Dans votre deuil, ou dans votre
mémoire et vos appréciations diverses du putschiste ou de l'homme, je tiens à
vous dire mes chaleureuses pensées, mes vœux pour votre union nationale et
votre conquête consensuelle d'une démocratie encore à
inventer.
Vous trouvez ci-joint l'entretien
que le président du premier Comité militaire m'avait accordé avec confiance en
Avril 2006, ainsi que l'hommage rétrospectif que constitue un papier rédigé au
moment de l'élection présidentielle de 1992, par un de vos universitaires les
plus talentueux et sagaces.
Avec vous
tous
De Bertrand Fessard
de Foucault
De Idoumou Ould Mohamed Lemine Abass, professeur à l'Université
de Nouakchott, a été collaborateur de Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, quand
celui-ci, président de la
République a commencé d’incarner la nouvelle démocratie
mauritanienne
= évocation d'un entretien publié par Mauritanie Demain . n° 37 . 8 au 14 Janvier
1992, p. 3
Ould Saleck, le Candidat
qui parle avec le cœur
Cet homme qui reçut la presse le 1er janvier dans
un quartier devenu, au fil des ans modeste, fut un Colonel Chef de l’Etat.
C’est lui qui a donné à la
Mauritanie son armée ; celle qui, sous conduite, devait
prendre le pouvoir pour sauver le pays que ruinait une guerre devenue
longue, coûteuse et meurtrière. Et c’est lui qui a appris à nos colonels, ses pairs, comment on peut
déposer un régime, chose qu’ils firent plusieurs fois après lui. C’est lui que
l’un d’eux un jour prit, jeta dans une geôle et traita comme un détenu de droit commun. Il a décidé
de se présenter à la magistrature suprême, à la dernière minute « pour
être présent et participer à ce forum où on va parler de la démocratie ».
Moustapha Ould Mohamed
Saleck, parmi tous les candidats, a cette particularité d’être très
transparent. Pas naïf. Non ! Transparent et sincère. Ce n’est pas le
pouvoir qui l’intéresse. Je peux prendre sur moi la responsabilité de le jurer.
Et pour deux raisons : d’abord il a démissionné du Comité Militaire de
Redressement National (ou de Salut ?) quand il a compris que ses compagnons d’armes ne voulaient pas
réellement instaurer la démocratie – c’était au lendemain de la création d’un
Conseil National. Ensuite cet homme, candidat à une présidence de la République qui peut –
s’il est élu – durer constitutionnellement dix ans, ne compte rester au pouvoir
que deux ans : « Je veux juste rester le temps de consolider la
démocratie ».
Voilà ce qu’à peu près il a dit à la presse dans un français
qui rappelle son premier métier : Enseignant. Pathétique. Surtout quand on
sait que parmi les principaux mobiles qui l’on poussé à se présenter, il y a
son souci d’être de la fête, quand les militaires tiennent leur parole ;
pour rappeler qu’il en fut quand même et que, en plus, c’est bien lui qui leur
apprit(en même temps que le reste) à vouloir démocratiser.
Ould Mohamed Saleck a aussi
cette particularité d’employer
des mots qui brillent par leur rareté dans les discours de nos candidats qui
ont déjà pris la parole : la patrie, la très chère Mauritanie, etc.
Des mots qui parlent directement au cœur. Il n’est certes pas le candidat d’Ehl
Charg, il est le candidat des pauvres, de ceux qu’on oublie en ces jours de
grands appétits et de grandes ambitions. Le candidat de tout son peuple. Mais
cela ne l’empêche pas, honnête, de reconnaître qu’il est bien d’Ehl Charg,
qu’il ressent toutes leurs souffrances et toutes leurs brimades et qu’il s’en
glorifie. Quand on sait que c’est ce que chaque candidat, aujourd’hui, pense au
fond de lui-même mais refuse de le reconnaître, on mesure alors la sincérité de
ce vieil homme qui répond à l’appel du « Watan al Habib » !
En 1992, à huit ans de l’an 2000 et dans un monde où les « Watan »
se bradent sur le marché du clientélisme international, le très sentimental
patriotisme d’Ould Saleck forcément émeut. C’est peut-être ce qui lui a valu de
ne pas avoir sévi pour imposer la Démocratie. C’est peut-être ce qui l’a empêché
d’étouffer dans l’œuf ce virus du « pousse-toi-que-je-me-place »que
ses compagnons d’armes – les Bouceif, Haïdalla et Taya- ont choppé. C’était
pourtant à sa portée, nous dit-il : « Refaire un petit bain de
sang et tout rentre dans l’ordre ». Il a renoncé à cela. Trop de sang
avait déjà coulé ; cela suffisait.
A-t-il pensé qu’il peut maintenant poursuivre le travail là
où il l’avait arrêté ?
Notre impression, en tout cas, est que c’est un candidat bien particulier : Il parle avec le
cœur.
« Watan al
Habib » = La chère patrie Watan
= patrie
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