En Mauritanie, le terme démocratie est tellement
galvaudé que l’on en vient à se demander s’il a la même signification
qu’ailleurs. La naissance du multipartisme en 1991 n’a hélas pas permis
d’abolir la stérilité idéologique au sein de la classe politique. Elle
n’a fait que conforter l’archaïsme politique, notamment à travers la
reproduction des comportements anti-démocratiques.
La cacophonie
liée à tenue des prochaines élections dévoile certaines réalités pendant
longtemps niées. En effet, le contexte politique national découle
-comme dans de nombreux pays africains-de l’héritage du parti unique, au
sein duquel les idées du chef et ses orientations étaient dictées par
l’ex-puissance coloniale et d’autres motivations individualistes. De cet
état de fait, résulte l’émergence de courants nationalistes, dont les
rapports sont souvent fondés sur une dialectique du rejet de l’autre.
L’Etat,
au lieu de canaliser les luttes par sa neutralité, est devenu
progressivement violent et coercitif vis-à-vis de certains citoyens. Les
véritables luttes démocratiques ont été supplantées par des alliances
tribales et l’apologie du régionalisme. La rupture, que devrait incarner
la nouvelle génération, reste ainsi prisonnière de ce tiraillement
hostile établi par le système en place. Les rares porteurs de changement
sont maintenus dans les pièges tendus par l’armée qui orchestre tout
pour se maintenir au pouvoir.
Pourquoi toutes les bonnes
consciences s’émeuvent-elles d'apprendre la ratification du parti de
l'Etat des pactes avec certaines tribus du Nord quand on sait même que
la Mauritanie est un pays tribaliste, ethnique et régionaliste? N'est-ce
pas là une sorte d’hypocrisie nationale? Et toutes les langues se
délient pour traiter le parti radical pour l’action globale (Prag) de
raciste. La contradiction nous envahit.
Tout le monde déclare que
l'armée constitue la base arrière des idéologies tribales. Soit, mais
a-t-on oublié que la France avait négocié en 1960 -et continue de
négocier- avec une seule composante ethnique? Et cela avec des civils.
Le saviez-vous, que selon les premiers officiers ayant usurpé le
pouvoir, "il n'existe aucun civil (homme politique ou technocrate) capable de gouverner la Mauritanie"
? Pire encore, dites-vous qu’il s’agit-là d’une idéologie qui fait
"école" dans les casernes militaires. Et, comme il faut se plier aux
exigences des capitales occidentales, la grande muette impose de
l'intérieur ses propres règles pour acquérir le vernis démocratique de
circonstance. Tantôt elle fonde ses propres partis politiques en plaçant
un homme de providence, tantôt elle met en avant ses idiots utiles. Le
régime en place est l’illustration même de cette aberrante manipulation.
Raison pour laquelle, tous les dix ans, un vieux cacique moustachu se
plantera pour nous imposer son putsch. Impuissante, la classe politique
s’est toujours démarquée par ses accointances avec le système. Comme le
destin d’un parti politique c’est d’arriver au pouvoir, la plupart se
limite à des maigres portefeuilles ministériels à travers des vrais-faux
gouvernements d’unité nationale.
Mais on oublie souvent qu’en
Mauritanie, les coups de force à répétition définissent la structure
même de notre Etat depuis que les militaires se sont emparés des rênes
du pouvoir. L’on ne vote que voter par pur conformisme cependant la
démocratie reste une lueur.
Les autorités et les élus se
préoccupent avant tout de leurs propres intérêts au lieu de garantir les
droits fondamentaux et définir des véritables politiques publiques. On
attend toujours le premier parlement qui entamera les réformes
institutionnelles abrogeant le très discriminant découpage électoral
pour provoquer une véritable représentativité démocratique. Sinon, la
démocratie ne sera qu’une illusion et la majorité restera toujours du
côté des dominants. Les lois et les urnes ne profiteront qu’à eux.
Bâ Sileye
Sileye87@gmail.com
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