les cas où un militant rend un coup reçu d’un policier. Lorsqu’on a une
idée de la méchanceté légendaire des forces de sécurité mauritaniennes qui ont
toujours brillé par leur incompétence et leur propension à la torture et au
mensonge, on comprend alors tout l’effort fourni par ces activistes des droits
de l’homme.
III.2. De l’Initiative Mauritanienne pour l’Egalité et la Justice
(IMEJ) à « Touche Pas à Ma Nationalité » (TPMN)
Parallèlement à la lutte des Hratines pour la ré-humanisation
d’une bonne partie d’entre eux soumise à la servitude, les Négro-africains ont
poursuivi la leur contre l’exclusion et pour l’égalité de tous. Il s’agit pour
eux de dénoncer le développement en Mauritanie d’un racisme d’Etat, quasi
absent dans les lois, mais qui dans les faits, étouffe les Négro-mauritaniens
dans tous les secteurs de la vie publique.
La résurgence du combat négro-africain contre les différentes
manifestations du racisme d’Etat sera suscitée par deux événements
majeurs : la perspective d’une énième réforme du système éducatif envisagée
par Mohamed ould BAHYA nommé ministre de l’éducation nationale dans le
gouvernement de Mohamed ould Abdel Aziz après son élection aux présidentielles
de 2009 et l’enrôlement biométrique qui a commencé en 2012.
En effet, aussitôt nommé à la tête d’un super ministère dit
« d’Etat, de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la
recherche scientifique », M. Ould BAHYA déclara vouloir faire les
« états généraux de l’éducation nationale » en vue de réformer ce
secteur dont les Mauritaniens, à l’unanimité, pensaient – et pensent toujours –
qu’il est la principale cause du sous-développement du pays. Le bureau exécutif
de l’IMEJ, après analyse de la situation, décide de sensibiliser l’opinion
mauritanienne sur la nécessité absolue d’inscrire à l’ordre du jour de ces
états généraux la question de l’introduction du poular, du soninké et du wolof
dans l’enseignement général aux côtés de l’arabe et du français. Cette mesure
qui, de notre point de vue, devait consacrer l’égalité des langues et cultures
mauritaniennes, s’inscrivait également dans la droite ligne de la réforme de
1979. Celle-ci, comme je l’ai rappelé plus haut, prévoyait une expérimentation
de dix ans à la fin de laquelle ces langues devaient être introduites dans le
système éducatif.
Pour recommander très fortement cet ordre du jour, l’IMEJ décida
donc de mobiliser l’opinion mauritanienne en appelant à une grande marche dont
l’objectif était de réunir dans une grande place du centre ville de Nouakchott
autour de 5000 personnes. Pour réussir cette sortie citoyenne, nous somme
entrés en contact avec plusieurs autres organisations (Conscience Citoyenne,
Fédé Thierno Yaya Bass, Kawtal ngam Jellitaare et bien d’autres ONG de
promotion des langues et cultures nationales). Une commission de coordination
et plusieurs sous-commissions destinées, entre autres, à sensibiliser
l’opinion, furent créées. La présidence de la commission de coordination fut
confiée à l’IMEJ qui avait initié cette action. Nous désignâmes donc, sur ma
proposition, Abdoul Birane WANE, à l’époque vice-président de l’IMEJ.
Alors que la sensibilisation battait son plein pour réunir un
maximum de monde pour l’enseignement de toutes les langues mauritaniennes, un
autre constat est venu chambouler notre programme : l’enrôlement qui avait
commencé quelque semaine plus tôt, se traduisait par une exclusion systématique
des Négro-africains qui se présentaient dans les différents centre dédiés à cette
opération, à travers toutes les régions de la Mauritanie. Selon notre
évaluation, sur une dizaine de Négro-mauritaniens qui se présentaient, dossiers
en main, devant les commissions d’enrôlement, seuls 2 à 3 se faisaient enrôler.
Les autres étaient rejetés, bien des fois de manière humiliante, au motif
qu’ils n’étaient pas des MAURITANIENS ! Ainsi, après avoir été déportés
massivement en 1989, échappé de justesse à un génocide programmé, les
Négro-mauritaniens étaient encore condamnés à devenir des apatrides sur le sol
de leurs ancêtres parce qu’un lobby raciste au pouvoir en avait décidé ainsi.
En 1989 un manque notoire de solidarité entre les Négro-africains de Mauritanie
(Peuls, Soninkés, Wolofs) avait permis au lobby nassero-baathiste[25] au pouvoir sous le régime de
Mouawiya Ould TAYA d’en déporter des milliers et de massacrer des milliers
d’autres ; nous ne devrions pas reproduire cette fatale erreur de nos
ainés.
Aussi, à l’occasion d’une réunion du bureau exécutif de l’IMEJ, je
m’adressais à mes camarades en ces termes :
« Les rejets massifs des citoyens négro-mauritaniens dans les
centres d’enrôlement augurent d’une volonté réelle des dirigeants actuels du
pays de perpétrer contre nous un génocide biométrique après la tentative de
génocide « physique ». En 1989 nos ainés ont naïvement ou lâchement
regardé leurs voisins, amis, frères ou sœurs se faire embarquer dans des
camions et déporter au Sénégal, sans réagir, sans oser s’opposer aux forces de
police agissant comme des milices. Nous ne pouvons et ne devons réitérer cette
monumentale erreur de l’Histoire en acceptant ces exclusions. Nous souhaitons,
comme chaque citoyen de ce pays que l’état civil mauritanien soit sécurisé,
mais nous ne devons pas accepter l’exclusion d’un seul membre d’une famille mauritanienne
sous le prétexte fallacieux qu’il n’a pas réussi à prouver sa
« nationalité » en s’exprimant en hassanya, en lisant telle sourate
du coran ou en se soumettant à une quelconque humiliante épreuve.
« Nous étions entrain de nous mobiliser pour réclamer que
soit discutée la question de l’introduction de nos langues nationales dans
notre système éducatif, voilà qu’un malheur encore plus grand nous
guette : la négation pure et simple de notre appartenance à la Mauritanie,
cette terre sur laquelle nous vivons depuis plusieurs centaines de générations !
Je vous conjure donc de suspendre tout de suite notre mobilisation
pour la marche en faveur de l’égalité des langues pour réinvestir notre énergie
dans la résistance contre notre exclusion de la Nation mauritanienne, certes
diverse, mais unique ! Nous pensions être en droit d’exiger de nos
dirigeants qu’ils se positionnent à équidistance vis-à-vis des différentes
communautés nationales en reconnaissant, à toutes, le droit de faire
l’apprentissage du savoir dans toutes les langues du pays, mais pour ce faire
il faut d’abord que notre appartenance à la Mauritanie, qui nous parait
pourtant si évidente, soit reconnue par ceux qui nous gouvernent. Je ne pu
croire que plus de quarante ans après les indépendances nous en soyons encore à
nous battre pour la reconnaissance de notre citoyenneté ».
A l’unanimité mes camarades approuvèrent cette réorientation et il
fut décidé de proposer à nos alliés d’envisager des actions de sit-in devant
les centres d’enrôlement pour exiger que les négro-mauritaniens soient enrôlés
en dehors de tout soupçon et cela conformément à la loi. Mes camarades, membres
de la coordination devraient également proposer à nos alliés une date pour le
premier sit-in devant se tenir devant le centre du 5ème
arrondissement (Sebkha), à partir de 10 heures, parce que c’est là que le
Président de la république est allé se faire enregistrer pour « donner
l’exemple » !
C’est cette commission de coordination entre les différentes
organisations ci-haut nommées qui se mua en « Touche pas à ma
nationalité » avec à sa tête Abdoul Birane Wane, alors vice-président de
l’IMEJ.
Je me rappelle encore de la matinée de ce premier jour de sit-in
qui a eu lieu une matinée du deuxième trimestre 2011. Arrivé sur les lieux à 10
heures moins un quart, les présidents des organisations initiatrices et les
membres de la commission de coordination trouvèrent sur place un détachement de
la garde nationale dirigée par un lieutenant. Il faut dire que quelques
semaines plutôt, nous avions lancé un appel à la mobilisation sur facebook ;
de sorte que si les jeunes négro-mauritaniens ont été informés, les autorités
aussi l’étaient. Le jeune lieutenant vint donc vers notre attroupement et nous
demanda ce que nous faisions là. Je lui répondis que nous étions venus
manifester, par un sit-in, notre colère face au rejet massif et injustifié des
nôtres lorsqu’ils se présentent dans les centres pour actualiser leur état
civil. L’officier nous demanda si nous
avion une autorisation, je lui répondis que nous n’en avions pas et que nous
n’en avions pas besoin pour tenir un sit-in pacifique. Il nous rétorqua que
sans autorisation, il nous ordonnait de nous disperser. Abdoul Birane Wane prit
alors la parole pour lui dire que « tous les jours, des Mauritaniens
de la communauté maure manifestent devant les grilles de la présidence pour des
raisons bien moins importantes, cependant vous n’êtes jamais allé leur demander
une quelconque autorisation. Alors nous, nous manifesterons ici sans
autorisation ! » Sur ce, pour joindre l’acte à la parole, je
demandais à ceux qui avaient les banderoles de les dérouler. Face à notre
détermination à ne pas bouger d’un iota, le jeune officier trouva plus
raisonnable de trouver un terrain d’entente avec nous. Après nous avoir quittés
pour se concerter avec ses hommes, il revint pour nous dire que, si nous ne
nous attaquions pas aux biens et aux personnes, nous pouvions tenir notre
sit-in.
Cette manifestation dura deux heures, comme prévu. A midi, je pris
le mégaphone pour remercier les manifestants venus nombreux (plus d’une
centaine) et les inviter à poursuivre avec des sit-in hebdomadaires jusqu’à ce
que notre droit à la citoyenneté soit reconnu. Ces sit-in se sont poursuivis
sur plus d’un mois. Ils furent suspendus au début de ramadan avant de se
transformer en de véritables marches réunissant des milliers de Noirs exclus.
Le mouvement de protestation fut décentralisé à l’intérieur du pays où les
capitales (Rosso, Kaédi, Sélibaby, et certaines communes (Boghé, Maghama, Djowol
…) des régions du sud, bastion des
négro-mauritaniens sortirent pour exprimer leur ras-le-bol de ce racisme
anti-négro-africain qui n’a que trop duré. A Nouakchott, à Kaédi et dans
certaines capitales régionales la plus part des marches furent réprimées à coup
de matraques et de lacrymogènes ; c’est cependant à Maghama que l’apogée
de la répression a été atteint lorsque la gendarmerie paniqua face à l’ampleur
de la foule des manifestants : un des gendarmes tira sur la foule et fit
un mort – le jeune Lamine Mangane – et plusieurs blessés graves. Et pourtant,
rien n’y fit ; les manifestations essaimèrent au point que les autorités
craignirent le pire (une confrontation civile), des instructions furent données
pour mettre fin aux interrogations humiliantes et d’enrôler tous ceux qui
avaient le fond d’état civil constitué par la fiche de recensement de 1998, les
anciens actes de naissance et de nationalité et la carte d’identité nationale…
Les actions de Touche pas à ma nationalité ont connu un réel succès
et permis à des milliers de Négro-mauritaniens d’obtenir leur état civil leur
évitant ainsi de devenir des apatrides. Et pourtant, aujourd’hui encore de
nombreux autres Noirs de Mauritanie ne sont toujours pas enrôlés à cause des
écueils dressés sur leur chemins par des chefs de centres zélés, tacitement
encouragés par les responsables administratifs au plus haut niveau.
III.3.La synergie des luttes négro-africaine et hratine
L’approche dualiste des luttes contre le racisme d’Etat et
l’esclavage, dans cet article, pourrait amener le lecteur peu au fait de la
situation en Mauritanie à croire que les Négro-africains de Mauritanie et les Hratines
ont mené leurs combat de manière totalement séparée. En fait, il n’en est rien.
En réalité les mouvements progressistes, politiques et civils des deux
communautés ont toujours eu conscience que le combat des uns recoupe et engage
celui des autres. Car, s’il est vrai que seule une partie des Hratines est
confronté au déni d’humanité que demeure l’esclavage, il n’en demeure pas moins
que toutes les communautés noires (Hratines, Peuls, Soninkos, Wolofs) sont
frappées par l’exclusion à caractère raciste perpétrée par ceux qui incarnent
l’Etat jusqu’à son sommet.
Déjà en 1986, les FLAM – pourtant constituées uniquement de cadres
négro-africains – dénonçaient très clairement, dans leur « manifeste du
Négro-mauritanien opprimé » l’esclavage auquel étaient soumis une partie
des Noirs. De même, le parti Action pour le Changement qui regroupait des
nationalistes négro-africains et des cadres hratines énonçait une déclaration
de politique générale qui allie parfaitement les revendications
négro-africaines (retour des déportés, règlement du passif humanitaire et
officialisation des langues poular, soninké et wolof) à celles des Hratines
(lutte contre l’esclavage et émancipation).
Mais c’est surtout à travers le Front de Lutte contre l’Esclavage,
le Racisme et l’Exclusion (FLERE) que la lutte des communautés noires connaitra
une véritable synergie. Séduit pas les écris très progressistes de Biram Dah
Abeid, président de IRA, sur la question nationale, j’ai attiré l’attention de
mes camarades du bureau de l’IMEJ sur cette nouvelle voie hratine émergente.
Dans son discours, le père de la résurgence abolitionniste apportait deux
orientations décisives à la lutte hratine :
son refus de considérer les Hratines comme une partie de la
communauté maure ou arabo-berbère (bidhanes) et leur appréhension comme une
communauté à part entière : ils ne sont ni bidhanes, ni peuls, soninkés ou
wolofs. Ils sont issus du contacte historique entre les souches communautaires
bidhanes (arabo-berbère) et négro-africaines (Peuls Soninké, wolofs, bamabaras).
Le produit de cette dramatique histoire (esclavage) fait d’eux des Hommes de
race noire, de langue arabo-berbère et de culture métisse. Pour avancer, ils
doivent assumer leur histoire en se positionnant comme ils sont et non comme
les autres voudraient qu’ils soient. C’est en ce point précis que Biram Dah
Abeid est allé plus loin que tous ses ainés, au premier rang des quels,
Messaoud ould Boulkheir. Presque tous les jeunes leaders hratines de la
deuxième et troisième génération optent d’ailleurs, de plus en plus, pour ce
positionnement médian.
Plus que les autres leaders hratines, Biram ajoute à la lutte contre
l’esclavage, le combat pour le règlement du passif humanitaire. Le pèlerinage
dans la ville d’Inal pour honorer la mémoire des 28 soldats négro-africains
assassinés le 28 novembre 1990 a été un moment fort qui a considérablement
augmenté le capital de sympathie des milieux progressistes noirs africains.
Toutefois, il importe de dire que Biram ne s’exprime pas sur les revendications
progressistes négro-africaines : je ne l’ai jamais entendu prôner
l’officialisation des langues poular, soninké et wolof, ni leur introduction
dans le système éducatif Mauritanie ; ce qui empêche encore de nombreux
nationalistes négro-africains de le suivre.
Le FLERE, qui a eu une durée de vie limitée, a permis cependant de
montrer que l’alliance des organisations
progressistes hratines et négro-africaines de Mauritanie est d’ordre
stratégique. Ensemble elles pourront remporter plus vite des victoires à
travers des actions totalement non violentes. Par ailleurs, s’il est vrai que
le combat des peuples, pour la liberté et l’égalité, finit toujours pas
triompher des forces obscurantistes et rétrogrades, il n’en demeure pas moins
que la réussite des luttes non violentes passe aussi par un recentrage du
discours dénonciateur en vue de rassurer ceux de la communauté arabo-berbère auxquels
on fait croire que le changement est synonyme de leur déchéance, voire de leur
destruction.
Conclusion
La lutte non violente est une longue marche pour aboutir à la
liberté et à l’égalité. Eu égard aux expériences d’autres contrées du monde, le
processus enclenché en Mauritanie est encore très jeune. Et pourtant, si à
l’intérieur du pays, les victimes de plus en plus impatientes, ont l’impression
que les choses ne bougent point, ou pas assez, un aperçu diachronique souligne
objectivement que de réelles victoires ont été remportées dans la lutte contre
l’esclavage et le racisme d’Etat. Toutefois, un long chemin reste encore à parcourir, d’abord pour
écarter le spectre de toute confrontation inter communautaire, ensuite pour
refonder l’Etat sur des bases plus égalitaires.
Au terme de cette analyse, je voudrais terminer en soulignant les
pistes suggestives suivantes :
-Tant que le dialogue est possible, que toutes les opinions
peuvent s’exprimer, que les manifestations dénonciatives ne sont pas réprimées
dans le sang, que les dirigeants sont attentifs à l’évolution, parfois très
rapide, de l’opinion nationale, alors la lutte non violente est plus que jamais
adéquate dans le contexte mauritanien. Elle minimise les pertes et les
souffrances humaines tout en permettant de conserver l’existence d’un Etat qui,
malgré l’injustice qu’il incarne, sauvegarde un équilibre sans lequel ce sera
le règne de l’anomie, de l’anarchie, donc du néant de la vie.
-La lutte contre l’esclavage et le racisme d’Etat ne doivent plus
être l’apanage des seules victimes (Haratines, Peuls, Soninkos et Wolof). Ce
sont là des problèmes nationaux qui, pour être résolus sans violence, exigent
la mobilisation de touts les Mauritaniens. Il faut se féliciter qu’il y’ait de
plus en plus d’Arabo-berbères qui, au nom de la justice et de l’égalité des
Hommes, embrassent courageusement ces luttes en s’exprimant, à ce titre, en
toute honnêteté. Les exemples d’Isselkou ould Abdel Kader (ancien gouverneur),
de Gemal ould Yessa et surtout d’Oumar ould Beibacar méritent, entre autres et
à juste titre, d’être cités et soulignés.
Enfin, les leaders négro-africains et hratines doivent, malgré la
répression menée contre eux (emprisonnements et tortures) par les lobbys
racistes au pouvoir, poursuivre leurs discours et actions dans le sens de
rassurer l’opinion arabo-berbère ; la convaincre que leur lutte n’est
point orientée contre eux, mais contre un système injuste qui leur refuse leurs
droits élémentaires. Ils doivent, contre vents et marrées, garder le lien du
dialogue avec cette communauté en l’informant sur leurs projets politiques
d’une Mauritanie débarrassée des démons de l’esclavage, de l’exclusion
linguistique et culturelle, mais indivisible ; d’une Mauritanie développée
et épanouie où tous ses enfants pourront vivre libres et égaux ! Une
Mauritanie-arc-en-ciel où le métissage ne sera pas une exception, mais la règle
naturelle comme celle qui régit la perpétuation de l’espèce humaine. Je crois
que cette Mauritanie est possible et à notre portée.
Il est, par ailleurs souhaitable que le camp des progressistes,
dans la communauté arabo-berbère, s’élargisse et s’exprime davantage dans le sens de la
reconnaissance de la légitimité du combat négro-mauritanien pour une justice et
une égalité dans les faits. En ayant le courage de défendre de telles
positions, à l’instar de ceux que j’ai cité plus haut, ils participeront à la dé-communautarisation
d’un débat, qui devait être avant tout, national. Pour éviter un face à face
dangereux, il est souhaitable que la lutte contre l’esclavage et le racisme
d’Etat ne soit plus l’apanage des seules communautés noires opprimées, mais le centre
d’intérêt de tous les Mauritaniens. Ainsi et ainsi seulement, nous pourrons
sauver notre patrie des soubresauts d’une instabilité endogène.
Pr. BA Mamadou Kalidou
Nouakchott le 24/07/2016
[1] Mouvement fondé par des Blancs
particulièrement racistes qui prônait le maintien de la ségrégation, par une
violence inouïe.
[2] Coretta Scoot King, Ma vie
avec Martin Luther King, Paris, Stock, 1970, p. 42.
[3] Déclaration du Mahatma
Gandhi, 23 mars 1922, suivi du Discours du Dalaï Lama, le 10 décembre 1989,
Paris, Seuil, 1990, p.23.
[4] Ville située au sud-est de la
Mauritanie, capitale de la région du Brakna.
[5] Sont appelés ainsi, les Peuls ou
foulbés, les Soninkés ou Soninko et les Wolofs ; ils sont de race noire et
de langues et cultures africaines.
[6] Comme le nom l’indique, cette
communauté est issue du brassage entre Arabes et Berbères. Ils sont de langue
hassanya (une variante de l’arabe) et de race blanche ou rouge comme les
appellent leurs voisins peuls.
[7] C’est la communauté qui est
issue du contacte historique entre les populations autochtones de la Mauritanie
qu’on appelait les « bafouri » ou Négro-africains et les Berbères
arrivés là au 9ème siècle, puis les Arabes San-haja au 11ème
siècle. Leurs ancêtres auraient été razziés et réduits à l’esclavage par les
tribus arabo-berbères qui entretenaient à travers le Sahara un commerce
florissant d’esclaves, de sel et de produits exotiques. Aujourd’hui les Hratines
constituent la communauté majoritaire en Mauritanie (plus de 40 %) pourtant non
reconnue en tant que telle dans la constitution. Ils sont racialement noirs,
linguistiquement hassanophone (langue hassanya, dialecte de l’arabe) et
culturellement métisses avec une africanité plus prononcée lorsqu’ils résident
en milieu négro-africain et une arabité plus prononcée lorsqu’ils vivent parmi
les Arabo-berbères.
[8] Colonel à la retraite réputé par
l’objectivité qui caractérise tous ses écrits, nourris par une recherche
foisonnante… Un honnête homme auquel j’ai rendu un hommage dans un article
précédent. Il s’exprime sur toutes les questions nationales. Voir dans le
numéro1033 du 29 juin 2016, p.6 du journal hebdomadaire mauritanien Le Calame.
[9] Brahim Ould Bakar Ould Sneiba, La Mauritanie entre les chars et les urnes,
1978-2008, Raba, éditions Fondation Cheikh M’rabih Rabou pour le patrimoine et le développement, 2013, pp. 23-59.
[10] Renversé par un coup d’Etat le 4
aout 2005 par une nouvelle junte. L’actuel Président Mohamed ould Abdel Aziz
était la deuxième personnalité des putschistes après Ely Md Vall qui présida la
transition.
[11] Cf Mahamadou Sy, L’Enfer
d’Inal. Mauritanie : l’horreur des camps. Paris, L’Harmattan, 2000,
186p.
[12] Cette organisation est créée en
1984, donc bien avant l’ère de la démocratisation.
[13] Forces de Libération Africaines
de Mauritanie
[14] Alliance pour la Justice et la
Démocratie/Mouvement pour la Rénovation
[15] Parti pour l’Egalité et la
Justice
[16] A.C. (Action pour le Changement)
A.P.P. (Alliance Populaire Progressiste)
[17] Initiative Mauritanienne pour
l’Egalité et la Justice que j’ai fondée en 2009 après avoir démissionné
d’AJD/MR parce que je trouvais inadmissible la position de ce parti, dont
j’étais le porte parole, qui « prenait acte » du coup d’Etat perpétré
par Mohamed ould Abdel Aziz le 05 août de la même année.
[18] Conscience Citoyenne, présidé
par Alassane DIA
[19] Initiative pour la Résurgence du
Mouvement Abolitionniste présidée par Biram Dah Abeid
[20] Membre fondateur de « Kawtal
ngaam jellitaare » (en poular) ou
« convergence pour le développement ».
[21] A la tête duquel se trouvait le
colonel Ely ould Mohamed Vall
[22] Il est toujours à la tête du
pays au moment où j’écris ces lignes.
[23] Capitale de la région du Gorgol,
située sur la vallée du fleuve Sénégal ;
[24] Capitale de la région du Trarza.
[25] Ayant une idéologie inspirée de
G.Nasser (ancien président d’Egypte) et du parti Bath (Syrie et Irak). Ce sont
des nationalistes arabes étroits qui œuvrent à instaurer une Mauritanie exclusivement
arabe…
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