De nos
jours, tous les dirigeants soucieux des enjeux du monde contemporain luttent
pour un réel ancrage de la démocratie dans leurs pays. Les nôtres, plutôt que
de fonder leur combat sur des projets de société viables, sacrifient le peuple
avec cynisme. Détournements des deniers publics et corruption tous azimuts sont
leurs hobbies favoris : ils se servent de l’Etat et des institutions afin
d’assouvir leurs appétits matérialistes. Des projets d’envergure vendus à la
population à travers la propagande médiatique dissimulent leurs stratégies de
dilapidation des ressources naturelles.
Prise en otage par ce système iconoclaste, la
Mauritanie n’offre aucun signal positif vers le processus de la
démocratisation. Des valeurs telles que la probité et la dignité deviennent
introuvables dans les rangs des gouvernants. C’est le règne du mensonge et de
la démagogie.
Pourquoi le gouvernement refuse-t-il de
communiquer le budget annuel ? Pourquoi, malgré la forte productivité minière
(11 millions de tonnes) et en or (une hausse de 13% en 2012), le déficit du
compte courant de la Banque Centrale de Mauritanie s’est-il creusé pour
s’établir à 374,8 milliards ? Pourtant, si l’on en croit le rapport annuel
remis au Président de la République en juin 2013, les recettes budgétaires
globales incluant les dons se sont établis à 462,9 milliards (39,9%) au cours
des deux dernières années. Le peuple tire le diable par la queue alors que la
production nationale d’or enregistre une hausse de 13%. Selon un rapport sur le
budget annuel, avant la fin de l’année 2012, sur près de 12,6 milliards Um
encaissés, 7 milliards « ont été affectés au trésor public sous formes de
dividendes ».
Et lorsqu’arrive l’étonnement, nos
dilapidateurs brandissent des arguments fallacieux. Ils convoquent tantôt la
crise économique internationale, tantôt le déficit des pouvoirs d’achats des
états partenaires. Mais l’Etat fait aveu de faiblesse lorsqu’il justifie
l’accroissement de la dette (à 430 milliards) par l’augmentation des dépenses
d’investissements, notamment celle des dépenses courantes du programme
d’intervention et espoir (Emel). Au même moment, l’opulence déborde dans les
milieux des proches du président et de son entourage. Tandis que la misère
s’aggrave, les sociétés minières, pétrolières, l’or et nos côtes poissonneuses
déploient leurs prodiges. Ce n’est plus un secret, les discours moralisateurs
des faux amis des pauvres, politiques, intellectuels du ventre et notables, ne
servent qu’à masquer la tiédeur des actes. Pour la plupart, leurs interventions
sont dues à l’amour du lucre. Sinon, comment interpréter leur silence devant la
violation flagrante de la dignité humaine ? La démocratie tarde à se
manifester. Pourquoi, aussitôt qu’il ôte le béret, l’officier adopte-t-il la
casquette du politicien ? Ne nous a-t-on pas répété que les militaires sont
loin de l’arène politique ? Certes, libre à tout citoyen d’exercer son droit,
encore faut-il se trouver dans un Etat de droit. On ne peut rien attendre de
ceux qui ont contribué à notre descente aux enfers. Cette vile élite a
instrumentalisé les symboles de l’Etat pour diviser et compartimenter les
citoyens. Ils ont semé dans les esprits des Mauritaniens le clientélisme et la
médiocrité.
A commencer par le Président de la République
et ses oulémas qui se déclarent garants de l’ordre moral. Eux qui écoutent les
fanatiques mais se bouchent les oreilles pour ne point entendre les sanglots
des faibles et des opprimés. Eux qui emprisonnent les innocents, et protègent
les coupables.
Parce que leur sang est noble, mais que celui
des autres peut couler à flot. Parce que l’Etat est leur propriété. Parce
qu’ils sont les seuls dignes héritiers des prophètes et des émirs. Ils jugent
tout le monde, mais ils n’osent évoquer les délits et les crimes des leurs. Au
seul motif que la religion de l’Etat interdit le désordre sur terre. Le fils du
Président ou d’un officier peuvent tirer sur n’importe qui, point de Colère
divine. En revanche lorsque les proches d’une victime du génocide de 89 se
recueillent sur les sépultures des leurs, on les met en garde contre la
Malédiction du Ciel. Et si le Ciel ne se rallie pas aux opprimés, les escadrons
répressifs viennent les laminer.
Les lois divines ne sont jamais appliquées à
l’encontre des généraux d’aujourd’hui, criminels d’hier ayant décimé en plein
mois sacré des noirs à Sorimalé, dans les bagnes d’Inal, d’Azalatt, de Jreida,
de Wocci et dans toute la vallée. Mais elles peuvent être infligées à ceux qui combattent
pour leur dignité. A un abolitionniste, à un forgeron, à des adolescents, aux
fils des pauvres. Ce sont là leurs lois ségrégationnistes et racistes. On viole
les droits fondamentaux des Haratines, et, comme les abolitionnistes dérangent,
on crée des pseudo-institutions en ramassant des vendus pour "harataniser" tel ou tel
autre organisme. Lorsque c’est la Mauritanie qui gagne un prix, c’est la
Mauritanie qui se bouche le nez. Biram Dah Abeid est le héros des damnés et des
laissés-pour-compte, c’est l’ONU qui le prouve.
Lorsque des militants dénoncent la
ségrégation raciale au sein de la fonction publique, on recrute des jeunes
malléables pour casser la révolte qui couve dans les cœurs. Ceux-là qui ne
deviendront pas de véritables citoyens mais des hommes aux mains liées et aux
cervelles castrées. C'est connu, la représentation symbolique dans les sphères
publiques est maitrisée d’une main de fer. Lorsqu'on nomme des officiers et des
ministres, on nous dit que la République est fraternelle. Mais le lendemain, la
fraternité est comptée au bout de doigts d’une seule main. Quelle pitoyable
fraternité arithmétique !
Les bonnes consciences nous disent que tout
ira comme dans le meilleur des mondes. Certes ! Le jour où chacun libérera sa
conscience pour comprendre que la dignité ne se limite pas à quémander les
miettes d'un pain moisi.
Bâ Sileye
Sileye87@gmail.com
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