En janvier dernier, trois dirigeants
du mouvement anti-esclavagiste mauritanien IRA (Initiative pour la résurgence
du mouvement abolitionniste) ont été condamnés à deux ans de prison pour avoir
participé à une marche de plusieurs jours contre l’esclavage, dans la vallée du
fleuve Sénégal où cette pratique est répandue. Les principaux condamnés, Biram Dah
Abeid, président de l’IRA, et Brahim Ramdhane, son vice-président, ont ensuite
été transférés à Aleg (centre), à 250 km de leur domicile de
Nouakchott, la capitale.
“Ce transfert est illégal”, explique à “La Libre
Belgique” Mariem Cheikh Sombe Dieng, membre du bureau exécutif de l’IRA. “Ils
doivent être détenus près de
la ville où ils ont été jugés,
Rosso, ou à Nouakchott. Leur procès en appel a
pourtant été fixé à Aleg, ce qu’ils
ont refusé. En attendant, ils sont détenus à l’isolement”, explique la militante.
Elle-même a été arrêtée peu après ses camarades,
pour avoir manifesté en faveur de leur libération. Après quatre mois de
préventive – “dans des conditions insalubres puisqu’on n’a pas
accès aux soins malgré de
nombreuses infections, et en subissant
insultes, coups et menaces”– elle a été condamnée à
un an de prison avec sursis pour avoir participé à une manifestation non
autorisée et appartenir à une organisation non reconnue par l’Etat.
La demande de reconnaissance de l’IRA, qui a pignon
sur rue à Nouakchott, n’a en effet jamais reçu de suite. Avec qui est-il en
contact?
“Lors des interrogatoires auxquels j’ai été soumise”, raconte Mariem Cheikh, “j’ai été questionnée surtout sur les contacts internationaux
de Biram”.
Ce dernier a recueilli officiellement 9% des votes lors de la présidentielle de juin 2014, à laquelle il se présentait pour la première fois. “Il n’a pas beaucoup d’argent et représente des esclaves
et anciens esclaves, qui sont pauvres. Alors le pouvoir se demande qui l’aide.”
“En outre, Biram a recueilli les voix de 7000 des 25000 soldats de l’armée mauritanienne”, qui votent à part des civils.
2 à 4% de la population
Biram Dah Abeid, Prix des droits de l’homme 2013 de
l’Onu, a en effet fait connaître à l’extérieur de la Mauritanie cette honteuse
réalité de son pays: la perpétuation de l’esclavage par hérédité (2 à 4% de la
population de 3,4 millions d’habitants) malgré… trois abolitions officielles.
Officiellement criminalisé depuis 2007, l’esclavage est pratiqué sans entrave
par les élites du pays, dans les régions rurales comme dans les quartiers chics
de Nouakchott.
Et les descendants d’esclaves affranchis, reconnaissables
à leur nom, se voient régulièrement refuser des papiers d’identité, ce qui leur
bloque tout accès à l’école, à un emploi formel et au droit de vote.
Diabétique, Biram Dah Abeid a vu sa santé se
dégrader dans la très insalubre prison d’Aleg – sans fenêtres – bien que sa
femme ait emménagé dans la ville pour lui fournir ses médicaments et une
nourriture adaptée à son état.
Des manifestations de soutien y ont lieu
régulièrement, chaque fois réprimées. Des protestations s’organisent aussi à
Nouakchott, mais la police n’y intervient que de temps en temps, explique
Mme Cheikh. “Ils
croient qu’en arrêtant les têtes de l’IRA, tout va se calmer. Mais, bien que
l’esclavage soit si ancien, chez nous, que beaucoup acceptent leur triste sort,
de plus en plus de gens protestent” contre ce crime.
Conclusion : “Ils croient qu’en arrêtant
les têtes de l’IRA, tout va se calmer.”
MARIEM
CHEIKH La militante
anti-esclavagiste a plaidé
à Bruxelles la cause de ses
camarades
MFC/ La Libre Belgique - vendredi 3 juillet 2015
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