Lors de l’examen de son rapport devant le comité pour les droits économiques, sociaux et culturels les 15 et 16 novembre 2012 à Genève, la délégation mauritanienne s’est montrée incapable de défendre le bilan des réalisations en Mauritanie en matière de jouissance des droits consacrés par le pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels.
Au cours de cet examen, l’ambassadeur Ould Zahaff et le Commissaire Ould Khattra
ont été décevants à la manœuvre, laissant apparaitre aux yeux des
observateurs leur impréparation, leur manque de maitrise des dossiers et
pire leur manque de tact diplomatique.
Le
pays fut donc copieusement malmené par les différents experts du
Comité. Pendant une journée et demie, nos diplomates se sont montrés
imprécis face aux questions subtiles des membres de la commission et
parfois des reparties désobligeantes voire
déstabilisantes. Chacune des réponses de la délégation mauritanienne
posant plus de tort à la cause du pays qu’elle ne la sert. Dans certains
cas, l’absence de réponse aurait été mieux appréciée que les ébauches
ratées de mystification.
Le sommet a été atteint lorsque les représentants de la Mauritanie
se sont réfugiés derrière l’incompatibilité de la réalisation des
droits économiques, sociaux et culturels avec les préceptes de l’Islam,
religion de l’État et du peuple. À l’ambassadeur de soutenir que si
l’égalité homme femme ne peut pas être réalisée, c’est Dieu qui l’a
voulu ainsi. Cette bourde juridico-diplomatique a retenu toute
l’attention des membres du comité qui finirent par poser la question
assassine : Puisque vous pensez que rien ne peut être fait à cause de
l’islam et de Dieu, pourquoi votre pays a-t-il adhéré à ce traité ? Sans
pitié et sans appel ! Plusieurs membres du Comité ont pris la parole
pour faire remarquer que divers pays musulmans ont déjà été examinés par
le Comité, y compris l’Indonésie, la Tunisie, le Maroc… mais jamais un
État partie n’a invoqué cet argument de l’incompatibilité entre l’islam
et le respect des droits de l’homme.
Par
ailleurs, les experts ont été particulièrement irrités par le fait qu’à
chacune de leurs questions, la délégation Mauritanienne remettait
invariablement la réponse au lendemain ou à plus tard : « accordez-nous encore trente minutes, le temps de contacter les services concernés à Nouakchott » ; « Nous
attendons des chiffres plus précis de Nouakchott, nous vous proposons
donc d’apporter une réponse précise demain, cet après-midi, dans une
heure ». Les questions sans réponses s’accumulant, l’un des experts excédé lance à la délégation mauritanienne humiliée « vos réponses brillent par leur absence ». Un autre anticipe la réponse à sa question : « vous allez encore nous proposer d’attendre jusqu’à demain ? ». L’ambassadeur s’essaya à l’intimidation sans succès. Il fut rappelé à l’ordre par le président de séance.
À
une question relative aux programmes nationaux de lutte contre le sida,
l’ambassadeur répond, comme s’il appartenait à une époque révolue, que
l’État n’a pas de programme de lutte contre le sida autre que
l’abstinence telle que prescrite par le Saint Coran. Du jamais vu à ce
niveau. Un membre du Comité consterné réagit ironiquement en lui disant
que ces propos lui rappellent les préconisations du Pape en matière de
lutte contre le sida. Plus cruel encore, l’expert souligne un passage du
rapport national présenté par la même délégation mauritanienne et qui
mentionne un important programme national de lutte contre le sida :
alors finalement : pas de solution autre que l’abstinence ou ambitieux
programme de lutte contre le SIDA ? « Monsieur l’Ambassadeur, vous êtes à
Genève, sur une plateforme des droits de l’homme vous ne pouvez pas
dire ça ! ». D'ailleurs, le communiqué final du Comité a mis en exergue cet aspect en titrant, suprême humiliation : " La meilleure protection contre le VIH/sida, c’est de s’appliquer à la morale islamique, déclare la délégation".
Sur la question de l’esclavage, l’ambassadeur s’est évertué à expliquer que ce qui est pratiqué en Mauritanie relève plus de l’esclavage moderne que de l’esclavage ancien. Une vieille rengaine vestige de l’ère Ould Taya.
À la fin de sa laborieuse démonstration, les membres du Comité lui ont
rétorqué que l’esclavage même très moderne n’est pas moins criminel que
l’esclavage antique.
Répondant
à une question du Président de séance sur les droits des Communautés
culturelles nationales, l’ambassadeur s’est risqué à justifier l’usage
de la langue arabe par le fait que c’est la langue du Coran et de
poursuivre que le français est consacré langue de travail par notre
constitution. Selon le même ambassadeur, à chaque fois que « les trois
groupes » entendez communautés Pulaar, soninké et wolof ont eu des
revendications, le pouvoir les a examinées favorablement.
Séance
tenante, il adresse une invitation officielle du gouvernement
mauritanien à un membre du Comité et qualifie un autre parlant arabe de
Frère. Une violation maladroite du principe du traitement égalitaire qui
traduit le manque de tact et d’habileté qui a marqué les esprits durant
cette présentation. Un responsable d’une ONG africaine présent dans la
salle, surpris par les insuffisances de la délégation mauritanienne me
confiera plus tard : « j’ai honte pour la Mauritanie, j’ai honte pour toute l’Afrique ».
Même
si le bilan national n'est pas très élogieux, j'ai du mal à penser que
la délégation mauritanienne ne pouvait pas trouver ne serait-ce que
quelques points positifs à mettre en valeur pour le défendre.
L'incapacité de la délégation mauritanienne à le défendre, a injustement
coûté au pays cette humiliation. Ce fut vraiment la correctionnelle
pour la Mauritanie.
Mais
enfin, au-delà de cet échec, l’on est en droit de se poser quelques
questions. Pour l’avenir, des leçons seront-elles tirées de cet
insuccès ? La vérité sera-t-elle rapportée fidèlement aux décideurs de Nouakchott ou se contentera-t-on d’en donner une version light agrémentée pour ensuite désigner un bouc émissaire ?
Il y avait énormément de perles dans ce dialogue qu’on pouvait vous réaliser le plus long collier. Heureusement que KASSATAYA
nous a permis de le suivre en direct. Sinon personne n’en aurait
entendu parler et la délégation serait venue nous embobiner encore.
J’invite tous ceux qui n’ont pas pu le suivre à surveiller la mise en
ligne des vidéos sur le site du Comité.
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