La présidente de l’Association mauritanienne
des droits de l’homme (AMDH), organisation affiliée à la FIDH, Me Fatimata
MBaye a animé hier à son siège à Nouakchott, une conférence de presse qu’elle
déclare avoir voulu à chaud, après l’intervention du Premier ministre, dimanche
29 décembre 2013, sur les ondes de la radio privée « Saharamedia ».
« J’ai été doublement choquée, en tant que citoyenne mauritanienne et en
tant que défenseur des droits de l’homme, d’entendre la deuxième personnalité
du pays nier l’existence de l’esclavage en Mauritanie et traiter Birame Dah
Abeid d’inconnu, pour finalement déclarer que le prix qu’il a reçu des Nations
Unies ne représente rien, car suscité par le lobby juif ».
Choquée ! C’est le maître mot qui a
dominé la conférence de presse que Me Fatimata MBaye, présidente de l’AMDH, a
animée dimanche 29 décembre 2013 dans ses locaux à Nouakchott. Elle considère
que le Premier ministre, par la nature de ses charges à la tête de l’Etat
mauritanien, devait se placer au dessus de la mêlée. En déclarant dans un mass
média que le Prix des Nations Unies décerné à Birame Dah Abeid n’a aucune
signification, c’est un désaveu que la Mauritanie, vice-présidente de la
Commission des Nations Unies des droits de l’homme et membre de l’instance
onusienne, réserve à une décision prise par l’ensemble de la communauté
internationale. Le pire, selon elle, c’est lorsque le Premier ministre, Moulaye
Ould Mohamed Laghdaf, assimile cette organisation mondiale d’être sous la botte
d’Israël.
Et de demander à l’état mauritanien, pour
plus de cohérence par rapport à cette position, de se retirer de la Commission
des Nations Unies des droits de l’Homme, de se retirer des Nations Unies, et de
ne plus accepter les financements de l’Union européenne et des Nations Unies
pour l’aide qu’elles lui octroient pour la lutte contre l’esclavage, puisqu’il
n’existerait pas. Pour Me Fatimetou MBaye, l’Etat mauritanien doit faire du
prix décerné à Birame Dah Abeid, une lecture approfondie, dans la mesure où il
constitue une reconnaissance internationale de l’existence de l’esclavage en
Mauritanie. « Et pourquoi si l’esclavage n’existe pas en Mauritanie, des
lois sont-elles promulguées pour le condamner ? » soulignera-t-elle,
rappelant la loi de 1981, celle de 2007 et la dernière modification de la
constitution qui réitère cette condamnation dans le préambule de la
Constitution.
Me Fatimeta MBaye a invité l’Etat mauritanien
à être plus cohérent par rapport à la question de l’esclavage et d’œuvrer à son
abolition, insistant sur ce mot « abolition » plutôt qu’éradication,
car selon elle, tout le monde en Mauritanie sait que l’esclavage existe et
continue d’être pratiqué à grande échelle. En conséquence, elle recommande aux
autorités d’appliquer la loi de 2007 sur l’esclavage en toute objectivité et de
ne pas faire du phénomène une question personnalisée ou communautarisée. Elle
rappelle que la Mauritanie a ratifié des conventions et des traités
internationaux contre les pratiques esclavagistes, la discrimination et le
racisme et doit veiller à leur application. « On peut ne pas être d’accord
avec les méthodes de IRA et de BIrame, mais on ne peut pas dire que leur combat
est faux » s’insurgera Me Fatimata MBaye, qui compare la diabolisation
dont ce mouvement et son président sont l’objet aujourd’hui, avec celle qu’elle
a elle-même connu dans les années 90, et qu’ont connu d’autres organisations de
défense des droits de l’homme, comme SOS Esclaves, EL Hor, Fonadh etc. Elle
s’est demandé d’ailleurs pourquoi l’Etat mauritanien a refusé l’invitation
faite par les Nations Unies d’assister à la remise de son prix à Birame Dah
Abeid, à l’heure où tous les pays limitrophes se plient à ce protocole
lorsqu’un de leurs citoyens est primé, même s’ils ne lui vouent aucune amitié.
« Et pourquoi tout ce tintamarre rageur sur le prix de
Birame ? » s’interroge Me Fatimata MBaye qui rappelle qu’elle-même a
été décorée en 2012 à Washington et que Boubacar Ould Messaoud, président de
SOS Esclaves, qui a assisté à la conférence de presse a aussi reçu des
distinctions, le Prix Antislavery entre autres, tout comme d’autres défenseurs,
comme Aminetou Mint Moctar. « Et cela n’a jamais suscité une telle
campagne médiatique comme celle menée contre le Prix reçu par Birame ».
Enfin, Me Fatimetou MBaye déplore que la
deuxième personnalité du pays, puisse s’investir dans des explications
publiques, loin du langage de la neutralité et de la diplomatie, pour procéder
à la négation d’une réalité sociale que le monde entier constate. « Il
appartient à la société civile de poursuivre le combat pour l’abolition du
phénomène esclavagiste en Mauritanie ainsi que de toutes les formes de
violation des droits humains » conclura la présidente de l’AMDH qui ajoute
« si les autorités mauritaniennes s’évertuent à nier et à récuser les prix
décernés aux défenseurs des droits de l’homme, elle doit aussi refuser toutes
les aides qu’elle reçoit de l’Union Européenne et des pays occidentaux pour les
questions liées aux droits de l’homme ».
Boubacar Ould Messaoud, président de SOS
Esclaves, présent lors de la conférence de presse, a répondu à une question
relative à la cristallisation du combat contre l’esclavage sur la communauté
arabo-berbère, alors que cette pratique existe dans les autres communautés.
Selon lui, les ONG de défense des droits de l’homme ne peuvent assister que les
victimes qui sollicitent leur aide, or ceux qui se plaignent auprès des
organisations de défense des droits de l’homme de pratiques esclavagistes sont
exclusivement issus de la couche harratine. « Aux autres victimes
négro-africaines de nous solliciter et vous verrez si nous ne prendrons pas en
main leur cas, mais ce n’est pas le cas jusqu’à présent » dira-t-il.
Cheikh Aïdara.
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