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jeudi 22 mai 2014

Arrêté lors de la répression de la marche des rapatriés: Samba Abdoulaye Bâ raconte son séjour à la brigade mixte



Samba Abdoulaye Bâ est une des trois personnes arrêtées, suite à la dispersion de la marche des rapatriés au Carrefour Madrid. Rapatrié lui-même, sur le site Gourel Fally, près de Kankossa, (Assaba), ce jeune préside la Coordination des Elèves et Etudiants Rapatriés (CEER) qui regroupe près de quarante membres. Il a rendu visite à notre rédaction, pour rapporter ce qu’il a vécu, lors son arrestation, à l’accueil des rapatriés, et son bref séjour à la brigade mixte.
Sur les circonstances de son arrestation, Samba Bâ raconte que la police lui reprochait d’avoir aidé à séparer les marcheurs et ceux venus les accueillir. « Quand la fumée des grenades s’est un peu dissipée, j’ai participé, avec d’autres, à soustraire les vieux, les femmes et les jeunes marcheurs, de la grande masse, pour éviter qu’ils se perdent. Plusieurs d’entre eux ne connaissent pas la ville et nous les avons regroupés, un peu loin du carrefour, vers l’aéroport. La police est alors venue nous ordonner de quitter les lieux, avant de lancer des grenades sur le vieux Ousmane Diouldé Dia qui accomplissait la prière du Maghreb. Connaissant la foi du vieux, je savais qu’il n’allait, pour rien au monde, arrêter sa prière, nous avons essayé de le protéger des grenades qui pleuvaient de partout. Devant cet acte méprisable, j’ai imploré Allah en criant : « Allahou Akbar ! » Un des gendarmes m’a intimé l’ordre de me taire, j’ai refusé, alors, un autre m’a saisi le doigt et l’a plié, fort, avant de me retourner les bras derrière le dos et de me faire monter dans la voiture, avec les autres, sans oublier de nous administrer quelques coups de matraque, et d’arracher ma cape où était inscrite une revendication relative aux papiers d’état-civil pour les rapatriés. Nous étions couchés dans la voiture, un des gendarmes a posé ses rangers sur mon dos. »

Accusation infondée

Après cette interpellation musclée, Ousmane Diouldé Dia, Ousmane Dia et Samba Bâ sont conduits à la brigade mixte. « Lors de mon interrogatoire, un gendarme dit m’avoir vu jeter des pierres sur les forces de l’ordre, ce qui est archi-faux. Après avoir vidé le sac que je portais et qui contenait les copies des devoirs de mes élèves, une liste d’œuvres d’auteurs mauritaniens dont « L’exilé de Goumel », de feu Tène Youssouf Guèye, ce qui m’a valu une autre accusation, celle d’inciter les élèves à la violence, les gendarmes m’ont demandé quels rapports j’entretenais avec Samba Thiam, le président des FLAM, Kane Hamidou Baba, président du MPR, N’Diaye, le président de l’Union Nationale des Rapatriés Mauritaniens du Sénégal (UNRMS), si je venais de Boghé ou de Nouakchott… J’ai eu l’impression que j’étais, probablement, sur écoute depuis quelques temps, parce qu’à tout bout de champ, on me disait : « tu as parlé à tel et à tel, à tel et tel moment, etc. » Dans mes réponses, j’ai fait observer que, oui, bien sûr, je devais connaître N’Diaye, dans la mesure où je fus, comme lui, victime de la déportation, en 1989 ; avant de m’étonner : « pourquoi ne me demandez-vous pas si je connaissais Ould Maouloud ou Ould Hanana, mauritaniens comme moi, venus à la rencontre des rapatriés ? », ce qui n’a pas manqué d’irriter mon interlocuteur qui me traitait, systématiquement, de « haywan » [animal]. J’ai constaté que l’interrogatoire était rapporté à une autre personne au téléphone […] ».

Humiliations

« Après l’interrogatoire », continue le président du CEER, « on nous a demandé, à Ousmane Bâ et moi, de nous déshabiller – on a gardé quand même nos caleçons – avant de nous enfermer dans une cellule sans natte ni matelas. On nous a refusé jusqu’à la permission des besoins naturels. Cette situation a duré deux jours. Nous avons été relaxés, grâce, nous a-t-on dit, au vieux Ousmane Diouldé. On nous a alors priés de ramasser nos bagages mais je n’ai retrouvé ni mes copies, ni la liste de mes œuvres et, quand j’ai posé la question, on m’a répondu de revenir le lendemain pour les récupérer, ce que, naturellement, je n’ai pas fait. Jusqu’à présent, je continue à me demander pourquoi notre garde à vue à la brigade mixte est restée cachée ». Coïncidence ou volonté d’amalgame ? « A la brigade mixte, nous avons été mêlés à quatre jeunes maliens, arrêtés suite à une affaire de vol d’ânes », signale le président du CEER. Pour rappel, la police avait déclaré avoir arrêté « quelques étrangers qui s’étaient mêlés à la foule pour casser les véhicules au carrefour Madrid ».

DL

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