‘’Les associations de droits de l’homme peuvent
se constituer partie civile dans les litiges portant sur l’application de la
loi sur l’esclavage mais il faut la reconnaissance officielle de la structure
et cinq années d’exercice’’
Le Calame : Le gouvernement mauritanien vient d’apporter,
pour la seconde fois des modifications à la loi 048-2007 criminalisant
l’esclavage. Quelles appréciations faites-vous de ces nouvelles
dispositions ?
Maître El Id Mohameden M'Bareck : Le
gouvernement mauritanien a adopté, en Conseil des ministres, un nouveau projet
de loi portant abrogation et remplacement de la loi 048/2007 du 3 Septembre
2007 incriminant de l’esclavage et réprimant les pratiques esclavagistes. Ce
nouveau texte introduit, d’une part, plusieurs modifications qui répondent aux
récentes précisions constitutionnelles qui ont érigé l’esclavage en crime
contre l’humanité mais, aussi et d’autre part, de nouvelles définitions,
accordant plus de garanties aux victimes et fondant une nouvelle instance
judiciaire spécialisée pour juger les crimes d’esclavage. Il spécifie,
notamment, un ensemble de crimes assimilés à l’esclavage, répondant, ainsi, aux
obligations du pays vis-à-vis des conventions internationales déjà ratifiées.
- Les associations de lutte contre
l’esclavage n’ont cessé de réclamer, depuis 2007, que la loi leur permette de
se porter partie civile, à l’appui des victimes, devant les tribunaux. Est-ce
désormais acquis avec les nouvelles dispositions ?
- Parmi les nouvelles dispositions
importantes apportées par le projet de loi; figure, en effet, la possibilité,
pour les associations de droits de l’homme, de se constituer partie civile dans
les litiges portant sur l’application de ladite loi. Mais cette disposition est
soumise à plusieurs conditions : la reconnaissance officielle de la
structure et cinq années d’exercice ; des conditions qui ne sont pas
toujours faciles à réunir, notamment celle relative à l’autorisation préalable
du gouvernement.
- La Mauritanie dispose d’un important
arsenal juridique pour éradiquer l’esclavage et/ou ses séquelles, ce qui n’a
empêché les associations de défense des droits de l’homme, comme la vôtre,
d’exhiber, régulièrement, des cas avérés d’esclavage. Alors, où se situe le
problème ? Les nouvelles dispositions vont-elles enfin dissuader les
esclavagistes et pousser les magistrats à dire le droit ?
- Cette question pose la problématique de
l’effectivité des lois nationales, en matière de lutte contre l’esclavage.
L’attitude des autorités a été toujours axée sur la ratification des
conventions internationales et l’adoption de lois mais, en réalité, tous ces
textes sont restés lettres mortes, faute d’application effective. Quatre faits
dénoncent cette situation.
En un, le traitement des dossiers d'esclavage,
devant les juridictions, rencontre beaucoup de difficultés : une seule
condamnation a été prononcée, de deux ans inférieure à la peine minimale (cinq
ans) prévue par la loi 048/2007. En deux, tous les accusés jouissent, à ce
jour, de la liberté provisoire. L'emprisonnement des esclavagistes ne pose donc
plus problème, ils bénéficieront de la liberté provisoire. En trois, la
programmation des dossiers, pour être jugés, pose, elle, un sérieux problème
car le Parquet refuse de programmer les dossiers d'esclavage. Et, enfin, aucune
victime n’a encore touché la moindre indemnisation.
Propos recueillis par Sneiba
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