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samedi 13 décembre 2014

Intervention du Docteur Sao Ousmane



Les Enjeux Politiques et Economiques de l’Afrique Géopolitique et Conflits internes : Colloque international des chercheurs africains (octobre 2014) en marge de l’ouverture à Niamey du colloque international sur l'urbanisme en Afrique
Intervention du Docteur Sao Ousmane

Introduction
Les enjeux politiques et économiques
Pour ne pas conclure

Introduction
De 1960-1990, la Guerre froide ne permit pas à l’Afrique d’entrer pleinement dans les indépendances, car elle fut diviser en deux blocs ou zones d’influences à l’intérieur desquels ou desquelles les jeunes Etats n’eurent quasiment aucune autonomie.
En effet au lendemain des indépendances, le continent africain a connu des crises liées à la question de la définition de l’Etat, l’incontrôlable essor démographique, l’échec économique et commercial, à l’impuissance des organisations panafricaines et à l’apparition de nouvelles formes de conflictualité. Leur interprétation fut régulièrement faussée en raison des poids des idéologies  alors dominantes. Cette remarque met clairement en évidence les problèmes politiques qui se posèrent à l’Afrique indépendante et qui étaient suspendus à la définition de l’Etat. Cependant construire ce dernier alors que les frontières ne correspondant pas le plus souvent à aucune réalité historique et ethnique (1).
 
L’Afrique qu’on disait mal partie, bloquée ou refusant le développement, est-elle entrain de perdre tous «les tisserands de sa natte » comme le disait Joseph Ki Zerbo au continent africain ? Devons-nous reconnaître avec Amadou Hampathé Ba qui disait à propos de la mémoire des anciens dépositaires de l’histoire des sociétés africaines, que toutes les bibliothèques africaines sont éteintes ou difficilement renouvelables ? Dans la réalité de tous les jours, l’Afrique est meurtrie (conflit ethnique, corruption avérée, sécheresses, maladie, déforestation, famines) et exclue de la mondialisation (économie attardée, mal gouvernée, technologie peu avancée, analphabétisme généralisé, agriculture peu compétitive, etc.). Toutes ces contraintes mettent en jeu deux types de sociétés : les sociétés avancées, industrielles et les sociétés non avancées parmi lesquelles notre continent occupe une place « d’inquiétudes questionneuses ». Ceci nous obligerait à nous regarder nous-mêmes, avant de regarder les autres, à nous culpabiliser avant de culpabiliser les autres, à nous sortir de nous-mêmes pour nous concilier avec nous mêmes, à nous réapprendre ce qui nous a rendu dans le passé grand et prestigieux, enfin à comprendre notre déchéance, à l’assumer et à renouveler nos énergies. Nous devons aujourd’hui, apprendre à négocier les changements nécessaires, les virages imposés tout en demeurant nous-mêmes.
Notre réflexion est liée à ces évolutions, décrire et d’analyser Les enjeux politiques et économiques en partant de l’époque des indépendances en espérant que cette contribution apportera quelques précisions pour le règlement des problèmes en Afrique

Les enjeux politiques et économiques

A l’époque de l’indépendance, le continent africain était un monde de basse pression démographique, situation qui fut bouleversée en profondeur au XX e siècle (2) : d’abord par la colonisation et son maillage médical, puis par l’amélioration des conditions d’hygiène et les campagnes de vaccination. Aujourd’hui l’accroissement de la population est tel qu’il gomme les effets du développement et annonce de graves crises alimentaires.
A partir des années 1980, l’Afrique connue de nouveaux conflits souvent sous formes de résurgences d’anciennes oppositions ethniques mises entre parenthèses durant la période coloniale, puis artificiellement gommée durant la période de la guerre froide. Depuis 1980, l’ethnisme est aussi de retour, partout l’Afrique des peuples est revenue en force, se réveillant d’un sommeil artificiel qui avait interrompu le déroulé de sa longue histoire. Avec un nouveau cependant : les espaces sont désormais bornés par un maillage frontalier emprisonnant les peuples et leur interdisant tout développement territorial, toute expansion
L’origine de ces conflits n’est pas économique, même si cette explication permet de donner des clés immédiatement compréhensibles par le grand public. En effet les éléments déclencheurs de ces affrontements ne furent ni la misère, ni le surpeuplement, ni même les compétitions pour les matières premières. Les deux premiers éléments purent certes ponctuellement les favoriser ou les prolonger, tandis que les troisièmes purent permettre leur durée.
Depuis la fin de la guerre froide, une des grandes nouveautés est que l’Afrique conduit elle-même ses propres guerres. Certes elle achète toujours ailleurs le matériel pour les faire ; mais sauf cas particuliers limités à certains secteurs de haute technologie, ce sont les africains qui font ces guerres avec un armement a dominant individuel fait d’utilisation et d’entretien avec des moyens de transports rustiques, le tout étant financé par les ressources locales qui sont pillées (3). 
Depuis la création de l’UA, plusieurs autres crises sont apparues et d’autres conflits ont éclaté ou se sont étendus que l’organisation n’a su ni prévenir ni régler. A telle enseigne qu’au mois de janvier 2008, une commission présidée par le nigérian, Adejeji et formé de 13 « sages » diplomates, économistes, juristes et spécialistes dans divers domaines a remis un rapport d’audit accablant sur le fonctionnement de l’organisation de l’UA, les dérives, l’inefficacité et la gabegie de cette organisation au terme de 5 années d’existence (Audit of the African Union, janvier 2008, 274 pages).
L’Afrique restera probablement la proie des crises récurrentes même si l’on décèle quelques signes de progrès et de reformes dans l’ensemble du continent en particulier au sud. Dans nombre de régions, la dégradation de l’environnement risque de s’aggraver, notamment à cause de la pénurie d’eau, de la surexploitation des terres et d’une urbanisation galopante déséquilibrée sans parler des questions de cohabitation entre les différentes composantes ethniques des pays.
En dépit de taux de fertilité élevée alimentant une croissance démographique explosive, l’espérance de vie risque de rester faible en raison de la pauvreté et du déficit des structures sanitaires. La plupart des économies resteront dominés par le secteur primaire et les matières premières demeureront les principales sources d’exportations vers les marchés mondiaux. Si certains Etats sont susceptibles  de connaitre une forte croissance, le continent dans son ensemble va continuer de décliner par rapport a l’Asie et l’Amérique du Sud. La fuite des cerveaux pénalisera la formation d’élites, politiques, économiques et culturelles et amoindrira les chances des pays africains de mettre en œuvre les reformes économiques et politiques nécessaires à leur développement. Dans un certains nombre d’Etats, une mauvaise gouvernance et des conflits ethniques pourront saper l’autorité chancelante de l’Etat et entrainer son éventuelle dissolution. Dans d’autres cas, c’est la façon même dont certains Etats forts exercent le pouvoir qui déclenchera l’instabilité intérieure er les conflits (4).
Le fait que des pans entiers du continent africain risquent de s’enfoncer dans la pauvreté et les conflits ne menacera peut-être pas directement l’équilibre mondial mais aura sans aucun doute des répercussions sur les conditions générales de sécurité (5). La délinquance de certains Etats peut créer des zones de non droit où se multiplient les milices, les organisations criminelles et les organisations terroristes. En matière d’immigration, les tendances devraient rester stables mais pourraient connaitre de soudaines variations et des pics imprévisibles (6). Sur un autre plan, la crédibilité de l’Afrique dans la promotion de la bonne gouvernance et de l’intégration pourrait être gravement remise en cause si les processus de reformes devait échouer dans cette région.  

Pour ne pas conclure

Afin de saisir la chance du développement, l’Afrique devrait s’adapter au nouveau contexte mondial car notre monde dans les années à venir sera vraisemblablement plus interdépendant, plus complexe et plus instable. Il est par conséquent d’autant plus vital que les Etats membres choisissent la voie de la coopération et de l’intégration, qu’ils parviennent à s’exprimer d’une seule voix et tenir le même discours dans les affaires internationales (7). Le débat en cours sur la reforme des politiques et les institutions africaines doit être examiné a la lumière des futurs défis que l’Afrique devra relever, et non uniquement à l’aune des controverses passées. Il ne fait de doute que la gestion d’une union élargie et appelée a s’agrandir d’avantage est complexe et exige un effort intellectuel et un capital politique intenses. Mais les véritables enjeux de prospérité et de stabilité de l’Afrique se situent au delà de ses frontières : ils impliquent le règlement des tensions géopolitique dans les zones avoisinantes et la prise en prise en compte des nouveaux acteurs mondiaux dans la politique et l’économie internationale (8-9). En d’autres termes, le débat sur les reforme de l’Afrique devrait aller de pair avec une réflexion stratégique sur les valeurs internes et le règlement des conflits ethniques qui minent le continent, les intérêts et les objectifs de l’Afrique dans les affaires internationales. En envisagent avec méthode son propre avenir et sa position dans le monde l’Afrique sera mieux armer pour se reformer elle même et aider à forger un monde meilleur et plus sûr.

Amadou Hampâté Bâ est un écrivain et ethnologue malien né à Bandiagara (Mali) en 1901 et mort le 15 mai 1991 à Abidjan (Côte d’Ivoire).
Joseph Ki-Zerbo est un historien et homme politique burkinabè né le 21 juin 1922 à Toma (Haute-Volta, aujourd’hui Burkina Faso) et décédé le 4 décembre 2006 à Ouagadougou.

Sources
(1) Négrologie: Pourquoi l'Afrique meurt Poche – 6 juin 2012  de Stephen Smith 
(2) Aspects de la civilisation africaine Poche – 2000 de Amadou Hampate Ba (Auteur)
(3) Africains, levons-nous ! Poche 23 septembre 2010 de Patrice Lumumba  (Auteur), Jules Ferry  (Auteur), Sékou Touré  (Auteur)
(4) Codes noirs : De l'esclavage aux abolitions Poche – 4 mai 2006de André Castaldo  (Auteur), Christiane Taubira (Préface)
(5) Et si l'Afrique refusait le développement? Broché – 3 mai 2000de Axelle Kabou  (Auteur)
(6) L'aide fatale : Les ravages d'une aide inutile et de nouvelles solutions pour l'Afrique Broché – 16 septembre 2009 de Dambisa Moyo  (Auteur), André Zavriew (Traduction)
(7) Le Temps de l'Afrique Poche – 1 septembre 2011 de Jean-Michel Severino (Auteur), Olivier Ray  (Auteur)
(8) Comprendre l'Actualité Géopolitique et Relations Internationales Broché  17 décembre 2013 de Michel Nazet  (Auteur), Jean-François Segard (Illustrations)
(9) La Mondialisation Nouvelles Dynamiques Géopolitiques et Géoéconomiques Broché 18 juin 2013 de Pierre Dallenne  (Auteur), Frédéric Buchy  (Auteur)

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