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jeudi 18 août 2016

L’éditorial de saheljournal : La police et moi

Une interpellation ? Peut-être pas ? Mais une séance de questions incongrues et inopportunes, oui ! Et quelques heures de flottement pour savoir ce qu’il faut faire de moi. Allait-il une fois encore grossir le rang des prisonniers non coupables ? Des coups de fils au patron ... Mon identité ? Elle a été prise trois fois. C’est là le scenario de mes quelques heures avec la police que je m’autorise à écrire à mon ami Balla Touré, en prison pour avoir aimé sa patrie.

Cher Balla, tes deux petites fillettes se portent bien et ont compris l’absence de Papa. Tu les avais bien préparées. Mais ces visages innocents et pleins de vie réclament parfois Papa. Elles me demandent quand est-ce que tu vas venir et pourquoi on veut toujours te garder ? Car toi à ton tour tu ne le feras jamais subir cela à quelqu’un. J’ai dis à M’Ma que tu es parti contribuer à requinquer l’image de la Mauritanie par la vérité et la sincérité des mots que tu utilises pour chaque personne, pour chaque action et à chaque occasion. M’Ma, sous le regard médusé de Coumba, demande pourquoi tu restes si longtemps si la Mauritanie ne veut pas t’entendre... l’innocence sensée des deux fillettes à la recherche d’un papa entre les griffes de l’oppresseur.

Mon ami, j’ai reçu votre message et je l’ai exécuté à la lettre.
1- prendre les clés de ton bureau, le siège de POPDEV que les policiers attribuent à IRA Mauritanie l’organisation dans laquelle tu es chargé des relations extérieures. Heureusement, ta maison tu l’as construite avant la création de IRA, sinon nos vaillants flics l’attribueront aussi à ce mouvement, comme ils qualifient tout opposant noir d’appartenir aux FLAM.
2- payer la facture d’électricité au gérant de l’immeuble.

Cher ami, j’ai ouvert le bureau, ce vendredi 12 août 2016 au jeune et sympathique planton qui avait manifesté le désir de venir dépoussiérer le local qui est resté longtemps fermé. Je suis parti vaquer à mes occupations tout en lui promettant un retour rapide, ou, si je restais un peu longtemps, qu’il me fasse signe dès qu’il termine pour que je vienne le libérer.

Comme promis, je suis revenu sur le lieu. A la sonnerie, c’est d’autres personnes qui m’ont ouvert la porte. Je n’ai pas compris. Mais sachant que je ne me suis pas trompé de porte, j’ai avancé vers ton bureau au ralenti avec les poings fermés (référence à mes quelques leçons de wushu et winthion... merci Maître Wagué). J’ai aperçu un homme basané et une femme en voile... Je me suis alors demandé si le jeune n’avait pas eu la visite d’un couple.

J’ai subitement aussi aperçu deux têtes que je connaissais : un commissaire et un brigadier-chef. Et la femme était une policière, secrétaire du commissariat Tevragh-Zeina I. Les autres individus en civil, je ne les connais pas. Ainsi, je venais de réaliser que ce comité d’accueil n’était autre que les éléments du commissariat Tevragh-Zeina I et de la DSE venus investir ton bureau. Ils m’attendaient.
Mon premier reflexe était d’envoyer un message à mon épouse pour lui dire que ce 12 août 2016 pourrait être le premier jour de mon arrestation avec comme délit «l’amitié». Tu me connais cher ami (je suis plus courageux que toi), avec sérénité et sans qu’il ne m’y invite, j’ai pris place en face du commissaire. En plus de la police, j’ai trouvé le jeune planton très secoué et hagard accompagné d’Alioune MBarka Vall venu faire photocopier la carte d’identité de sa femme et qui avait croisé le jeune sous l’immeuble.

Le commissaire a commencé par me demander ce que je faisais sur les lieux et surtout comment j’ai trouvé les clés ? A ces questions simples des réponses simples. « Mon commissaire, ici c’est le bureau d’un ami et frère (Balla Touré) et pour avoir les clés (les doubles), un coup de fil au planton avait suffi ». Combien de fois êtes-vous venu ici ? «Deux, trois, ou quatre fois je pense. J’ai pas une souvenance exact du nombre». 

Le commissaire revient à la charge avec une question bizarre. A savoir ce que j’ai pris ou transféré du bureau. Je lui ai répondu : rien. Car je ne vois pas ce que je peux transférer de ce bureau et pour quelle utilité car j’ai tout ce qu’il faut dans mes bureaux.
Il demanda ma carte d’identité, nota mes numéros de téléphones et prit toute ma filiation. Il appelle son directeur et échange avec lui... 

Auparavant, cher ami et frère, le commissaire s’est étonné de notre lien de fraternité, avec comme prétexte nos noms de famille. Et il pense aussi que nous n’appartenons pas à la même communauté, c’est dire que la police ne te connait pas et pourtant c’est elle qui t’accuse de choses que tu n’as pas faites. Ce n’est pas la police, c’est une main invisible que la police elle-même ne contrôle pas qui t’en veut ! Notre police est victime d’une robotisation ou de fixation sur certains hommes et femmes de ce pays pour les nuire.

Mon frère, à toi et aux lecteurs, je vais vous faire l’économie de certains détails de cet épisode incongru et bien fâcheux. Il y a eu à un moment de l’électricité dans l’air avec l’intrusion d’un élément de la DSE dans le bureau avec une question-insulte. Ma riposte fut, sans équivoque, ne s’était pas fait attendre. Mais le commissaire a calmé la situation. Toutefois, mon vis-à-vis d’apparence était plus fort. Et il est policier. L’histoire de la torture de Moussa Birane et encore là pour nous faire réfléchir quand on est face à ces gens-là.

De ce qui précède, cher ami, il ressort que la police cherche encore « la chose » pour laquelle elle vous a arrêté. Et le juge sauf surprise (toi et tes codétenus) vous condamnera pour cette chose qui n’existe pas. Le juge en le faisant veut, dit-on, se rattraper après le jugement rendu sur une affaire où l’exécutif n’était pas content et l’avait fait savoir par l’envoi d’une inspection.
Peut-on trouver quelque chose qui n’existe pas ? Et les inventions du parquet ne peuvent résister aux arguments du beau et compétent collectif d’avocats qui a en charge ce dossier.

Mon ami, pourquoi les policiers ne peuvent pas comprendre que ce que je peux transférer de ton bureau, tu l’as emportés avec toi à la prison de Dar Naim : c’est ton engagement, ta conviction et ta détermination de servir des causes justes pour une Mauritanie de tous et pour tous.
Mon ami, tes compagnons d’infortune et toi pourront être condamnés et cela ne surprendra personne. Car on vous accuse de flagrant délit dans un dossier où vous avez été (pour beaucoup d’entre vous) arrêtés quelques jours après les faits incriminés. Mieux, vous avez tous appris cet incident sur les réseaux sociaux. L’audition du propriétaire du terrain a attesté de la spontanéité des faits et affirmé n’avoir porté plainte contre personne, ne voyant la main d’aucune organisation dans cette affaire. Et ce, contrairement à ce que la police lui avait attribué. La coupe est pleine... Pourquoi la police fait tout ça pour ça... ?

Ce sont vos convictions, vos engagements et votre détermination à servir et militer pour une Mauritanie juste qui vous valent ce séjour à la citadelle du silence. Ici et là en Mauritanie pour le système qui nous asservit aujourd’hui, les vertus et valeurs d’un bon citoyen c’est d’applaudir et d’accepter tout et son contraire. Sinon, c’est des privations de toutes sortes, y compris celle de la liberté. Et cela tu le vis depuis plusieurs années, mais malgré tout, tu es resté humble et droit dans tes babouches.
Cher frère et ami, ta petite famille t’embrasse et te dit à bientôt.
A toi, à Lô Ousmane et à tous les autres, je réitère mon amitié avoir espoir qu’un jour pas lointain le peuple vous sera reconnaissant.

Camara Seydi Moussa


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