Texte
déposé
Le Conseil
fédéral est prié de répondre aux questions suivantes:
1. Quelle
est la politique bilatérale de la Suisse à l'égard de la Mauritanie?
2. Vu la
situation particulièrement dramatique dans ce pays, le Conseil fédéral
compte-il instaurer un dialogue continu sur les droits de l'homme avec la
Mauritanie, comme il le fait avec le Sénégal voisin?
3. Le
gouvernement suisse peut-il créer un mécanisme de protestation officielle de
notre ambassade à Dakar lorsque des membres d'IRA sont arbitrairement jetés en
prison, comme c'est le cas pour d'autres Etats occidentaux?
4. Quelles
sont les actions de notre Mission à Genève sur la Mauritanie dans le cadre des
mécanismes des droits humains de l'ONU?
Développement
La
Mauritanie a été conquise par les Arabo-berbères durant le premier millénaire.
Cette minorité a depuis instauré un code réduisant en esclavage la majorité
noire de la population. Les Haratines (une ethnie d'origine noire africaine)
représentent plus de 50 pour cent de la population de Mauritanie. Or, 30 pour
cent de cette ethnie est affranchie mais toujours discriminée: il lui est
impossible d'accéder aux postes à responsabilités ni de côtoyer la minorité
berbère - une situation comparable à l'apartheid qui divisait l'Afrique du sud.
Les 20 pour
cent restants sont des esclaves qui n'ont aucun droit - ce qui fait de la
Mauritanie le pays comportant les plus fort taux d'esclavage au monde, 500 000
à 600 000 personnes. Ces sans-droits travaillent sans salaire, n'ont pas de
documents d'identité ni accès à l'éducation ou aux organes de santé publique.
Leur destin est codifié dans la loi négrière mauritanienne: ils sont vendables
et achetables comme un bien de consommation.
Fondée en
2008 pour protester contre la poursuite de l'esclavage, le Mouvement pour la
résurgence du Mouvement abolitionniste en Mauritanie IRA est une organisation
non violente luttant depuis trente ans pour abolir la traite d'êtres humains et
réinsérer les anciens esclaves dans la société mauritanienne. L'organisation
IRA-Mauritanie n'est pas reconnue par les autorités mauritaniennes, ses membres
sont jetés en prison et son fondateur, Biram Dah Abeid, se trouve sous le coup
de chefs d'inculpation passibles de la peine de mort malgré le fait qu'il ait
reçu de prestigieux prix des droits de l'homme.
Réponse du Conseil fédéral du 14.08.2013
1. Les
relations bilatérales entre la Suisse et la Mauritanie existent depuis 1961 et
peuvent être qualifiées de bonnes, mais peu intenses. Notre pays n'a pas de
représentation permanente à Nouakchott, les relations bilatérales relèvent des
attributions de notre représentation à Dakar. La Suisse a suivi le processus de
transition politique en Mauritanie et a participé en 2007 à des commissions
d'observation des élections. Malgré un accord bilatéral de commerce, de
promotion et protection des investissements et de coopération économique et
technique, les relations commerciales et économiques entre nos deux États sont
peu développées. La Mauritanie n'est pas un pays prioritaire de la coopération
suisse au développement. Par ailleurs, la Suisse ne reçoit que peu de demandes
d'asile provenant de Mauritanie. Ce pays est toutefois un acteur de premier
plan dans le contexte de la crise du Mali (pays avec lequel elle partage plus
de 2000 kilomètres de frontière) et dans le cadre de la grave instabilité au
Sahel. Ainsi, les trafiquants d'êtres humains, de drogue et d'armes, de même
que les groupes djihadistes qui sévissent dans cette région constituent une
menace pour la sécurité intérieure de la Mauritanie.
2. Depuis le
début des années 1990, les dialogues sur les droits de l'homme représentent
pour la Suisse un instrument de politique extérieure important. Ceux-ci se
déroulent tant au niveau des diplomates que des experts et des équipes de
projet. Les dialogues ne s'instaurent qu'au terme d'un examen approfondi de la
situation sur place. Il est indispensable pour tout dialogue sur les droits de
l'homme que ce dialogue repose sur l'intérêt manifesté par le partenaire et que
les deux parties manifestent la volonté de mener une réflexion critique et
constructive sur la situation des droits de l'homme sur leur territoire. En
outre, la mise en œuvre de cet instrument nécessite des ressources financières
et des effectifs de personnel, ainsi qu'une représentation permanente sur
place, ce qui n'est pas le cas en Mauritanie. Le nombre de pays avec lesquels
la Suisse cultive ce type de dialogue est limité: en Afrique, il ne s'agit que
du Sénégal et du Nigeria. La Suisse préfère développer les dialogues existants,
plutôt que de les multiplier.
3. La Suisse
dispose de toute une série d'instruments de politique extérieure, dont elle
fait souvent usage. Ainsi, en cas de graves violations des droits de l'homme,
elle peut envisager d'entamer des démarches, de systématiquement aborder ces
questions lors des consultations politiques, de lancer des initiatives
diplomatiques ou encore d'évoquer les sujets concernés devant le Conseil des
droits de l'homme des Nations Unies, dans le cadre de l'Examen périodique
universel (EPU). L'ambassade de Suisse à Dakar suit attentivement la situation
des droits de l'homme en Mauritanie et en informe la centrale. Elle accorde une
attention toute particulière à l'Agence nationale de la lutte contre les
séquelles de l'esclavage, nouvellement créée, et évalue constamment les
possibilités d'intervention concrète.
4. Lors du
premier EPU dont la Mauritanie a fait l'objet en 2010, la Suisse a entre autres
critiqué la torture (recommandation 90.35) et l'esclavage (recommandation
90.45) dans ce pays et a recommandé l'indemnisation complète des victimes de
l'esclavage et la poursuite juridique des auteurs. La Mauritanie a accepté
cette recommandation. Pour le DFAE, le suivi des recommandations aux niveaux
bilatéral et multilatéral est fondamental. Il est donc essentiel de discuter de
sa concrétisation lors de rencontres bilatérales avec des représentants de cet État et, le cas échéant, de revenir sur cette question lors du deuxième EPU de
la Mauritanie, en 2015.
Conseil prioritaire
Conseil
national
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