‘’Il
y a des efforts du gouvernement pour lutter contre l’esclavage et ses
séquelles, il faut le reconnaître’’
Le Calame : Dans le communiqué sanctionnant votre dernière visite en Mauritanie, les observateurs ont remarqué un glissement sémantique lorsque vous évoquez le phénomène de l’esclavage présent, selon vous, dans toutes les communautés de ce pays. La position du CRAN, qui soutenait l’IRA mordicus, serait-elle en train d'échanger par rapport au pouvoir et à l’esclavage en Mauritanie?
Guy Samuel Nyoumsi : Je ne pense pas qu’il ait un quelconque
« glissement sémantique » dans le vocabulaire de notre ONG, ni
encore moins dans sa ligne politique. Le CRAN est bien connu en France et
ailleurs. Ce n’est pas une mission d’observation à Nouakchott qui nous
conduira à dévier de nos objectifs. Nous avons toujours et continuons à
dénoncer toutes les injustices d’où qu’elles viennent. Toutes les
victimes ont droit à une assistance, quelle que soit leur origine, leur sexe ou
leur religion. La question de l'esclavage est massivement liée aux populations
Harratines, mais elle se retrouve aussi dans d'autres composantes de la
population mauritanienne. Il n'y a aucune raison de le cacher, et l'IRA ne dit
pas autre chose. Il ne faudrait pas faire de la discrimination au sein de la
lutte contre les discriminations.
Les dirigeants de l’IRA non
reconnue soupçonnent le gouvernement mauritanien de chercher à
contrer l'offensive de la diplomatie des droits de l'homme que mène ce
mouvement de par le monde et notamment parmi les nations libres, à travers
l’invitation à Nouakchott du CRAN pour "constater les efforts que
l’État a accomplis dans le cadre de la lutte contre l'esclavage".
Que leur répondez-vous ?
Il y a des efforts du gouvernement pour
lutter contre l’esclavage et ses séquelles, il faut le reconnaître. Mais en
même temps, il faut ajouter que rien n'aurait été engagé s'il n'y avait eu des
associations pionnière et courageuses (comme EL HOR, SOS Esclaves l'IRA et beaucoup d’autres que je regrette de ne
pas citer) qui ont, en prenant parfois des risques importants
par le passé, tout fait pour qu'enfin émerge une prise de conscience.
C'est ce dialogue entre associations de
terrain et autorités que nous devons favoriser. Rien de positif ne pourra se
faire sans les uns ou sans les autres. Nous avons rencontré en Mauritanie une
vingtaine d'ONG, la commission nationale des droits de l'homme, le commissaire
aux droits de l’homme et nous avons rencontré aussi le président de la
République, le président du conseil constitutionnel, le président du Sénat, le
président de l'Assemblée, le ministre de l'intérieur, le ministre de la
justice, l'assemblée des oulémas.
Notre but, c'est que les propositions des ONG
qui connaissent le terrain mieux que quiconque puissent être mieux entendues
par les autorités. C'est un travail de médiation et d'expertise à la fois. En
nous appuyant sur le travail de terrain réalisé par les associations, nous
publierons bientôt un « plan d'action et de réparation pour la
Mauritanie », puis un rapport qui sera publié le 2 décembre prochain, à
l'occasion de la journée internationale pour l'abolition de l'esclavage, ceci
sans être des donneurs de leçons à l'Etat mauritanien, que je salue encore pour
la qualité de l'accueil qui nous à été réservé. Et un an plus tard, nous ferons
un bilan pour voir dans quelle mesure le gouvernement a avancé sur tous ces points.
Toujours au cours de cette visite,
vous avez salué « les efforts déployés par le gouvernement mauritanien,
notamment avec la création de l'agence Tadamoun (Agence pour la lutte contre la
pauvreté et les séquelles de l'esclavage) qui se "déploie sur l'ensemble
du territoire et est dotée d'un budget important ». Pourtant, les
organisations des droits humains considèrent cette Agence comme étant une"
structure mort-née pour absence de volonté réelle d'éradiquer
l'esclavage". Selon elles, cette structure est une création électoraliste
pouvant servir, occasionnellement, à mystifier le visiteur étranger. Ces
remarques sont-elles fondées ?
D'ici quelques semaines, l'agence Tadamoun qui vient tout juste d'être créée, dévoilera un plan d'action afin de traiter cette question. Il est donc trop tôt pour tirer un bilan. Laissons-lui le temps de travailler, il sera possible de dresser un premier bilan dans un an. Mais cette agence a été créée justement à la demande des ONG, donc cela nous semble plutôt être une avancée, à condition que les liens avec les associations soient fortement maintenus, ce qui n'est pas encore le cas, il faut le reconnaître. C'est pourquoi nous avons exhorté les autorités à poursuivre le dialogue avec la société civile, en reconnaissant aux ONG tout ce qui leur est dû.
Propos
recueillis par AOC
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