«L’ambassadeur a
affirmé que si cela ne dépendait que de lui, la carte de séjour ne serait pas
exigée comme document nécessaire dans le cadre de l’enrôlement».
L’Organisation des travailleurs
mauritaniens de France (OTMF) ainsi que des membres de la diaspora
mauritanienne en Europe ont porté, ce mercredi 4 septembre, la contestation
contre un recensement inique jusque dans les locaux de l’ambassade de
Mauritanie en France. A quoi cela a-t-il servi ? Qu’envisagez désormais
d’entreprendre les Mauritaniens de la diaspora pour se faire entendre ?
Pour avoir des réponses, Taqadoumy a décidé d’interroger Mariame Kane l’une de
figures de proue de la contestation.
Taqadoumy : Alors finalement vous avez occupé
l'Ambassade de Mauritanie en France?
Mariame Kane : Oui, mais nous
savions bien que pénétrer dans les locaux de notre Ambassade à Paris pour
porter la contestation jusque sous le nez et les yeux de l’Ambassadeur, n’était
pas chose facile d’autant plus que la police française monte la garde pendant
les heures d’ouverture. Mais nous n'avons pas baissé les bras devant leur
présence, notre détermination à aller jusqu’au bout de nos revendications
restent une conviction juste et logique. Nous sommes Mauritaniens et nous le
resterons pour toujours. Tous unis et solidaires, nous avons réussi à rentrer
dans les locaux qui abritent l’Ambassade de Mauritanie : notre Ambassade, notre
pays. Et ce n'est que le commencement. Nous ne pouvons pas accepter et
n'accepterons jamais que l’enrôlement soit lié à la présentation de la carte de
séjour qui est un document français et non mauritanien.
Taqadoumy : Cette intrusion dans l'Ambassade
a-t-elle servi à quelque chose ? En d'autres termes est-ce que l'Ambassadeur a
décidé d'assouplir les conditions de recensement ?
M.K : Je crois que cette
intrusion comme vous dites, a servi du point de vue de la sensibilisation et de
la mobilisation. La preuve patente est le fait que des Mauritaniens présents
dans l’Ambassade mais qui n’avaient jamais protesté contre l’enrôlement, aient
compris le sens de notre protestation, ont bien voulu rejoindre nos rangs.
S’agissant maintenant de
l’Ambassadeur, je dirais qu’il a toujours fui ses responsabilités. Lors de
notre dernière rencontre qui remonte au 22 mai dernier, il a affirmé qu'il
avait les mains liées, qu'il n'avait aucun pouvoir eu égard des conditions
d’enrôlement. Il a également affirmé que si cela ne dépendait que de lui, la
carte de séjour ne serait pas exigée comme document nécessaire dans le cadre de
l’enrôlement. Et depuis lors, il ne nous a plus contactés ce qui montre son
incapacité en tant que représentant de la Mauritanie et des Mauritaniens de
gérer ce problème lié à la dignité des Mauritaniens en France et en Europe. Les
conditions n’ont pas changées. Nous, de notre côté, nous avons décidé d’agir à
notre manière et par des moyens légaux.
Notre «intrusion» - qui n’est
réellement pas une intrusion, étant donné que l’Ambassade de Mauritanie est un
territoire mauritanien - revêt un second aspect « positif » : elle permet de
faire comprendre à nos autorités, à l’opinion nationale et internationale que
cet enrôlement est bel et bien un génocide biométrique contre bon nombre de
mauritaniens. Ces mauritaniens sont déterminés à combattre par tous les moyens
légaux pour réclamer leurs droits. Vous comprenez bien que l’exigence d’une
carte de séjour établie par les autorités françaises pour justifier de la
véracité des pièces d’identités mauritaniennes, est illogique, selon les
conventions internationales que la Mauritanie et la France ont ratifiées.
L’Ambassade de Mauritanie est une portion du territoire mauritanien en France,
pourquoi devons-nous présenter un papier étranger pour être enrôler ? Mais dans
quel pays sommes-nous ? La souveraineté de notre propre pays est vraiment
remise en question dans ce contexte.
Taqadoumy : Alors qu'envisagiez-vous d'entreprendre
maintenant pour vous faire entendre ?
M.K : Nous
allons continuer à faire entendre nos voix et donc maintenir la pression. En
d’autres termes, nous allons continuer à tenir des sit-in hebdomadaires et
organiser une manifestation tous les mois. Ces actions nous permettent de
rester mobiliser et de garder le contact avec toute la Diaspora mauritanienne
où qu’elle se trouve, et de sensibiliser la communauté nationale et
internationale de la situation dans laquelle nous nous retrouvons. Nous sommes
très soudés et restons positifs. Nous, Mauritaniens de France, faisons appel à
tous nos compatriotes et sympathisants soucieux de la paix sociale dans notre
pays, de nous rejoindre pour faire face à ce système déterminé à nous exclure
du fichier national. A terme, cet enrôlement fera de nous des apatrides si nous
restons passifs.
Propos recueillis par SC
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