Il
n’est pas bon d’être défenseur des droits de l’homme en Mauritanie. Il est
encore plus dangereux d’être un défenseur des droits de l’homme
antiesclavagiste. C’est le crime le plus élevé en Mauritanie. Pire que
l’assassinat en série et à l’atteinte à la sûreté de l’Etat. Appartenir à une
organisation comme IRA qui lutte contre l’esclavage, le racisme et la
discrimination, c’est pire qu’appartenir à Al Qaïda au Maghreb Islamique, pire
qu’être égorgeur en série au sein de Daech, Un dealer, trafiquant de drogue, un
meurtrier multirécidiviste est un enfant de cœur à côté d’un militant d’IRA.
En Mauritanie, violer une fillette de 2 ans et l’étrangler à mort est mieux que lutter contre l’esclavage, le racisme et la discrimination. Etre cambrioleur, braqueur de banque, faire l’inceste est encore mieux. Il est encore mieux de voler 12 milliards d’UM d’engrais et les remplacer par des ordures. Il est mille fois mieux encore de demander une rançon pour livrer un exilé politique réclamé par son pays pour le guillotiner. Il est enfin dix mille fois mieux d’utiliser les devises de la Banque centrale pour s’acheter des appartements au 18ème arrondissement à Paris, à Dubaï, à Casablanca et à Rabat, que de militer au sein d’IRA.
il est incroyable que d’un coup, tout le bureau politique d’une organisation reconnue pour sa lutte non violente, tombe dans le piège d’une manifestation où des policiers sont tabassés à mort et leur véhicule incendié. Mais le scénario ficelé pour en finir avec IRA est si grossier que n’importe quel apprenti investigateur peut le sentir de loin.
Quel est le postulat de départ : en finir avec IRA. Pourquoi ? Parce que cette organisation est active sur le terrain de la dénonciation aussi bien sur le plan intérieur qu’à l’extérieur. Elle est le cauchemar de l’Etat mauritanien devant toutes les commissions internationales des droits de l’Homme. Pire, ses dirigeants n’acceptent ni les villas, ni les postes cossus, ni les comptes garnis en banque pour renoncer à leur combat. Que faire ? La décapiter. Qui devra s’occuper de la tâche ? Un ancien génocidaire rompu dans les plans scabreux et, fort d’une expérience récoltée dans les bases militaires, transformées dans les années 90 en laboratoire pour des épurations ethniques.
Voilà le scénario tel qu’il a été concocté pour en finir avec IRA. Las des défections et des dissidences fortement monnayées qui n’ont pas donné les résultats escomptés, on passe à la vitesse supérieure. On utilise un homme peu scrupuleux et on l’injecte à l’intérieur d’IRA, le temps qu’il s’imprègne de la machinerie d’IRA Cet homme joue bien son rôle et se montre encore plus radical que l’ensemble de ceux qui l’ont précédé au sein du mouvement. Sa mission achevée, il se met à déballer des révélations bien cousues en main que la presse à la solde du système sert de tribune. Puis, arrive l’heure H. Un nombre restreint de personnes est impliqué, quelques administrateur et chefs de corps, avec l’aide de la Taupe. Il s’agit de provoquer les habitants d’un bidonville. La Taupe organise sa troupe, tous enturbannés. Ces derniers s’invitent sur le terrain de l’opération sise à la Gazra Bouamatou. Le reste est facile à deviner. «Les enturbannés blancs » visibles dans les photos publiées lors des émeutes, excitent les jeunes de la Gazra puis passent à l’action. Quelques policiers se laissent tabasser, abandonnent leur véhicule, un car antédiluvien tout bon pour la casse, pour que les «émeutiers » commandés puissent y mettre le feu. Puis, quelques policiers sont «internés à l’hôpital » le temps d’une prise d’images. Le soir, le Wali de Nouakchott-Nord, sort à la télé publique pour la deuxième partie du scénario. Face à une opinion indignée par ce qui vient de se passer, il désigne le mouvement IRA à la vindicte populaire. D’où tient-il ses preuves ? Mystère et boule de neige. Les jours suivant seront marqués par des vagues d’arrestation. Le hic, c’est qu’au lieu de cibler les militants d’IRA actifs sur le terrain de la protestation et dont l’appareil sécuritaire détient les identités, le couperet s’abat sur les membres du Bureau exécutif, des gens qui n’ont jamais investi le terrain. Diop Amadou Tijane, Hamady Lehbouss, Mohamed Hamar Vall, Balla Touré, Lô Ousmane, Anne Ousmane, n’ont jamais participé à des manifestations organisées par IRA. Qu’importe ! L’essentiel pour le pouvoir mauritanien, c’est de décapiter IRA en visant ses plus hauts cadres, n’importe le subterfuge qui sera utilisé.
Arrêtés sans mandat d’un juge, leurs domiciles et lieux de travail seront perquisitionnés. Ils subiront une garde-à-vue de plus de dix jours, dans des lieux autres que ceux fixés par la loi, c’est-à-dire dans des commissariats. Là, ils subissent les pires tortures, alors que la Mauritanie a ratifié la Convention contre la torture et autres peines ou traitements inhumains dégradants ainsi que son Protocole. Mieux, elle a érigé la torture au rang de crime contre l’humanité inscrite dans sa Constitution et mis en place un Mécanisme national de prévention contre la torture dont les membres ont prêté serment.
La dernière partition de ce drame qui devait consacrer la fin du mouvement IRA, a été jouée jeudi 18 août 2016. Après quinze jours de débats stériles, marqués par les pires violations des procédures judiciaires, et en l’absence des avocats, la Cour pénale a décidé d’infliger des peines de 15 ans à cinq militants d’IRA, les autres écopant entre 3 et 5 ans. De pauvres pères de famille, dont le seul crime est d’avoir choisi de lutter contre l’esclavage, le racisme et la discrimination raciale. Cette mascarade de procès doit être dénoncé par tous les hommes épris de justice. Encore une fois, c’est l’image de la Justice mauritanienne, de sa partialité et de son inféodation au pouvoir politique, qui est salie face au monde qui la regarde. Pas étonnant dans ces conditions que le capital international ait peu de confiance en ce pays et qu’il devient de jour en jour connu à l’étranger comme un Etat esclavagiste et raciste.
Cheikh Aïdara
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