Allocation
de M. Biram DAH ABEID à l’occasion de :
La
5ème Session du forum des Nations-Unies sur les Droits des Minorités
à Genève en Suisse :
27-28
Novembre 2012
Excellences
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs ;
Mesdames
et Messieurs les représentants des Ong
Permettez-moi
d’abord de vous faire part de l’honneur que j’ai de m’exprimer devant votre
auguste assemblée. L’opportunité qui m’a été offerte d’être devant vous
aujourd’hui, trois mois après ma sortie des geôles de la République Islamique
de Mauritanie, témoigne de votre engagement en faveur de la protection et de la
promotion des droits de l’homme dans mon pays. Cela me réconforte dans mon
combat de tous les jours et raffermit mon engagement en faveur du respect de la
dignité de la personne humaine.
Mon intervention devant
vous aujourd’hui, intervient deux semaines après la présentation par le
gouvernement mauritanien de son rapport périodique sur les droits de l’homme
devant le Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies.
Faut-il rappeler que le
mobile de mon emprisonnement en compagnie de mes amis à partir du 28 avril
2012, a fait l’objet de toutes les instrumentalisations par le gouvernement
mauritanien ainsi que par la délégation officielle qui est venue présenter
ledit rapport devant les commissaires de l’ONU.
En effet, les érudits,
les imams, les partis politiques, les magistrats et le pouvoir ; bref l’essentiel des corps et cercles de
leadership en Mauritanie – tous domaine exclusif de la minorité dominante
arabo-berbère- ont mis l’accent sur le prétexte selon lequel, je portais
atteinte à la sureté de l’Etat, raison pour laquelle j’ai été envoyé en prison.
Cette tactique sournoise des autorités mauritanienne consistait à m’exclure de
la communauté de destin, voire de l’existence sociale pour me punir d’avoir
brûlé à titre symbolique, des exemplaires d’écrits de jurisconsultes de
sociétés esclavagistes, datant du 9-15e siècles après JC. Ces textes d’exégèse
prétendants interpréter le Coran et la geste du Prophète de l’Islam, ont
conduit à la production d’un véritable code noir, d’essence racialiste,
foncièrement anti humaniste, vecteur de stigmatisation et de violation des
principes universels d’égalité à la naissance et en droit ainsi que la
violation de l’esprit et de l’essence égalitaire et de justice du Coran et de
l’enseignement du prophète. Ce corpus de l’ignominie, encore enseigné dans les
écoles de mon pays, légitime, sur les corps des victimes noires, la castration,
la vente, le viol et préconise le travail forcé; la doctrine qui en découle,
sacralisée et défendue par les garde-chiourmes de l’orthodoxie, tend à devenir
sacrée et s’érige, alors, en vérité incontestable, en dehors de quoi commence
le blasphème, l’hérésie, l’apostasie.
Elle partage les
musulmans en deux catégories, en maitres et en esclaves; de même cette
représentation archaïque du monde, interdit à la femme toute fonction
dirigeante dans la société, dont notamment la faculté d’exercer la fonction de
dire la loi. Selon les promoteurs d’une telle vision de la vie, la gente
féminine serait faible de nature, peu rigoureuse au jugement, incapable de
trancher dans le sens de l’équité, congénitalement exposée à la tentation
satanique. Ainsi, elle se retrouvent figée dans le statut de « mineure à vie »,
à cause de son sexe ; en parallèle mais découlant de la même source, l'esclave
n’est plus qu’un objet, un bien meuble, à cause de son infériorité
consubstantielle, intrinsèque dirait-on.
En conséquence, la
classe politique et religieuse mauritanienne – en majorité de tendance
esclavagiste – m’a très vite décrété apostat et condamné, prétextant que j’ai
attenté au sentiment religieux des mauritaniens, porté atteinte à la sureté de
l’État et osé appartenir, voire diriger une organisation illégale...etc ; La
plupart des leaders politiques de mon pays, ont préconisé notre condamnation à
mort, par l'application de la Charia.
Notre acte
d’incinération symbolique de ces livres, relève d'une tradition de subversion
et de contre- culture, bien enracinée dans l'histoire du monde arabo-musulman,
dont se réclame la Mauritanie. Nous défendons que cet acte s’inscrit en droite
ligne dans textes internationaux consacrant la liberté d’expression ;
textes auxquels la Mauritanie est partie. Par un tel acte, nous avons voulu
interpeler la communauté internationale en général et le monde musulman en
particulier, sur deux faits importants: pour que
-
la Mauritanie mérite le qualificatif
d’Etat de droit, elle devrait donc s’accorder, enfin, aux exigences du droit
international où elle s’empresse souvent de s’engager, non sans tapage et
mauvaise foi.
-
Ce pays doit aussi mériter son
qualificatif « islamique » et ce en se conformant au commandement du livre
saint, le Coran, à propos de l’équité, de l’égalité, de la justice, de la
fraternité entre les humains, ainsi qu'aux enseignements du prophète Mohamed
(PSL) quant aux devoirs de soutien pour les humbles, les opprimés, l'amour du
prochain, l’éloignement du mensonge et du faux...etc
Hélas, chers amis
congressistes, par les appels et incitations au meurtre contre nous, auxquels
les segments dirigeants de notre société et de notre État, précédemment cités,
se sont adonnés suite à notre acte de protestation, il s’avère que le slogan de
la démocratie, de l’État de droit, le manège des ratifications des différentes
conventions internationales, constituent des trompe-l’œil visant à faire bonne
figure devant la communauté internationale,
sans jamais sacrifier au droit des gens. C’est de la duperie permanente
dont la continuité s’alimente du double langage : en langue étrangère et devant
des étrangers, le pouvoir mauritanien tient le langage policé d’une conformité
irréprochable quant au respect de la dignité et à la liberté humaine ; en
langue arabe et entre soi, il s’arcboute sur ses certitudes racistes et de
caste et couvre son infamie sous le bouclier de la religion !!!
Mesdames et Messieurs,
la prestation de la délégation gouvernementale mauritanienne, le 15-16 novembre
2012 devant le Conseil des droits de l'homme des Nations-Unies au cours de
l'examen périodique universel, étayent nos observations antérieures, jusqu’à la
caricature.
Ainsi, au-delà des
torts que les représentants officiels mauritaniens sont habitués à nous
infliger, en nos qualités de démocrates et de défenseurs des droits humains,
ils ont ajouté, durant leur exercice pathétique, un immense tort à l'Islam et
aux musulmans, de par le monde ; ils ont fait endosser, à l’Islam, la
persistance de toutes les injustices subies par des franges majoritaires mais
démunies de la société à mauritanienne - malades du sida, femmes, esclaves,
anciens esclaves ou Hratin, ethnies noires, etc. Le summum a été atteint lorsque les représentants de la
Mauritanie se sont réfugiés derrière "l’incompatibilité de la réalisation
des droits économiques, sociaux et culturels avec les préceptes de l’Islam,
religion de l’État et du peuple"
selon la Constitution. Il s’agit à notre sens d’une déclaration grave, inédite
par sa violence et ce à quoi la communauté internationale devrait réagir avec
vigueur et sans délai.
Sur le fond, le propos
est non seulement faux mais aussi et surtout infondé car l'Islam est, de l'avis
de tous les démocrates musulmans une religion de justice, d’égalité et de paix
même si, dans des sociétés musulmanes, bien des milieux, et non des moindre,
s’adonnent à l'injustice et instrumentalise la religion à cette fin inavouée.
Or, les délégués de la Mauritanie devant le conseil des droits de l’Homme de
l’ONU, soutiennent que "si l’égalité homme femme ne peut pas être
réalisée, c’est Dieu qui l’a voulu ainsi"; il y a là une contradiction
flagrante dans la politique des droits de mon pays.
On se demande pourquoi
la Mauritanie n'a pas été, comme les autres pays musulmans qui, sans se renier
sur le plan religieux, se conforment aux lois et conventions qu'ils ont
ratifiées; pourquoi le gouvernement mauritanien adhère à des textes supérieurs
à ses lois - y compris constitutionnelles – et s'engage à les appliquer, tandis
que ses diplomates rejettent de telles références, pour incompatibilité avec
l'Islam ?
Les membres du
gouvernement qui ratifient, ne sont-ils pas du même Islam que ces diplomates?
Autre source
d’inquiétude de notre part, la réponse de la délégation mauritanienne à la
question des commissaires onusiens concernant les programmes de la Mauritanie
contre le sida, ce à quoi la délégation mauritanienne répondit: Je
cite : "l’État Mauritanien n’a pas de programme de lutte contre le
sida autre que l’abstinence telle que prescrite par le Saint Coran". Cela
se passe de commentaire, je vous laisse apprécier vous-mêmes.
Pendant ce temps,
l'argent de la lutte contre le sida, octroyé par l'ONUSIDA a été dilapidé, par
des cadres de la haute fonction publique et de prétendus érudits jurisconsultes,
dans le cadre d’un plaidoyer et d’une sensibilisation souvent bâclés, pour ne
pas dire inexistants. Le plus connu de ces scandales de corruption
inter-tribale demeure impuni. Et, de surcroit, nos diplomates nous replongent
dans l’aventurisme en matière de santé publique, quand ils prétendent lutter
contre une maladie si gravissime par des arguments idéologiques.
Concernant l'esclavage,
je nous voudrions d’emblée vous dire, que malgré leur pourcentage
démographique(50%), qu’il y a de très rares haut fonctionnaires mauritaniens
issus de la communauté servile ; ces descendants d’esclaves, dont je fais
partie et dont fait partie l'ambassadeur de la Mauritanie à Genève, trois
ministre du gouvernement sur trente, bénéficient de temps à autres de nominations
à des postes qui riment avec la récompense quand on assume le faux témoignage
sans trop de scrupule. C’est pourquoi les rares Hratin cooptés pour cette
tâche, qui consiste à la négation des souffrances de leur communauté et
s’évertuent, en vain, à étouffer la parole des victimes de pratiques
esclavagistes par ascendance dont souffre directement plus de 20% de
mauritaniens et pâtit, à titre incident, la majorité de la population. Ainsi le
ministre chargé des questions de droits de l’Homme et la mission diplomatique de Mauritanie se
sont employés au déni des pratiques esclavagistes traditionnelles tout en
soutenant l’actualité de l'esclavage moderne en Mauritanie !!! L'esclavage
moderne n'est pas moins criminel et avilissant que l'esclavage traditionnel.
D'autre part, la
mission diplomatique de Mauritanie à Genève, abrite une personne esclave ou
d'origine esclave; cet individu se trouve sous le joug d'un fonctionnaire de
l’ambassade, une femme qui serait son maître ou son ancien maitre; donc, à
l'instar de l'ambassade de la Mauritanie à Paris dont le comptable, en
catastrophe, a pu exfiltrer vers la Mauritanie une fille qu'il détenait comme
esclave. D’identiques présomptions pèsent sur la représentation de la
Mauritanie en territoire de la fédération helvétique.
Chers amis, cet
incident qui s’est déroulé, devant le Conseil des droits de l’Homme de l’Onu le
15-16 novembre dernier, a révélé, sans intervention de notre part, donc de
manière spontanée, le véritable visage du système de domination ethno-tribal en
Mauritanie, de plus en plus tenté par l’instrumentalisation de l’extrémisme
religieux pour retarder la fatalité démocratique en s’opposant aux aspirations
de plus en plus véhémentes des nombreuses populations serviles, par des
arguments obscurantistes. Par sa complaisance, son discours et ses attitudes,
l’élite dirigeante mauritanienne, même si elle cultive des manèges et une
façade démocratiques, elle nourrit, en dessous, toutes tendances confondues,
des stratégies d’évitement, de confusion et de déception, de nature à
entretenir une façade de respectabilité, afin de mieux contenir l’aspiration
des Hratin, des noirs et autres laisser pour comptes, à la dignité, à la
liberté et au bien-être, et ce dans un élan démocratique et rationaliste qui
parcourt le monde et gagne les peuples.
En dépit du peu
d’influence du pays, l’implication idéologique de ses élites, dans la
préparation des esprits à une prise de pouvoir par les fractions de la société
les plus perméables au terrorisme et à l’intolérance, ne saurait être sous-estimée
et mérite un suivi vigilant. En ce sens, notre combat, contre l’esclavage, le
fanatisme confessionnel, le sexisme et le racisme participe de la résistance –
du monde libre - à la menace globale. Notre combat est l’avènement d’une
Mauritanie où tout être humain est respecté indépendamment d’aucun fait
particulier mais du seul fait de sa qualité d’être humain.
Notre combat est le
vôtre ;
Je vous remercie du fond du cœur de votre
aimable attention !
Biram
Dah ABEID, Président d’IRA-Mauritanie
Palais
des Nations
Genève,
Suisse
Palais
des Nations
Genève,
Suisse
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire