Mme Moinaécha Youssouf Djalali, candidate
à l’élection de 2016
Matalana: Madame Moinaécha Youssouf
Djalali, dans votre pays, les Comores, on vous appelle par un surnom qui est
sans doute très significatif au sujet de votre itinéraire. On vous appelle «LA
Grande Dame au Grand Cœur». Est-ce que la popularité que traduit ce phénomène
est le facteur qui vous a motivé pour prendre la grande décision que vous
annoncez maintenant aux Comoriens, en l’occurrence, votre décision d’être
candidate à l’élection présidentielle de 2016?
Moinaécha Youssouf Djalali: Je ne me vois
pas du tout en star, et je n’ai pas travaillé dans la protection de
l’environnement et dans l’action humanitaire, en transformant ma maison
personnelle à Mbéni en hôpital dont je participe au financement et à
l’équipement, pour en tirer un profit politique. En réalité, ce qui me pousse à
déclarer ma candidature, c’est l’état de délabrement dans lequel se trouvent
aujourd’hui les Comores. Dans mon pays, tout est à faire et à refaire, et cela
n’inquiète outre mesure les autorités actuelles et celles qui les ont précédées
au pouvoir. Les 39 ans de notre indépendance sont ceux de deux générations
complètement sacrifiées par l’insouciance et la désinvolture des autorités
comoriennes. Il faut y remédier.
Matalana: On voit que votre décision est
le résultat d’une réflexion profonde. Vous serez la toute première femme
candidate à une élection présidentielle dans votre pays. Comment jugez-vous la
classe politique de ce pays?
Moinaécha Youssouf Djalali: En 2010, notre
sœur Madame Zahariat Saïd Ahmed, elle aussi outrée de voir les Comores par
terre, était candidate au scrutin présidentiel, dont l’élection primaire avait
eu lieu sur l’île de Mohéli, pour porter au pouvoir un Mohélien. Mais, cette
candidature n’a pas été très active et n’avait pas reçu les soutiens dont elle
était en droit d’attendre. Aujourd’hui, pour me lancer dans une campagne pour
une élection présidentielle en 2016, j’ai dû réfléchir de façon très sérieuse
car il s’agit d’une affaire très importante. S’il y a des gens qui prennent
cela pour un jeu, ce n’est pas mon cas. Pour ce qui est de la classe politique
comorienne, elle est celle de l’échec permanent et de la volonté de se servir
des instruments du pouvoir pour des intérêts qui ne sont pas ceux de notre
peuple. Il faut que cela change. Cette classe politique qui a totalement échoué
doit tirer les leçons de ses échecs et se retirer de la vie publique, par
décence et par respect pour les Comoriens et leurs souffrances, souffrances
dont elle est entièrement responsable.
Matalana: Votre passé est celui d’une
militante de la société civile avant tout, puisque vous avez et vous êtes
toujours parmi les personnes qui agissent pour la cause de l’environnement,
d’une part, et d’autre part, vous avez été et vous restez très active pour
résoudre les problèmes sociaux des plus démunis, à travers l’action
humanitaire; ce qui vous vaut, en effet, votre surnom, comme vous nous l’avez
expliqué. Par-dessus tout, vous êtes une grande femme d’affaires. À ce titre là
aussi, vous êtes un personnage emblématique dans la société civile. Pensez-vous
qu’un pays comme le vôtre, est maintenant prêt pour élire une femme et, en
plus, une femme qui n’a pas de parti politique mais qui vient de la société
civile?
Moinaécha Youssouf Djalali: Pour sortir
des ornières du sous-développement économique et social, les Comoriens sont
prêts à confier le pouvoir à la personne qui comprend leurs souffrances. Mais,
pour cela, il faudra que les élections soient sécurisées et soient immunisées
contre la fraude, qui a été massive et malsaine en 2010. Il faut dire qu’Ahmed
Sambi, élu en 2006, et le Docteur Ikililou Dhoinine, élu en 2010, ne sont pas
des hommes d’organisations partisanes. Ce ne sont pas des hommes d’appareils
politiques, des apparatchiks. Les Comoriens, après avoir écouté les champions
de la fonction tribunitienne et les vendeurs de places au Paradis, veulent
qu’on se soucie d’eux et qu’on les respecte. Les Comoriens n’ont aucune
appréciation négative des femmes, bien au contraire. Ce sont bien les femmes
qui ont été à la pointe de tous les vrais combats politiques aux Comores, qui
se sont toujours mobilisées pour le pays, pour les grandes causes, pendant que
Messieurs les Hommes se complaisent dans leur quête effrénée de pouvoir. Tout
ça, les Comoriens le savent et sont dans l’attente d’une alternative crédible.
Très modestement, je crois pouvoir incarner cette alternative et cette
crédibilité.
Matalana:Après tout, quand on voit que Mme
Ellen Johnson Serleaf est Présidente du Liberia, un pays qui sortait d’une
guerre civile effroyable, quand on constate que Mme Catherine Samba-Pandza est
Présidente de la transition en Républicaine Centrafricaine, un pays en pleine
guerre civile, est que vous vous dites que les femmes ont des atouts de plus,
des qualités meilleures que les hommes, pour assurer une paix durable dans les
pays africains?
Moinaécha Youssouf Djalali: Les Comores
n’ont pas connu de guerres civiles, mais elles sont économiquement et
socialement dans le même état que les pays frères qui ont été ravagés par de
vraies guerres civiles. Une seule chose empêche les politiciens comoriens
d’envisager le pire: la peur de la mort. Ils ont peur de mourir. Les
monstruosités qui n’ont pas provoquées par la guerre civile, ils les provoquent
par des procédés beaucoup plus pernicieux, ceux de la politique de la terre
brûlée, ceux de«après moi, c’est le Déluge». Le 5 novembre 2013, au cours d’un
grand événement littéraire, un grand homme d’État français m’expliquait que les
femmes au pouvoir s’intéressent de la construction des routes, écoles,
dispensaires et hôpitaux, pendant que Messieurs les Hommes pensent à l’achat
d’armes et engins de mort. Aux Comores, la femme a toujours été une source
inépuisable de légitime espoir.
Matalana: Quelle est donc votre programme
ou projet de société pour les Comores?
Moinaécha Youssouf Djalali: Mon programme
est déjà prêt. Il est très tôt pour en parler. Il a été élaboré par des
personnes très compétentes, qui connaissent et aiment les Comores, et se résume
par la nécessité de faire renaître les Comores, de restaurer l’autorité et la
crédibilité de l’État aux Comores.
Matalana: Votre pays compte une importante
diaspora, notamment en Europe, par exemple, en France. Quel rôle va-t-elle
jouer dans votre campagne électorale, surtout quand on sait que vous même vous
avez une entreprise en Allemagne et quelques-unes en France?
Moinaécha Youssouf Djalali: Tout
observateur crédible et sérieux vous le dira: les Comoriens votent aux Comores,
mais c’est en France que tout se prépare. Les états-majors politiques sont
toujours à Paris, Nice, Marseille, Lyon, Dunkerque et Le Havre. Les projets de
société et les plans de financement sont conçus en France. Au surplus, les
Comoriens investissent beaucoup d’argent dans les élections. Ils font tout, en
plus des 95 milliards de francs comoriens qu’ils font rentrer dans leur pays
d’origine, soit 3 fois le budget des Comores. Malheureusement, à ce jour, ils
ne sont jamais pris en compte par les candidats, qui les instrumentalisent en
période électorale et qui les rejettent avec dédain après les élections. Je
pourrais résumer la situation en disant qu’un Comorien qui s’expatrie est
toujours aux Comores, car, même quand le Comorien vit loin de son pays, il est
toujours aux Comores, car on ne quitte jamais les Comores.
Matalana: Le problème de l’appartenance
religieuse dans un pays qui compte plus de Musulmans que des Chrétiens, que
cela vous inspire-t-il pour l’avenir?
Moinaécha Youssouf Djalali:Les Comoriens
sont un peuple très tolérant. Aujourd’hui, le seul problème religieux qui se
pose aux Comores est celui de l’entrée du Chiisme, une entrée encouragée par
l’ancien chef d’État Ahmed Mohamed Abdallah Sambi, l’homme à tout faire de la
République islamique d’Iran aux Comores. Les Comoriens, à 100% Musulmans, de
rite sunnite, voient d’un mauvais œil l’arrivée de Chiites, même Comoriens,
formés en Iran, Pakistan et Afghanistan. Ce sont ces Chiites qui sont porteurs
d’un discours obscurantiste, intolérant et extrémiste aux Comores. Nous ne
voulons pas que les Comores deviennent une province iranienne et soient
transformées en bastion du fanatisme. Par ailleurs, aux Comores, nous avons des
églises dans chaque île, et elles n’ont jamais fait l’objet de profanation. Si
les Comores sont épargnées du Chiisme et de l’influence religieuse de la
République islamique d’Iran, elles vivront dans la symbiose en matière
religieuse.
Propos recueillis par Maxime Moto et Aro
Randrianarivo
Portrait de Mme Moinaecha Youssouf Djalali
Une femme de tête, de cœur et de pouvoir
Mme Moinaécha Youssouf Djalali, candidate
à l’élection présidentielle de 2016
On le sait, l’Histoire de chacun des 55
États membres de l’Union Africaine est une Histoire singulière. Mais, celle des
îles Comores ne l’est-elle pas plus que les autres, si l’on considère le
phénomène des coups d’État au XXème siècle et même en ces débuts du XXIème?
Avec plus de trente-quatre tentatives de coups d’État dont cinq réussis et avec
trois chefs d’État assassinés en trente-neuf ans d’indépendance, le pays qui
est devenu l’«Union des Comores» depuis l’entrée en vigueur de la Constitution
du 23 décembre 2001 actuellement en vigueur, est plutôt connu pour ses
rendez-vous permanents avec la violence politique.
Et pourtant le peuple comorien rêve d’un
vrai rendez-vous avec la démocratie, tout au moins à travers les élections. La
prochaine élection présidentielle est prévue pour janvier 2016. Une femme s’y
prépare. Venue de Salimani, dans la ville de Mbeni, en Grande-Comore, cette
dame de la famille Mlouani s’appelle Moinaécha Youssouf Djalali. À cheval entre
les Comores, sa patrie, et l’Europe où elle vit depuis trente ans, cette
épouse, mère d’une fille, a une trajectoire qui rime avec réussite
professionnelle et elle caresse des ambitions pour le bien de son peuple. Des
ambitions que résument, trois mots clés: «Développement », «démocratie» et
«bien-être».
Un rendez-vous avec l’Histoire se prépare.
Rencontre avec une femme, la quarantaine dynamique, qui répète inlassablement:
«Ce que j’ai réussi en France et en Allemagne, je peux le réussir aux Comores
et ailleurs en Afrique».
Le regard franc, l’allure soignée, la
poignée de main ferme et chaleureuse… Moinaecha Youssouf Djalali est une femme
de tête et cela se voit.
Après une jeunesse passée aux Comores,
plus précisément à Mbéni, Hamahamet, dont elle est originaire, cette
autodidacte polyglotte de surcroît (comorien, malgache, allemand, anglais et
français), se lance dans les affaires, la vie active demeurant sa meilleure
école: son premier commerce, elle l’ouvre dans son pays d’origine. Très
rapidement, le succès aidant la menant jusqu’en Allemagne, d’autres entreprises
tout aussi fructueuses suivront: «Baby love Djalali GMBH» spécialisée dans la
confection et la distribution de couches-culottes de haute qualité, basée en
Allemagne, puis viendront «Djalali SARL» et «Djalali cosmetics» en Région
parisienne, où elle vit depuis 30 ans. Djalali Cosmetics est une structure qui
a été lancée en grande pompe, à Goussainville, en septembre dernier, en
présence du Maire de Goussainville et de nombreux invités.
Unanimement appréciée dans son entourage
commercial, pour son intégrité et sa simplicité, Madame Moinaecha Youssouf
Djalali représente un tout nouveau modèle de femme comorienne qui réussit sans
pour autant se compromettre, bien au contraire. Car cette entrepreneuse
accomplie n’en oublie pas pour autant d’où elle vient, et contribuer au
développement de son pays est un projet qui lui trotte dans la tête depuis
quelques années déjà.
Effectuant régulièrement la navette entre
la France et l’Allemagne, cette ancienne championne d’athlétisme à
l’enthousiasme contagieux n’en néglige pas pour autant son pays, les Comores,
où elle se rend le plus souvent possible. Et où elle s’est largement investie
dans l’humanitaire, devenant de ce fait une figure de proue de la vie
associative des Comores, avec ses deux associations AAIC (Association d’Aide
pour l’Afrique et les Iles Comores, créée en 2007) et IDEC (Initiative
Développement Environnement Comores, créée en avril 2013).
Persuadée que le développement du système
de santé publique reste le fondement d’un bon développement économique et
social, «la Grande Dame au grand cœur», comme la surnomment ses compatriotes,
s’investit dans ce domaine avec la même détermination que dans les affaires.
Engagée sur le terrain, Mme Moinaecha
Youssouf Djalali y met à disposition médicaments et fournitures médicales pour
les personnes dans le besoin, au sein d’une de ses villas recyclée en hôpital
par Caritas Comores, via AAIC.
La santé pour le développement, mais aussi
et surtout la protection de l’environnement, notamment la lutte contre
l’insalubrité, le second cheval de bataille de notre dame de cœur, avec son
association IDEC.
L’humilité, le pragmatisme et la grande
générosité de Madame Youssouf Djalali, inspirent toute une génération de
Comoriens, pour qui elle est une fierté nationale, et son récent engagement en
politique n’est que la suite logique d’un parcours exemplaire.
Une femme de tête, certes, mais une grande
dame de cœur, certainement, vous assureront tous ceux qui l’ont côtoyée de près
ou de loin. Et sans conteste une femme de pouvoir.
Sa popularité, Madame Moinaecha Youssouf
Djalali compte bien la mettre à profit lors des prochaines présidentielles de
2016 aux Comores, pour lesquelles elle dévoilera d’ici peu son programme.
Affaire à suivre.
Par Aro Randrianari
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