Nous qui vivons au sein des sociétés
occidentales (Europe et Amérique), avons toujours tendance à n'indexer que les influences
négatives. C'est vrai, le cadre occidental permissif et libéral pour l'individu
presque sur tous les domaines paraît perturbant pour nos croyances religieuses
et traditionnelles.
Pourtant par un autre regard réfléchi, nous pouvons observer
aisément que ce même cadre nous est profitable sur bien des domaines. Tout au long de ce modeste travail
d'observateurs attentionnés, nous comptons axer notre contribution sur les
communautés soninkés de France. En effet l'hexagone comme cadre occidental aura
eu multiformes influences et interférences au sein des milieux émigrés
soninkés.
Comme dit l'adage; la meilleure école c'est bien celle de la vie,
et en vivant les réalités concrètes, l'homme se forme, se réforme et se déforme
aussi. À part une minorité d'étudiants, le motif principal de la présence
soninké en France est économique par le travail et occasionnellement politique.
Par cette présence pour motif travail, nous occupons généralement pour la
majorité, les emplois à très faible qualification. Cela peut s'expliquer par le
taux élevé de quasi illettrisme parmi nous, et on se voit très représenté dans
les domaines suivants: nettoyage, la plonge en restauration et ouvriers non
qualifiés dans le bâtiment. Nos revenus issus de ces activités particulièrement
dures, nous permettent d'entretenir individuellement et collectivement nos
terroirs dans les pays d'origine.
Dans ce cadre français où les mots-concepts " liberté et
égalité" ont un sens plus marqué et vivant que dans nos sociétés d'origine
(pays et milieu socio-ethnique), nous pouvons constater une certaine
redéfinition des rapports coutumiers liant les personnes. Nos employeurs et
amis blancs nous recrutent en ignorant tout critère lié à nos différents
statuts coutumiers ( garanké, horé,
komé, tegué et d'autres). Les
promotions professionnelles et les avancements se font par mérite et non pas
par nom de famille. L'engagement syndical suit la même logique. Cette donne
dans le cadre professionnel perturbe les anciens piliers référentiels qui catégorisent
les individus par déterminisme de naissance dans nos milieux même ici hors
travail. En effet le garanké qui
avait été conditionné historiquement que son honneur filial viendrait en
servant statutairement d'autres, trouve le cadre idéal pour poser les bonnes
questions au bon endroit. Notre garanké,
un jour chef d'équipe ou délégué syndical, participant matériellement et
pleinement aux projets communautaires se verrait bien remettre en question
l'ordre coutumier le faisant d'éternel subalterne. Ce qui serait d'ailleurs
souhaitable et instructif pour notre imaginaire collectif afin de revoir la
philosophie qu'on se fait de l'Homme, ses Droits et Devoirs. Dans ce même cadre
occidental d'ouverture aux multiples opportunités, nos illettrés et les
faiblement instruits, intéressés peuvent accéder à une instruction dans
différents domaines. Des sessions gratuites d'alphabétisation permettent
certains d'avoir un niveau intéressant leur facilitant le quotidien.
Nous constatons auprès de
ces populations un intérêt particulier pour le fait politique et politicien du
pays d'accueil. On verra un homme ignorant le nom complet du premier ministre
de son pays d'origine tout sachant les origines familiales des hommes
politiques français (étrangères depuis quand et d'où). Le fonctionnement de ce
cadre français permettant des possibilités sur la base du droit et du mérite,
nous invite à revoir certaines de nos certitudes en interne. Les français sont
ouverts majoritairement et n'hésitant pas à confier leurs destinées à un homme
méritant aux origines étrangères récentes. Par conséquent nous serons
interpellés par nos consciences sur nos fonctionnements internes en ethnies et
en castes qui font des méritants à diriger de naissance. Dans nos terroirs et
nos pays, presque tout se fait pour que le dernier arrivé historiquement quel
que soit son mérite n'accède pas à certains titres (chefferie, imamat et
d'autres). La compréhension plus ou moins approfondie des enseignements de
notre religion se généralise aussi parmi nous. Plus en plus des gens sortent de
la logique faisant que le monopole du religieux soit dévolu exclusivement à
certains d’entre nous (Marabouts). En effet, par les cours, les séances de
Tafsir et les conférences, un certain réveil en masse se manifeste. On trouvera
un homme ayant des notions intéressantes liées à la croyance et aux pratiques
rituelles, qu’il n’aurait pas su dans nos milieux d’origine où
l’auto-disqualification s’applique en fonction du statut social.
Dans cette ouverture, nous souhaitons qu’un nouvel esprit nous
anime tous pour sortir paisiblement de l’exercice coutumier de l’imamat vers
celui du plus compétent en la matière. Ainsi nous sortirions de certains
clichés vivaces ; par exemple le rôle du muezzin serait du fait d’un casté
esclave et surtout en pensant le lier à l’exemple faussé de BILAL (RA) soit disant esclave-muezzin
au temps du Prophète MOHAMED (PSL).
En véhiculant consciemment ou inconsciemment des pareils faux raccourcis à
l’endroit de ce grand compagnon des premières heures du Prophète, nous légitimerons les clichés négatifs qu’ont certains
milieux arabo-musulmans au sujet des noirs.
KOUNDOU SOUMARE, Membre de l’Armepes
(www.mauritanie-egalite.org)
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