Le foncier reste
un des domaines les plus complexes en Mauritanie et les nombreuses affaires
soumises aux autorités compétentes n’ont pas fait l’objet d’un examen
approfondi et approprié. Cela est volontairement entretenu par les autorités
mauritaniennes qui, dès l’adoption des lois relatives aux réformes foncières
ont exclu la compétence des tribunaux aux termes de l’article 7 de l’ordonnance
83.127du 5 juin 1983. Ainsi, les litiges fonciers sont du ressort des autorités
déconcentrées de l’Etat qui font souvent le jeu des féodalités en raison de
fortes connivences qui existent entre elles. Les évènements de Tachot semblent
confirmer cette tendance.
« Au diable
les marginalisés »
La marginalisation
des couches défavorisées constituent le jeu favori des autorités mauritaniennes
et des féodalités. Au mépris des lois de la République, cette forme d’exclusion
ne fait pas l’objet des sanctions appropriées. Le conflit foncier opposant les
familles Camara et Sidibé apparait comme une manifestation concrète de
l’inapplication de la loi et de la connivence qui existe entre le système et
les féodalités. Ainsi, les autorités administratives se sont rangées, sans
autre forme de procès du coté de la famille Camara. Sans pour autant prendre le
temps d’approfondir la question, lesdites autorités ont expédié cette affaire
comme une lettre à la poste. Cette attitude reflète le mépris de l’Etat et des
féodalités vis-à-vis des personnes marginalisées. Or, juridiquement, aucune
raison ne justifie le fait de priver une personne de l’accès à la terre.
D’ailleurs, officiellement l’ordonnance 83.127du 5 juin 1983 portant
réorganisation foncière et domaniale, s’inscrit dans cette perspective.
La tenure
traditionnelle de la terre favorable aux familles régnantes (féodale) avait été
abolie dans le texte de l’ordonnance. Elle prévoit, en plus de la
nationalisation de la terre pour permettre à tout citoyen d’en profiter, que
celle-ci appartient à celui qui la met en valeur. Or, dans le cas d’espèce les
autorités administratives de Guidimakha ont écarté la loi pour se contenter de
maintenir leur clientèle politique. Ainsi cette disposition n’a pas été prise
en compte.
S’il existe une
divergence autour de la date exacte du début d’exploitation des terres en
question pour les deux familles (1968-1988), il ne fait aucun doute sur le fait
que la famille SIDIBE en était l’exploitant principal. Les propos de M. CAMARA
confortent cette information qui confirme le prêt de la terre par sa famille.
Ce qui pourrait constituer une pratique de métayage. Or, si on prend en compte
les dispositions de l’ordonnance précitée, cette pratique est interdite car
elle favorise le maintien des personnes victimes de la marginalisation de leur
situation et n’encourage pas leur accès effectif à la propriété. Ce système
dissimule des pratiques esclavagistes auxquelles se livrent des familles
prétendues respectueuses des droits de l’homme. En effet, celles-ci ne sont
prêtes à dénoncer les injustices que quand c’est les autres qui les commettent
alors qu’elles se livrent à la pire forme d’exploitation et d’exclusion.
Une prise de
conscience progressive
Les personnes
victimes de cette exclusion ont compris que pour s’affranchir de la tutelle des
familles féodales, il fallait que leur accès effectif à la propriété ne fasse
l’objet d’aucune entrave. Ainsi, après avoir alterné entre médiation et
révolte, elles ont décidé de monter au créneau pour dénoncer leurs conditions
aidées en cela avec des militants qui ont compris que toutes les formes
d’injustices doivent être combattues. N’en déplaise à ceux qui ont la phobie de
dénoncer les pratiques de type féodal. Le conflit foncier de Tachot n’est que
la partie visible de l’iceberg. Il existe d’autres conflits qui couvent et qui
risquent d’éclater à tout moment si les responsables ne prennent pas les
mesures qui s’imposent.
Ces familles
marginalisées doivent se rapprocher des organisations de la société civile pour
se faire accompagner dans les conflits fonciers. Car l’Etat et son
administration se sont montrés particulièrement inefficace. Cette prise de
conscience qui a déjà commencé par la rupture avec le silence permettra à
toutes les victimes de trouver un écho à leurs voix. Même si le chemin est
parsemé d’embûches, les choses ont sensiblement bougé ces derniers temps et il
ne s’agit là que de la première étape d’une longue série de revendications pour
l’instauration de la justice dans son sens le plus large.
La rédaction du
flere.fr
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