La vallée du fleuve Sénégal continue à être
une zone de non droit. Les violations des droits de l’homme y sont en effet
quotidiennes et l’administration et les forces de sécurité, incarnation du
système raciste et esclavagiste qui régit la vie nationale, s’y comportent en
territoire conquis, si non comment expliquer que deux tribus viennent faire
leur loi à Niabina, avec la complicité
de l’administration, au prétexte qu’un des leurs aurait disparu dans les environs.
Comment expliquer qu’un policier agresse un jeune devant témoins à Dabbé mais
que c’est ce dernier qui se retrouve déféré à Aleg dans l’attente d’un jugement
hypothétique, après avoir subi toutes sortes d’humiliations pendant la période
de garde à vue. Il s’agit là de provocations ordinaires qui en disent long sur
le déni de citoyenneté des Noirs de Mauritanie et le caractère démagogique,
pour ne pas dire hypocrite, du discours des thuriféraires du régime quant à
l’unité nationale. De telles pratiques si l’on n’y prend garde, iront jusqu’à
remettre en cause l’existence même du pays.
Une délégation de Touche pas à ma
nationalité, conduite par son Président M. Alassane DIA, accompagné de M.
Hachim DIACKO, chargé des droits de l’homme et de Souleymane KIDE,
ressortissant de Niabina, est allée à la rencontre des populations de ces
localités. Voici le récit qu’elle en rapporte.
Retour sur le siège de Niabina
Samedi 02 août 2014, des centaines de
voitures convergent à Niabina, village du Yirlaabe (région du Fouta) poumon de
la commune rurale de Niabina – Garlol, situé dans le département de M’Bagne.
Les voitures déversent une horde de passagers civils, pour la plupart, mais
armés jusqu’aux dents qui installent un campement à l’entrée nord-ouest du
village, à côté du collège. Pendant les deux jours qui vont suivre, le
campement ira grossissant et finira par
s’installer dans l’enceinte même du
collège. Tout cela sans que les nouveaux arrivants aient pris la peine d’aller
à la rencontre des habitants du village pour leur expliquer le motif de leur
présence.
Au bout du deuxième jour, les habitants de
Niabina n’en pouvant plus de voir parader dans les rues et ruelles du village
des civils armés prêts à en découdre, envoient leurs notables s’enquérir de
raisons de cette invasion qui ne dit pas son nom. C’est alors qu’on leur fit
comprendre que ce branlebas de combat faisait suite à la disparition d’un jeune
homme de la tribu des Oualad Ahmed du nom de Mohamed Ould Cheikh Ould Nezil. Le
jeune homme a disparu à Niabina où il a très certainement été assassiné et
enfoui. Pour les assiégeants, c’est une certitude.
Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, les
villageois leur proposent de les aider dans leur recherche. Rendez-vous est
pris pour le lendemain matin à 9 heures. La recherche se déroulera dans Niabina
et ses environs mais ne donnera évidemment rien. Les assiégeants, renforcés par
leurs cousins des Oualad Biri et épaulés cette fois par les autorités
administratives et sécuritaires régionales qui brillaient jusque là par leur
silence s’en prennent alors aux ressortissants du villag. Les brigades de
Bababé, de Boghé et même de Kaédi sont mobilisées pour suppléer celle de
M’Bagne, réticente à être embarquée dans cette histoire pour le moins sordide.
Un colonel de l’armée commandant une base militaire du côté de Boghé aurait
aussi participé, en compagnie de ses hommes, au siège de Niabina, selon ce que
rapportent les notables Yirlaabe
Les assiégeants, dont les plus zélés sont un
député de Boutilimit et le premier adjoint au maire de Chegar, se mettent à
sillonner les rues, à visiter les maisons dont ils tentent d’intimider les
occupants, et vont même jusqu’à troubler le repos des morts qu’ils menacent de
déterrer dans les cimetières, non seulement de Niabina mais de toutes les
localités voisines (M’Botto, Haymedaat, etc…). Le wali et le procureur leur
viennent en appoint : le premier avançant pour justifier l’invasion, selon
les dires des notables de Niabina qui s’étaient réunis avec lui, que le disparu
aurait été assassiné à 200 m du village ; quant au second, il multiplie
les arrestations arbitraires, ainsi entre le jeudi 07 et le samedi 09 seront
arrêtés :
Alhajji Ba et
ses deux frères Mamoudou et Ablaye Ba
Moussa Sow
Thiamma Ba (déficient mental)
Demaani Dia
Demba
Sitty
Sy
Amadou Samba
Mamoudou
Amadou Ba
Salif Ibrahima
Gueye
Baboye Kebe
Amadou Aw
C’est
seulement le vendredi 08 août, s’étant rendu compte de l’exaspération des
populations locales et de leur volonté d’en découdre, que le wali somme les
assiégeants d’évacuer les lieux. Mais les arrestations se poursuivront jusqu’au
matin du samedi 09, jour de la réapparition miraculeuse du disparu de Niabina,
dont une certaine presse avit annoncé avec force détails l’odieux assassinat.
Si cette
réapparition a mis fin à un calvaire qui aura duré huit jours, aucune démarche
n’a été entreprise depuis ni par les tribus impliquées, ni par l’Etat pour
réparer les torts causés aux paisibles citoyens
du département. Pire, aucune enquête n’a été diligentée pour faire la lumière
sur ces évènements qui ressemblent fort à un montage dont on peut s’interroger
sur les véritables motivations.
L’agression
de Dabbé
Le siège de
Niabina n’ayant pas fini de hanter les esprits, voici qu’éclate une autre
affaire, toujours dans le même département mais à Dabbé, cette fois-ci,
confirmant le caractère de citoyens de seconde zone des ressortissants du
Fouta. A la faveur d’un tournoi de football départemental organisé à Dabbé, les
jeunes du village sollicitent, contre une somme de cinquante mille ouguiyas,
l’appui du commissariat de police de M’Bagne pour les aider à assurer la
sécurité des équipes participantes et du public. Mal leur en a pris. En effet,
le match d’ouverture opposant Dabbé à Dawalel occasionna une bagarre entre
supporters que les policiers, habitués à la brutalité, tentèrent d’arrêter par
la violence. Un jeune homme du nom de Samba Amadou Datt, appartenant au comité
d’organisation, et qui cherchait à éloigner son petit frère de la zone de
bagarre, s’est vu stopper par un policier dénommé Mohamed Lemine. Ce dernier ne se contentant
pas de refuser d’écouter les explications de Samba, s’est acharné sur lui, lui
assenant des coups de pied, rapportent les témoins de la scène.
Le policier se
serait fracturé la jambe (le conditionnel est de mise, la fracture n’étant pas
vérifiée) dans cet exercice et en a fait porter le chapeau au jeune Samba Datt.
De fait, celui-ci a été arrêté, le 28 août, gardé à vue d’abord à Mbagne dans
les toilettes du commissariat, puis transféré menotté à Bababé, où il subira le
même sort, avant d’être déféré à la prison d’Aleg, où il attend un hypothétique
jugement. Le policier demande une compensation financière d’un million
d’ouguiyas pour retirer sa plainte, ce que la famille du jeune homme refuse,
sûre d’être dans son bon droit. Mais là encore les intimidations ne manquent
pas puisque, selon le témoignage de la famille, le procureur en charge de
l’affaire leur aurait fait comprendre que leur fils avait nécessairement tort à
partir du moment où il est confronté à un policier en service au moment des
faits.
Dr Alassane
DIA
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