LAMPEDUSA : MAIS OU SONT DONC PASSES LES CHEFS D’ETATS AFRICAINS ?
(Par Yaya SY anthropologue)
A Lampedusa on parle de 155 survivants et
de 300 morts. Le nombre de morts ne cesse de croître et
l’on s’achemine vers les 400 victimes, voire plus au vu du nombre probable
d’embarqués en Libye.
Le petit port italien n’en peut plus, ses capacités
humaines de solidarité qui n’ont jamais fait défaut de par le passé, sont
débordées. Son petit peuple est venu accueillir M. Barroso avec des cris
d’indignation et d’exaspération à l’adresse de l’ensemble de la classe
politique européenne.
Quant à l’Italie, elle fait le nécessaire
pour accompagner dignement les morts jusqu’à leur dernière demeure tout en
appelant l’Europe à la rescousse. Elle a décrété une minute de silence
sur l’ensemble de son territoire et a projeté une journée de deuil national.
Le Président Hollande promet une loi… M.
Barroso vient avec 30 millions d’euros et se dit « choqué » par
l’ampleur du désastre. La Ministre italienne de l’intégration Mme Cécile
Kyenge Kashefu d’origine congolaise, propose « des couloirs
humanitaires ». Mme Giusi Nicolini maire de Lampedusa réclame la
suppression pure et simple de la loi sur l’ « interdiction de
l’aide à l’immigration clandestine » qui empêche de secourir des
clandestins en difficulté même à 550 m du rivage comme ce fut le cas cette
fois… Le Président Giorgio Napolitano demande à l’« Europe de stopper le
trafic criminel avec les pays de provenance ». Pourtant Le Pape François
s’était déjà indigné peu de temps avant le drame à… Lampedusa. Qui
l’avait entendu ?
Du côté de l’Afrique, seul le Président du
Sénégal, invité du Parlement européen au moment des faits, a réagi prudemment
en déclarant sur RFI avoir « senti un ressentiment très fort des
Européens et même la nécessité de trouver des solutions ». Peut-être
voulait-il parler d’un sentiment de culpabilité ostensible des Européens ?
Pourquoi n’est-il pas allé plus loin en abordant la recherche de
solutions à court, moyen et long termes entre les partenaires africains,
maghrébins et européens ?
Quoi qu’il en soit, les grandes
organisations régionales et continentales tout comme les dirigeants
politiques africains, brillent par leur mutisme dans cette affaire tragique
pour la jeunesse africaine.
Les chefs d’Etats africains, même ceux
dont les ressortissants semblent être recensés en plus grand nombre dans ce
naufrage tragique sont inaudibles et surtout invisibles sur place… L’Erythrée
et la Somalie n’ont pas réagi, aucune présence symbolique officielle de l’UA
depuis le début de l’affaire. La Tunisie et la Libye pourvoyeurs de ces
cercueils fantômes flottants ne se sentent nullement concernés.
Au-delà des indignations sincères des uns,
des larmes de crocodile de bien d’autres, nous n‘avons entendu aucune esquisse
de solution à long terme car nul ne veut mettre à nu les vrais problèmes par
peur d’ouvrir la boîte de Pandore… qui fera tomber les masques des vrais
responsables.
L’Afrique balkanisée est pillée
économiquement, déstructurée politiquement et culturellement. Les
multinationales épuisent ses matières premières, saccagent ses écosystèmes et
expatrient des milliards de dollars de bénéfices non réinvestis sur place.
Quant à la plupart des chefs d’Etats et des « élites », ils
vident et/ou expatrient les caisses des Etats et des entreprises nationalisées...
Nul ne veut aider l’Afrique à endiguer et a
fortiori à éradiquer cette double hémorragie.
Sa jeunesse sans avenir, est par
conséquent condamnée à l’émigration pour ne pas dire à l’exil… J’allais même
dire à l’ « esclavage volontaire », termes parallèles
frappants certes, mais inappropriés en la circonstance par respect pour les
millions d’esclaves africains enchaînés et jetés à fond de cale durant des
siècles.
Pendant ce temps, l’Europe déverse ses
touristes et même ses travailleurs désespérés par le chômage endémique partout
en Afrique : au Mozambique, en Angola, à Madagascar et un peu partout
ailleurs. Ils sont invisibles, mais viennent pour une minorité aider au
développement de l’Afrique, mais dans leur écrasante majorité, ils
colportent l’esprit colonial qui renforce le phagocytage de l’Afrique par
une nouvelle recolonisation via les multinationales et les ONG/G…[1]
Pendant ce temps encore, à Lampedusa,
l’Europe joue sur la corde sensible de l’émotion. Elle va
certainement continuer à réfléchir seule aux moyens de mieux cadenasser
ses frontières avec de nouvelles barrières plus subtiles mais non moins
défavorables aux Africains. Qui vivra verra !!
Tout le monde connait les étapes
incontournables d’une solution collective idoine : rassembler
l’ensemble des partenaires d’Afrique, d’Europe et du Maghreb pour arrêter
immédiatement l’hémorragie et lancer les bases concrètes d’une résolution
globale du problème dans la durée.
Mais nul n’a proposé une telle démarche,
même M. Napolitano n’a parlé que de « stopper » le mouvement.
D’emblée en Europe, la cacophonie autour « d’une politique commune
d’immigration » a repris de plus belle, un soliloque fractal, une litanie
interminable… L’Europe est un Géant polycéphale.
L’Afrique exclue d’office de toute
consultation internationale véritable à ce sujet, renforce son exclusion propre
par le manque de projet de société de ses « élites ». Quant à
l’Afrique du Nord, un temps encouragée par l’Europe à endiguer la marée humaine
venue du Sud, elle a maintenant d’autres préoccupations internes…
Combien de temps encore, les bateaux
ivres, pleins du désespoir de la jeunesse africaine, vont-ils continuer à
tanguer vers les rivages d’un mirage mortifère ?
Alors, honte à qui dans cette
affaire ?
Le
10-10-2013
Par Yaya SY Anthropologue.
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