INITIATIVE DE RÉSURGENCE DU MOUVEMENT
ABOLITIONNISTE EN MAURITANIE
Bulletin
d'information n°10
Le procès
des militants d'IRA, vu de l'intérieur (Mardi 9 et mercredi 10 août 2016)
Prévu
pour reprendre le mardi 9 août, le procès des militants d'IRA a eu du mal à
redémarrer et pour cause. Dans une lettre transmise par le régisseur des
prisons à la Cour, les prévenus expliquaient clairement qu'ils ne
comparaitraient plus, par eux-mêmes, devant les magistrats si la police continuait
à réprimer leurs camarades, les familles de ces derniers et si elle s'obstinait
à les empêcher d'accéder à la salle d'audience. Or, le moins qu'on puisse en
dire, est que tel ne fut pas le cas. Bien au contraire. le nombre de blessés
par agression policière ne cesse de croître et le périmètre du Palais de
justice est toujours zone interdite.
C'est
ainsi que la police a dû extraire, par la force et la contrainte, les prévenus
de leur cellule pour les transporter manu militari au Palais de justice. Mais
là, les prisonniers ont de nouveau résisté et refusé de descendre du panier à
salade de la police. Il s'en est suivi une rixe qui a nécessité l'intervention,
au prés des prévenus, de quelques uns des membres les plus écoutés du Collectif
de défense (MM. le Bâtonnier Cheukh Ould Handi, les Doyens Yarba Ould Ahmed
Saleh et Lô Gourmo Abdoul) pour amener les militants à accepter de descendre et
de rentrer en conciliabule avec le Procureur avant d'accéder à la salle d'audience.
Après une longue discussion, le Procurer s'est engagé, en présence des avocats,
à laisser le public accéder à la salle d'audience, à donner des instructions
pour cesser la répression contre les militants à l'extérieur du Tribunal et à
œuvrer pour réunir les conditions nécessaires pour le déroulement normal du
procès. En contre partie de ces promesses, qui sont, après tout; d'une grande
banalité en temps normal et qui ont été présentées par le Procureur comme étant
des concessions majeures, les prévenus s'étaient engagés à accepter de se
présenter le lendemain de leur plein gré au tribunal.
Le
lendemain, mercredi 10 août, la séance a commencé de la façon la plus normale
possible, en présence de toutes les parties. La répression à l'extérieur du
Palais a marqué un répit ce qui a eu comme effet immédiat le remplissage des
gradins de la salle d'audience de militants et de sympathisants d'IRA et de
leurs proches.
Mais,
chassons le naturel, il revient au galop! Dès l'audition des prévenus, des événements d'une rare
gravité se sont produits remettant en cause le fonctionnement même de la Cour
et en doute sa capacité de mener un procès de cette importance dans des
conditions réunissant un minimum de normalité pour ne pas prétendre à l'équité
ou à la justice.
-
Pour commencer, le président de la Cour a décidé d'éloigner les prévenus en les
enfermant dans une salle adjacente et en
prévoyant de les appeler pour les écouter un à un et chacun à son tour. Or, il
est connu que des prévenus impliqués dans la même affaire ne peuvent pas être
entendus par la Cour de façon séparée. Tous doivent pouvoir entendre les
réponses de chacun et le voir pendant qu'il répond aux questions de la Cour. Évidemment, les avocats de la défense ne se firent guère prier pour relever
cette entorse manifeste à la procédure. Après moult pressions et pressions
contraires, le Président fit machine arrière et autorisa l'ensemble des
prévenus à rester groupés dans le box des accusés. Le premier à être interrogé
était Moussa Biram
-
En plein débat entre partie civile et défense, le Président est intervenu pour
interdire aux avocats des militants d'IRA de monter sur l'estrade ou de
s'approcher de lui ou du prévenu dont l'audition est en cours. Pour appuyer
cette interdiction, le Président intima l'ordre aux policiers d'empêcher les
avocats de s'approcher de l'estrade. Ainsi quand Maître El iid Ould Mohameden,
avocat de la défense, a voulu
transmettre un document au Président, il fut physiquement agressé par un
policier et ce au vu et au su du Président de la Cour. Encouragé par cette
complicité du Président, un second policier s'est mis à débiter un flot
d'insultes et d'insanités en direction du banc des avocats de la défense ce qui
a eu comme conséquence prévisible le retrait de ses derniers de la salle
d'audience en protestation devant l'humiliation dont ils sont l'objet. Pour
calmer la situation, le Président de la Cour finit par présenter ses excuses
aux avocats en promettant de renvoyer les policiers insulteurs de la salle
d'audience, ce qui permit au procès de reprendre son cours.
-
Les réponses de Moussa Biram furent d'une très grande pertinence et ont eu pour
effet de déstabiliser la stratégie de la partie civile. Pour tenter de
reprendre la main, le Procureur décida de projeter une vidéo censée prouver les
accusations proférées contre Moussa. Mais, ce faisant, Monsieur le Procureur
feignait d'ignorer le code de procédures qui interdit formellement, par son
article 278, tout usage d'appareil d'enregistrement audiovisuel (appareil
photographique, enregistrement sonore, vidéo, film...) en cours de séance. S'en
suivit une empoignade verbale entre la défense et la partie civile au milieu de
laquelle, le Président décida de suspendre la séance jusqu'à lundi 15 août et
ce sans trancher la question de l'usage de cette appareil pourtant clairement
objet de l'article 278 du code de procédures.
Que
décidera le Président lundi prochain? Acceptera-t-il la violation d'une
disposition claire et nette du code de procédures? Est ce que l'Exécutif voudra
intervenir dans ce procès plus directement?
-
De nouveau la question de l'omniprésence de la police et de son double rôle de
juge et de partie mérite d'être posée. C'est la police qui porte plainte, pour
soit disant agression contre l'un de ses éléments, c'est la police qui mène
l'enquête et c'est la police qui est chargée de sécuriser le tribunal où son
affaire est jugée! La nervosité des éléments de la police à l'encontre des
militants d'IRA mais aussi à l'encontre des avocats de ces derniers est un
signe patent de leur implication dans ce procès et une preuve supplémentaire de
leur partialité dans cette affaire. Il est donc urgent que ce corps soit
dessaisi au moins de la mission de la sécurisation du Palais de justice et
remplacé par celui de la gendarmerie.
Nouakchott
le 12 août 2016
La Commission de Communication
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