Le charismatique leader de l’African National
Congress (ANC) a tiré sa révérence jeudi 5 décembre dernier pour un repos
éternel après 95 ans, un siècle entier, d’une vie de turpitudes et de combats.
Le guerrier est parti ne laissant pas simplement les partisans de l’ANC et les
sud-africains orphelins mais l’Afrique dans sa globalité et le monde dans toute
sa diversité. L’ANC n’a en effet été que le tremplin, pour ce fils de l’Afrique
des plus illustres, le plus illustre du 20ème siècle, pour
s’installer le plus naturellement et le plus majestueusement du monde sur le
piédestal des Hommes politiques de son époque. L’émotion suscitée à travers le
monde par la disparition de Madiba, comme l’appellent affectueusement les
sud-africains, en dit long sur l’apport de l’homme à ses contemporains, en
particulier, et à ses semblables, de manière plus générale. Jamais, en effet,
la mort d’un homme politique n’avait entrainé autant de drapeaux en berne. Des
Etats-Unis à la Guinée en passant par la France et bon nombre d’autres pays,
les drapeaux ont été mis en berne en hommage au symbole mondial de la lutte
contre la discrimination. Mais la force de celui que l’on appelle Rolihlahla
(l’empêcheur de tourner ne rond en xhosa), de son nom africain, est justement
d’avoir su concilier l’intransigeance pour tout ce qui touche à sa dignité et à
celle de son peuple, allant jusqu’à prendre les armes face à un ennemi,
l’apartheid, qui ne comprenait d’autre langage que celui de la violence, et la
tolérance, face à ce même ennemi qu’il a entre-temps mué en adversaire, pour
l’émergence de la Nation arc-en-ciel qu’il voulait faire de l’Afrique du Sud.
Les vingt-sept longues années de sa vie
passées en prison, dont dix-huit au sinistre bagne de Robben Island, au lieu de
développer en lui un esprit d’aigreur, de haine et de vengeance, ont été pour
lui au contraire une source d’inspiration pour mieux appréhender les bourreaux
de son peuple, an se mettant notamment à l’afrikaans, et parvenir ainsi à les
apprivoiser.
Aux brimades et à l’humiliation de l’ennemi
raciste, Mandela a opposé la dignité du résistant, à la haine aveugle du régime
d’apartheid et à son cortège de massacres, Madiba a répondu, suprême
générosité, par un désir de vie pour tous. C’est ce sens de la générosité, qui
a fondé la réconciliation sud-africaine et jeté les bases de la nation nouvelle,
que le Président Obama a voulu saluer déclarant que Madiba était un homme « profondément
bon ».
Cette « magnanimité constructrice»
envers l’ennemi d’hier, cette main tendue dont la plus parfaite illustration a
été le Nobel de la paix partagé avec Frederik de Klerk, dernier président du
régime honni de l’apartheid, dont il fera d’ailleurs son vice-président une
fois élu, en déroutant plus d’un, est une attitude profondément africaine et
confère à Mandela sa stature unique ; il est le double symbole de la lutte
sans merci contre l’injustice la plus abjecte puisque fondée sur l’appartenance
raciale, et l’artisan de la réconciliation de ce pays de toutes les
différences. C’est en cela que l’Afrique peut l’exhiber en toute fierté à la
face du monde, un monde qui consacre la dimension planétaire de ce natif de
Mvezo que la lignée familiale prédestinait à des fonctions de chef traditionnel
en pays xhosa, en l’érigeant en exemple.
Tel était d’ailleurs le destin de Nelson
Rolihlahla Mandela; être un exemple pour ses contemporains et pour les
générations futures. Puissent simplement les chefs d’etat du continent, en conclave à
Paris à l’annonce du repos du guerrier, s’inspirer de cette mine de sagesse que
la Providence a offert à une Afrique bien mal en point, en bien des égards,
sous les coups de boutoir conjugués de ses enfants et des tenants du
néo-colonialisme. Qu’ils s’inspirent de lui ne serait-ce que pour mettre fin
aux tripatouillages incessants de constitutions taillées sur mesure pour les
maintenir au pouvoir.
Puisse la Mauritanie, notre pays, qui
entretient un apartheid qui ne dit pas son nom, et qui entrainera fatalement le
recours à une violence aux conséquences incalculables, s’inspirer de l’exemple
de ce grand homme devant l’éternel et du pays arc-en-ciel dont il a jeté les
bases.
Alassane DIA,
Président de Touche pas à ma nationalité
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