Biram
Ould Dah Ould Abeïd (BDA) n’est plus à présenter, aujourd’hui, en
Mauritanie. Ni ailleurs. Président de l’Initiative de Résurgence du Mouvement
Abolitionniste (IRA-Mauritanie), distingué par plus d’un prix pour la cause des
droits de l’Homme, BDA se lance désormais dans l’arène politique mauritanienne,
le premier à déclarer publiquement son intention de briguer le suffrage
universel des Mauritaniens. BDA s’attaque à ceux qui, selon lui,
perpétuent l’ordre ancien esclavagiste, ceux qui instrumentalisent la Religion
musulmane, le pouvoir, l’opposition, et même la presse, y compris le journal
qu’il a honoré par l’interview ci-après :
Biladi : Vous venez de rentrer d’une tournée dans la vallée du fleuve. Quel accueil vous a été réservé ? Et quelle appréciation faites-vous de la situation socio-économique dans ces régions ?
Biladi : Vous venez de rentrer d’une tournée dans la vallée du fleuve. Quel accueil vous a été réservé ? Et quelle appréciation faites-vous de la situation socio-économique dans ces régions ?
BDA : La tournée dans les régions Mauritaniennes de la vallée du Fleuve Sénégal que nous avons entreprise du 13 au 20 mars, de Rosso à Sélibaby a attesté, une fois de plus, l’échec de la politique et de la stratégie de diabolisation et de marginalisation que l’Etat et les groupes dominants mauritaniens ont adopté depuis toujours contre Ira-Mauritanie, ses idées et son Président. Les accueils massifs volontaires et chaleureux réservés, par les populations des villes et des villages des régions traversées, à moi-même et à ma délégation, constituent une victoire sans appel de notre vision et surtout de nos constats. Les populations ont rompu, de ce fait avec les clivages traditionnels clientélistes, si réfractaires au devoir de solidarité avec les humbles ; à présent, ils épousent la ligne de la rupture d’avec les forces de l’oppression, le credo du sacrifice pour un véritable changement, la parole de la vérité.
Concernant la situation socio économiques de ces région, elle est caractérisée par le désespoir, les frustrations matérielles, le marasme et le sentiment d’écrasement car l’Etat et ses différents services, au lieu de représenter une lueur d’espoir ou de soulagement représentent un fardeau, une instance d’oppression, dans le quotidien de populations paisibles ; ces mauritaniens, en majorité noirs, hratin, peuls , soninké, wolofs ou Bambaras subissent un régime de sujétion qui spolie les terres héritées des ancêtres et impose des brimades à la manière du système colonial ; ces multitudes anonymes ne bénéficient de l’éducation, de la santé, ni de l’eau potable et se retrouvent, aussi, à la merci d’intermédiaires délateurs et de politiciens véreux qui incarnent le relai de l’administration et du pouvoir dans chaque localité. Donc l’appauvrissement et le sentiment de non appartenance à la communauté de destin a atteint son comble ici ; c’est pourquoi, notre discours, notre organisation et ma candidature à la magistrature suprême renferment pour les foules des régions visitées, la promesse d’un avenir différent, une bouffée d’oxygène, comme une bouée de sauvetage, sur le chemin d’une restauration durable de la dignité et de la citoyenneté.
Biladi : Le président de la République vient de rencontrer quatre cents jeunes. Il prépare un second mandat tourné vers la jeunesse, dit-on, après ce premier finissant focalisé sur les pauvres. Les médias publics parlent d’une rencontre réussie. Qu’en dites-vous, candidat à la future présidentielle ?
BDA : Ces mises en scène médiatiques orchestrées par le chef de l’Etat et son entourage ne peuvent masquer l’échec total de la Présidence de Mohamed Ould Abdel Aziz ni dissiper le trouble autour de sa personne. La gouvernance qu’il n’a cessé de se reproduire par la manipulation des média et des mosquées, au point d’accentuer la haine intercommunautaire, l’exacerbation du racisme domestique contre les hratins et les noirs en général ; ainsi, pour se maintenir comme garant de l’ordre ancien, Ould Abdel Aziz, qui est l’unique détenteur du pouvoir réel, œuvre-t-il davantage à aggraver le sentiment de l’insupportable chez la majorité opprimée. Il a besoin de créer de la division, de la suspicion et d’entretenir le climat de précarité, afin d’exercer le monopole de la violence légitime ; en vérité, il sert le système, parce qu’il en défend le fondement premier : la préséance de naissance qui justifie l’allocation inégale des ressources, au profit des élites tribales maures. Evidemment, lui-même et son groupe népotiste se servent, au détriment du groupe ethnique dont ils prétendent préserver l’hégémonie ; il s’agit d’une querelle prévisible dans le processus de délitement de tout édifice construit sur la base de l’iniquité. Avec Ould Abdel Aziz, la faillite du modèle de l’Etat des tribus et des clans s’accélère à mesure que s’intensifie, entre eux, la compétition pour le contrôle du bien public, source de privatisation par constitution et cumul de prébendes. Avec l’actuel Président, le bloc hégémonique apparaît inapte à l’idéologie. Il n’a pas de projet, même réactionnaire et ne croit en rien. Sa seule finalité consiste à piller, épargner, thésauriser, aux fins d’épargner, à ses membres et à leur progéniture, l’épreuve de l’effort et l’insupportable méritocratie. Dans la Mauritanie de Ould Abdel Aziz, un jeune ne rêve ni de diplômes, ni de gloire, ni ne changer le monde ; il se voit commerçant et n’imagine la perfection autrement.
A cause de cette mentalité déjà en vogue sous Ould Taya, la gabegie, la corruption, le népotisme, ont pu générer bien des carrières et des fortunes dont les titulaires sont des membres en vue de l’entourage politique du chef de l’Etat. Sous le mandat de Ould Abdel Aziz, l’instrumentalisation de la religion a atteint son comble, pour régler des compte sociaux et historiques avec les groupes des cadets, tels les hratins, les forgerons et sans doute d’autres à venir. Sous ce règne aussi, l’ignominie et la face hideuse du racisme et du mépris de la dignité humaine se sont montrées et exprimées au plus haut sommet de l’Etat et de la hiérarchie dite religieuse ; pour la première fois depuis Charr Bebba, le pouvoir temporel et spirituel se sont confondus ; ils s’illustrent, à présent, par la prise de position ethnique, sectaire, et ce contre l’esprit et les principes de l’Islam, de l’humanisme et des droits national et international. Donc, je réitère ici, qu’une mandature tournée seulement vers les pauvres ne pourrait être équitable car tournant le dos à un autre poids important de la société qui sont les riches et comme une mandature tournée exclusivement vers les jeunes ne pourrait justifier son équité, ni son efficacité car les moins jeunes et les vieilles personnes ont aussi leur droit à l’attention de ceux qui les dirigent ; bref, ces démarches ne révèlent que facilité démagogique, défaut d’audace, déficit de novation et limite de l’esprit borné, car au final, les pauvres et les jeunes, deux catégories objets du montage azizien, se restreindront à l’entourage de Ould Abdel Aziz, c’est à dire ses compagnons et laudateurs.
Biladi : Récemment, le pouvoir, à travers le ministre de la communication, n’a cessé, plus d’une fois, de critiquer l’instrumentalisation du religieux, suite à une profanation ‘’présumée ou réelle’’ du Saint Coran. On se souvient, qu’il a été, jusqu’ici, lors de votre autodafé des quelques ouvrages du rite malékite, et à l’occasion de l’article, dit blasphématoire d’Ould Mkhaïtir, un défenseur de la religion musulmane. La Mauritanie n’est pas un pays laïc, disait Mohamed Ould Abdel Aziz aux foules venues demandant une lourde peine contre vous ! La protestation que vous faites aujourd’hui est le minimum que vous pouvez entreprendre, disait-il encore en réaction ‘’ au blasphème’’ ? Comment jugez-vous ce revirement ?
BDA : Tout d’abord je tiens à apporter un démenti catégorique aux affirmations du journal Biladi et de toute la presse bidhane esclavagiste qui n’ont cessé d’affirmer que j’ai incinéré des livres malékites ou islamique ; ces allégations, partiales et diffamatoires abondent dans le sens de la position de l’Etat et des groupes dominant arabo berbères esclavagistes mauritaniens qui n’ont cessé d’élever au niveau du sacré, les codes d’esclavage de traite des humains et de fornication que j’ai incinéré le 27 avril 2012 ; ces ouvrages dont la teneur raciste n’est plus à démontrer, ne sont malékites ou islamiques que dans l’imagination de ceux qui instrumentalisent le nom de l’imam Malik ibn Eness pour légitimer et justifier leurs pratiques ignominieuses.
D’autre part, je n’accepte pas votre présentation escamotée de cette affaire ; les manifestations monocolores n’ont pu mobiliser, parmi les musulmans Mauritaniens, que la frange esclavagiste arabo berbère ; les foules haineuses d’alors avaient réclamé, avec précision, que me soit appliquée la peine de mort. Cette requête, claire et explicite, a été d’abord formulée par des érudits maures, des partis politiques de l’opposition et de la majorité et aussi du gouvernement, du chef de l’Etat et de son ministère public.
L’opposition Mauritanienne - à travers ses dirigeants - n’a cessé de mentir en disant que Ould Abdel Aziz a été laxiste avec ceux qui ont incinéré les livres ; je leur réponds ici que la destruction de ces livres esclavagistes par le feu est un acte de bienfaisance contre le crime et l’opprobre, leur institutionnalisation et leur sacralisation. J’espère que le message est bien reçu et entendu.
Ould Abdel Aziz et ses successeurs ne peuvent rien faire contre nous, en terme de droit positif ou de charia, car notre acte d’incinération - que nous revendiquons toujours - ne viole aucune loi, ni règle religieuse ; bien au contraire, l’acte s’avère en conformité au droit à la dignité et bel et bien au service de la foi islamique. La seule sanction que Ould Abdel Aziz pourrait appliquer, dans ce cas de figure, c’est d’user de l’arbitraire ; il en a usé et abusé en attaquant nos maisons, en nous arrêtant, en nous torturant, en nous détenant, en nous transférant devant une cour criminelle et en réclamant, par la voix de son procureur général , la peine capitale contre nous, pour des chefs d’inculpation sans rapport avec nos actes.
Le tribunal l’a débouté par notre acquittement ; pourtant, et Ould Abdel Aziz s’est permis de nous détenir deux mois supplémentaires, en violation de la norme. La légitimité du droit n’est pas avec lui, le tribunal qui nous a acquitté l’a prouvé ; la légitimité religieuse n’est pas avec lui, notre position mettant le Coran et la sounna au dessus des écrits esclavagistes le prouve assez ; les soutiens dont nous avons bénéficié de la part de la Umma Islamique le démontrent ; la légitimité populaire nationale n’est pas de son côté ; les manifestations et marches de soutiens à nous, qui ont rassemblé des milliers de personnes, en témoignent ;la légitimité internationale n’est pas de son côté, le soutien des organisations internationales et des organismes internationaux est bien édifiant à cet égard .
Quand le ministre de l’information Sidi Mohamed Ould Maham prétend avoir confié à la justice le dossier de la destruction des livres esclavagistes, il ment ; en effet, s’il s’agissait d’un problème de justice, rien dans la loi moderne ou islamique ne criminalise l’incinération de textes aussi nuisibles pour les humains et la religion.
D’autre part, la justice nous avait bel et bien acquittés, mais le pouvoir raciste et esclavagiste de Ould Abdel Aziz nous maintenait, en prison.
Concernant la dernière affaire dite profanation du livre saint à Teyaret, j’y entrevois un acte de provocation, orchestré par les délinquants assoiffés de pouvoir et de sang qui sont au sommet des partis comme Tawassoul, le Rfd ou d’autres dirigeants de « partillons » qui gravitent autour d’eux. Il fallait fabriquer une situation de chaos qui pourrait, pensent-ils, les amener au pouvoir ; or, puisque cette vraie atteinte au sacré est orchestrée par l’élite bidhane, le pouvoir de Ould Abdel Aziz, comme tout pouvoir discriminatoire, a cédé à la solidarité communautaire pour éviter tout déballage et toute enquête sérieuse car cela pourrait mettre à nu les vrais profanateurs du sacré et les vrais ennemis de la religion : les descendants de maîtres trop longtemps habitués à couvrir leurs forfaitures séculaires, sous le bouclier du Coran et de la Sunna.
Biladi : Le président de l’Alliance Populaire Progressiste, ex président de la chambre basse, vient de publier un long article. Il y fait état d’une incompréhension au sujet de sa personne. Quelle lecture faites-vous de cette tribune ? Et quelle appréciation faites-vous de l’action politique du sempiternel défenseur de la cause hratine, celui-là qui est en charge aujourd’hui du Conseil Economique et Social ?
BDA : Si le Président Messoud Ould Boulkheir, après plus cinquante ans de présence politique et de militantisme , après avoir occupé de grandes fonctions de l’Etat - du jeune cadre de l’administration territoriale, membre du Conseil national du PPM, gouverneur de région, ministre, Président de parti, parlementaire, leader de la chambre basse, après des milliers de discours, de manifestations, de communiqués, de prises de position, après tout cela, si Messoud reste toujours incompris, ce n’est pas une tribune dans un journal qui lèverait le malentendu ; d’autre part, je ne suis pas en mesure, encore moins en droit, d’évaluer l’action ou les acquis de Messoud dans sa lutte. Tout ce que je sais, c’est qu’en ce moment, la Mauritanie va très très mal, notre pays, notre société sont en crise et particulièrement les populations hratin ; elles se trouvent dans une situation d’écrasement, de servitude et de marginalisation qui mérite l’engagement de tous les Mauritaniens et des étrangers épris de liberté et de justice, pas seulement les cadres et personnalités hratins.
Par ailleurs, je voudrais signaler que le système politique et social esclavagiste que Messaoud Boulkheir a commencé à combattre à partir de la fin des années 90, lorsque Maawiya ould Taya l‘a limogé du gouvernement et mis à la retraite, est le même système qu‘impose au Hratin et aux autres mauritaniens l‘actuel chef de l‘Etat, Mohamed ould Abdel Aziz.
Biladi : Si les partis de la coordination de l’opposition démocratique, pour des raisons d’absence de transparence, allaient boycotter la prochaine présidentielle, iriez-vous dans la bataille contre Mohamed Ould Abdel Aziz ?
BDA : Rien ne me lie aux partis de la COD depuis l’incinération des livres esclavagiste qui m’a fait découvrir la face hideuse de l’enracinement de l’idéologie esclavagiste dans les esprits des élites d’extraction féodale et esclavagiste et qui essayent d’exhiber un vernis moderniste ; ils sont l’autre tête du serpent, l’autre facette du système ; j’aurais, moi-même, ma propre appréciation du degré de transparence et de faisabilité des élections présidentielles prochaines ; c’est ce qui déterminera ma position car, suite à ma tournée à l’intérieur du pays, j’ai constaté la large exclusion des ethnies noires, hratins notamment, des recensements en cours et de la révision des listes électorales ; cette exclusion, orchestrée par les autorités Mauritanienne, est très inquiétantes ; le risque est grand si ces mesures iniques et discriminatoires ne sont pas levées et corrigés au plus tôt, de voir la moitié des populations noires apatrides et incapables de voter. En plus des noirs de la diaspora, ceux de l’intérieur du pays courent derrière leur droit à la citoyenneté toujours en vain. Ce dangereux syndrome de l’ivoirité, s’il n’est pas traité à temps et de manière conséquente, pourrait nous amener à reconsidérer une participation au scrutin qui laisserait, derrière moi, plus de la moitié de mon peuple. Je pourrais bien renoncer, par solidarité avec ces exclus, jusqu’à ce que justice soit faite
Biladi : Jusque-là, l’image que les Mauritaniens retiennent de vous est celle d’un iconoclaste, un anti-ordre établi. Comment comptez-vous faire pour négocier une telle transition (prière de reformuler la question) ? Peut-on parler, en somme, d’une nouvelle image ? Une autre celle de Biram, le candidat au suffrage universel des Mauritaniens ?
BDA : Je suis et je reste un pourfendeur de l’ordre établi quant il produit de d’injustice, de la violence et des violations des droits humains. Je ne me conformerai pas au mensonge de tabous qui assoient le pouvoir et la prédominance d’humains sur leurs semblables ; je ne m’accommoderai jamais au silence coupable, à la lâcheté ; j’userai toujours de mon droit à l’insurrection morale, à la rébellion idéologique et à la dissidence politique. Mon but n’a jamais été que je me fasse accepter ou intégrer dans le système ; c’est tout à fait le contraire : tout ce que j’ai entrepris, du début jusqu’à maintenant et qui parait réussir jusqu’à preuve du contraire - la respectabilité et la notoriété dont je bénéficie sur le plan international, le changement des mentalités et le glissement visible des rapports de force, sur lequel a débouché notre discours et nos actions - tout ceci ressortit d’un mécanisme de subversion idéologique, social et politique qui vise la déconstruction du système des valeurs et la refondation de règles, de principes et de valeurs nouvelles, au service d’une Mauritanie de la joie et du vivre ensemble mais seulement dans l’égalité, oui l’égalité des droits et des devoirs.
A l’inverse des politiciens reconnus par le système et de ce fait même domestiqués, nous avons foi en l’universalité des droits et en l’unité de l’espèce humaine. Nous récusons le relativisme culturel qui justifie, ici-et-là, des îlots de barbarie au nom de la non-ingérence ou de la souveraineté des Etats. La déclaration Universelle des droits de l’homme et les instruments de droit international protecteurs de l’individu et de ses libertés, nous guident dans notre quête d’accomplissement collectif sur terre.
Propos recueillis par Abdelvetah Ould Mohamed
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