To
be a Hartani or not to be,voilà une tirade aux contours confus pour laquelle il
ne suffit pas seulement de plagier William Shakespeare.Pour dire vrai, la
condition Haratine est beaucoup plus complexe que le dilemme universellement
connu et posé par le dramaturge anglais.En Mauritanie, depuis des siècles déjà
la sémantique nous a habitués à des expressions idiomatiques dont la teneur
continue de nourrir et d’ entretenir des croyances superficielles qui mettent
au pilori les vraies valeurs éthiques que doit produire et louer notre
société musulmane.En effet si les termes sous-jacents tels
« bidhani »ou « hartani » repondaient jadis à des
considérations colorielles ou même au-delà, voire des découpages
géographiques(Trab bidhanes,Trab soudan), de nos jours ces locutions figées et
dont la signification tient surtout à une « memorisation préalable »,
sont à ranger au musée.De facto la » Hartanité »,comme son ainée la
negritude, tirant de manière exclusive leur prédilection d’une matrice dominée
par la notion de couleur de la peau en plus d’une batterie d’abominables
clichés véhiculés par l’histoire,doit cesser de s’abreuver de la frustrante
intolérance pour se prémunir plutot d’une vision moderne et conforme à
l’entendement.Si l’on sait que dans la tradition mauresque il y a des Haratines
« blancs » de peau jouxtant d’autre part des
« descendants » du Prophète(PSL) noirs comme du charbon de bois, qu’il
nous soit permis de conclure que la génétique à savoir la transmission de
caractères innés d’un individu à sa descendance,n’est point le prélude à la
condition Haratine.Donc n’est hartani que celui qui le veut et le revendique
afin de mieux l’assumer sans complexe.Ce qui est bien sûr different de la
condition de l’esclave encore dominé dont l’émancipation doit interpeller la
conscience de chacun de nous.
Dans
l’une des institutions republicaines qu’est l’Armée,ceux qu’on appelle les
militaires »haratines » en général,les officiers en particulier n’ont
jamais eu une figure de proue du genre Maawiya pour certains Maures ou
Yall Abdoulaye chez les négro-mauritaniens,à laquelle ils voudront bien
s’identifier.Le manque de discernement ou d’encadrement autour de valeurs
cardinales a poussé certains officiers haratines à la domesticité voire même la
servilité à l’égard de leurs chefs maures blancs ;ces derniers ne se
privant point de profiter de cette infantilisation.D‘autres officiers hratines
par contre sont restés stoiques,humbles mais la tête haute ; comme quoi le
combat pour l’égalité des chances demande des sacrifices. Aussi du temps de
Yall un timide rapprochement envers les jeunes officiers Hratines a-t-il été
amorcé.Difficile adhésion,car l’officier le plus en vue en ce
moment,mi-rebelle,mi-soumis,le capitaine Breiké Mbarek(Bric-Brac) et qui
n’était pas en odeur de sainteté avec le puissant Yall,avait dejà choisi son
mentor :le colonel Haidallé.C’est d’ailleurs Maawiya qui, avec la
bénédiction de Yall mettra fin à la carrière fulgurante de cet officier très
professionnel(au plan militaire),privant ainsi les Hratines de l’émergence d’un
éventuel mage.Il fallait rebuter ce bouillant capitaine hartani qui avait la
main sur la 6ème région militaire où tout était sous contrôle,pour
que le 12-12-1984 puisse voir le jour.Breiké n’était pas le seul évincé car
beaucoup d’officiers haratines qui affichaient une certaine fiérté ou un ésprit
hétérodoxe étaient vite reperés et empéchés d’avancer en échelon superieur,ainsi
bloqués car accedant au grade de capitaine par ancienneté(à l’âge de 42 ans),la
carrière forcément écourtée. Breiké vidé au grade de capitaine,les officiers
haratines, subissant les perturbations de la nébuleuse mauresque et la
pression sentimentaliste négro-mauritanienne, cherchent encore un
boulevard autonome ou plus exactement une troisième voie qui soit adaptée à
leur stimulus…. .Ensuite c’était le tour des négro-mauritaniens d’être affligés
par les soubresauts de l’orphelinat après la mort subite du colonel Yall
Abdoulaye en 1985.Du temps de Yall chef d’Etat-Major,au debut des années
« 80 »,rien ne pouvait se decider sans son aval.Le quota pour les
militaires négro-mauritaniens,c’est lui,la préeminence des mêmes
négro-mauritaniens dans les differents services et directions de
l’Etat-major :dirmat,dir-santé, la direction des transmissions, etc où ils
étaient majoritaires,c’est encore lui.A la dirmat par exemple,du 1er
au 5ème échelon seul
le futur président de Mauritanie,le lieutenant Mohamed Ould Abdel Aziz brillait
par sa « blondeur »de « petit maure »,en tant qu’officier-
Automobile. La disparition du Colonel Yall a crée un vide chez les
« gens du fleuve »qui courent encore derrière l’âge d’or .Comme
quoi,la stature imposante d’un seul homme peut concrétiser des idéaux,par
contre difficilement réalisables par le militantisme opiniâtre allant de
slogans en manifestations de milliers d’hommes et de femmes réunis . Et si
l’âge d’or était plutôt devant nous et non derrière,où les
termes :kowri,hartani,bidhani seront remplacés par un seul
mot :mauritaniens ?
Enfin
je ne saurais terminer sans évoquer l’histoire de Mboirik Ould Mhemdel
Abd,un »hartani »,qui de par sa lucidité,sa disponibilité s’est
construit une renommée sous-regionnale tant l’homme était généreux et
altruiste,tant il incarnait la probable et futur cohabitation entre toutes les
composantes du pays.La mort de Mboirik a coincidé avec celle du rais égyptien
Jemal Abd Nasser en 1970.Je n’oublierai jamais,adolescent, les visages affectés
d’hommes et de femmes,les oreilles collées aux transistors car « un
nationaliste »Arabe,une figure mondialement connue venait de mourir.Je
n’oublierai jamais non plus la boutade de l’érudit Hamoudi Ould Lemrabott,père
de l’ancien président de la cour suprême,Mahfoudh Ould Lemrabott(paix à leurs
âmes) et qui disait sans prétérition : « pourquoi les
Mauritaniens pleurent-ils Jemal Abd Nasser et ne font pas autant sinon plus
pour le defunt Mboirik ? »Selon le alem qui,j’en suis convaincu n’appartenait
pas au « club des oulemas benavé »,Mboirik le sage a fait plus pour
ses compatriotes mauritaniens qu’un rais loin de nos préoccupations
endogènes.Que les nassiristes,les baathistes,les flamistes,les extrémistes de
tous acabitsprennent en compte cette expression visionnaire d’un érudit et qui
de surcroit pulvérise tous les records de prétention à l’Arabité du
beidhane.Puisse cette pensée servir à l’émergence de la maison commune
mauritanienne de demain.Là où le tribal,l’ethnique,le coloriel s’en seront
debarrassés de leur intuition toxique pour ériger cette fois une nation arc-en-
ciel.Qu’en penses-tu mon cher lecteur : « hypocrite lecteur,mon
semblable,mon frère ? ».
ELY OULD KROMBELE
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