Suite à son homélie pour la prière du vendredi, 24 octobre 2014,
au cours de laquelle il désignait, à la vindicte publique, l’Initiative pour la
résurgence du mouvement abolitionniste en Mauritanie (Ira), le Mufti de la
République Islamique de Mauritanie, Ahmedou Lemrabott Habibou Rahmane, que
l’Etat rétribue pour ses diatribes antisémites, christophobes et racistes, a pu
obtenir l’assentiment du chef de l’Etat et du gouvernement
mauritaniens car ses appels à sévir encore davantage, contre l’ong des droits
de l’Homme, la plus représentative sur le plan national et la plus primée de la
sous-région, bénéficient ainsi d’un début d’exécution, par les services de
sécurité.
Contexte
L’on se souvient, dès la fin du prêche excommunicateur et
vindicatif du Mufti, suivi de la réplique par des fidèles, membres ou
sympathisants d’Ira, la police politique mauritanienne enclenche, une vague
d’arrestations au sein des milieux Hratin et noirs, favorables à la cause des esclaves
et anciens esclaves. Successivement, l’imam Brahim Jiddou, le pharmacien
Alioune Abbass Sow, mais aussi Baba Traoré, Yacoub Inalla et Saloum Vall, sont
arrêtés dans la soirée du 24 octobre et inculpés, le surlendemain, par le
ministère public et le juge d’instruction de divers chefs dont
« perturbation de la prière, incitation à la haine, à la rébellion et,
pour Yacoub Inalla, agression contre force de l’ordre. »
Les média mauritaniens, dont la majorité écrasante, est acquise au
système de domination, ont magnifié
l’attitude du mufti et même nettoyé les versions sonores de son homélie, pour
en extraire le contenu délictueux ; parallèlement, ils diabolisaient Ira
et ses militants auxquels ils imputaient, comme d’habitude, des actes et propos
d’une virulence et d’une agressivité caricaturales, notamment envers la
religion. Dans la même lancée, des éditorialistes et des écrivains
arabo-berbères, demandèrent, aux autorités, de réprimer sévèrement IRA,
d’éradiquer le cancer qu’elle représente
dans le pays et la société. Il est à présent constant qu’aux yeux embués de
la minorité maure au pouvoir, toute contestation de l’ordre de caste et des
privilèges de naissance relève d’une sédition contre l’Islam. A ce titre, elle
appelle la coercition.
Développements
Le jeudi 30 octobre 2014, le nouveau ministre des affaires
islamiques de Mauritanie, accordait son soutien, officiel au mufti de la grande
mosquée de Nouakchott ; et, comme d’usage de la part d’un pouvoir qui
tient deux langages officiels, l’un en direction du monde libre, le second à
destination des segments réactionnaires de l’opinion, le texte parut, seulement
en Arabe, y compris sur le site de l’Agence mauritanienne d’information
(Ami : http://www.ami.mr/index.php?page=Depeche&id_depeche=363
Le lien a disparu, depuis. Il en subsiste une version édulcorée,
sur le domaine Alakhbar, proche des islamistes : http://alakhbar.info/news/6560-2014-10-30-23-51-31.html
Le ministre Ahmed Ehel Daoud, défenseur de la légalité de
l’esclavage en Islam, est aussi l’auteur d’une fatwa exigeant la pendaison de
Biram Dah Abeid, le Président de l’Ira et de ses amis, quant ils avaient brûlé,
de manière volontaire et symbolique en 2012, les codes d’esclavage et de traite
des noirs, considérés source de Charia, par les milieux conservateurs. Ces
livres, enseignés encore dans les écoles coraniques, les écoles
professionnelles de magistrats, administrateurs et officiers de police
judiciaire, rivalisent de détails sur les façons « licites » (Ja’iz)
d’abuser du corps de sa propre esclave, de la vendre, de la châtier ou d’en
partager la progéniture, au titre de l’héritage, ou de castrer un bel homme de
statut esclave, pour prévenir tout contact sexuel avec les femmes de
« bien-nées ».
Le lendemain, vendredi 31 octobre 2014, le Mufti, ainsi revigoré,
consacre son prêche à son vieux contentieux avec les abolitionnistes, membres
d’IRA-Mauritanie ; il dira, d’emblée, que le ministre des affaires islamiques,
lui a transmis le soutien personnel du chef de l’Etat Mohamed Ould Abdel Aziz
(sic) ; ce dernier et son gouvernement réitèrent leur ferme engagement à
protéger ce qui relève du sacré dans la société( sacré ici désigne tous les
fondement de l’apartheid arabo-berbère en vigueur en Mauritanie) ; il
ajoute que le chef de l’Etat et son gouvernement partagent les préoccupations
des militants de l’émancipation et vont
aider à résoudre les problèmes posés ; en dépit de la seule concession de
son prône, le Mufti évite, soigneusement, de citer les mots « esclavage,
racisme, discrimination, droits humains, injustice »… Apparemment édifié par sa première expérience
du 24 octobre, il qualifia d’ « indécent », le discours des
abolitionnistes mais demanda, à ses disciples les plus zélés, de s’abstenir de
répondre par la violence, car rassura-t-il, « le ministre m’a assuré que
la police va s’occuper de ces activistes dés qu’ils prennent la parole ou
sortent de la mosquée, ce qui est préférable », ajouta t-t-il.
L’escalade
Cependant, à la fin de la prière, Sabbar Houssein, un membre
d’Ira, présent parmi les fidèles, exprima, haut et fort, sa réprobation des
propos du Mufti, relative à l’omission de l’esclavage, du racisme et d’autres
formes d’injustices qui gangrènent la société et l’Etat,
mauritaniens ; l’orateur fustigea
aussi les appels répétés du Mufti à la mise à mort des militants
anti-esclavagistes, à partir de sa chaire de premier imam du pays ; Sabbar
Houssein dénonça l’exploitation, des dizaines de familles esclaves, dans les
propriétés foncières de cet imam, situées aux environs de Lexeiba, région du
Trarza, deux cent kilomètres à peu près,
au sud de Nouakchott, la capitale.
Tout de suite après, des éléments de la police politique, en
civil, se jetèrent sur Sabbar Houssein mais les fidèles, parmi la communauté
Hratin, le défendirent ; devant le risque de confrontation généralisée, les policiers reculent et
s’éclipsent ; le lendemain, Sabbar Houssein disparait brusquement après avoir reçu un appel, sois disant de la
sœur d’un ami, membre d’IRA, qui se trouve en prison ; elle disait avoir
besoin de Sabbar Houssein, d’urgence ; il sort pour aller à sa
rencontre ; après trois jours de recherche, ses camarades le découvrent, incarcéré dans le commissariat de la police
judicaire, quartier résidentiel de de Tevragh Zeina, à Nouakchott.
La stupeur d’Ira va s’accentuer lorsqu’au cours de la nuit de
dimanche à lundi 03 novembre 2014, trois
autres sympathisants s’avèrent introuvables ; le 31 octobre, ils prenaient
le chemin, en début d’après-midi, de la mosquée dite des Chourafa (nobles, en
Français), près du grand marché de Nouakchott ; l’imam de cet oratoire, Mohamed Abdellahi
ould El Hacen, est connu pour ses appels au meurtre répétés, dans les
médias et sur son perchoir, contre les
gens d’Ira-Mauritanie, en particulier Biram Dah Abeid. Au cour de son prêche,
l’imam Ould El Hacen s’en est pris violemment à l’Ong IRA ; des sympathisants
témoins de la scène par exemple Werzeg Meyloud, lui
répliquèrent, qu’IRA et ses membres sont loin des qualificatifs qu’il leur
prête; dès leur sortie du lieu de culte, les policiers en civils les
interpellent, discrètement et les conduisent dans un lieu secret ;
recoupements faits, il s’agit des locaux de police du quatrième arrondissement,
à Nouakchott. Le lundi 03 novembre 2014,
le ministère public mauritanien inculpe les détenus des chefs suivant :
perturbation de la prière, incitation à la haine, rébellion contre l’autorité.
Sabbar Houssein, membre avéré d’IRA est déposé en prison à Nouakchott, alors
que les autres sont libérés mais placés sous contrôle judiciaire ; avec
l’emprisonnement de Sabbar Houssein, le nombre des détenus d’opinion membres
d’IRA-Mauritanie, incarcérés dans les geôles mauritaniennes, s’élève à six
personnes
Enseignements
Voici les faits vérifiés, à ce jour. Ils instruisent,
suffisamment, sur la privatisation de la religion par le pouvoir d’Etat et le
bloc conservateur, aux fins d’étouffer toute remise en cause du statuquo et de perpétuer les privilèges de
naissance ; au-delà des justifications idéologiques, se reproduit, ici,
une entreprise, rodée, de pillage des ressources publiques, par des coteries
ethniquement homogènes et solidaires, sur l’essentiel, malgré l’atomisation des
intérêts tribaux. L’islam officiel constitue le dernier rempart de cette
hégémonie, face à la montée des demandes d’égalité, d’équité et d’éthique.
Ce faisant, Mohamed Ould Abdel Aziz, Président de la république et
champion auto-proclamé de la lutte contre le terrorisme, favorise et renforce
l’influence des segments tribaux esclavagistes et obscurantistes, connectés à
l’internationale wahabo-salafiste ; cette tendance s’affirme au sein de la communauté arabo-berbère où les tentations
du repli sur soi et de la xénophobie s’imposent, de jour en jour et couvrent
les quelques voix progressistes. L’exemple de la libération de jihadistes
« repentis », qui rejoignent les groupes armés du Sahel dès leur
sortie de détention sans procès, rappelle les rapports dangereux que Ould Abdel
Aziz entretient, avec la mouvance ; il en coûtera à la stabilité de la
Mauritanie. Aujourd’hui, les deux camps affichent leur unité, que soude une
identique hostilité aux forces du changement non-violent mais une telle
association recèle, le germe d’une prise de pouvoir par la fraction la plus
obscurantiste, porteuse du projet de Bokoharam et de l’Etat islamique en Irak
et Syrie.
Le constat s’adresse aux mauritaniens soucieux d’éviter, à leur
pays, le basculement dans la barbarie obscurantiste ; il interpelle,
autant, sinon plus encore, les compatriotes noirs, victimes historiques et
désignées des manipulations de la religion, à des fins d’impunité et de
supériorité raciale. Enfin, les partenaires stratégiques, s’il leur reste une
once de discernement, prendront le temps, de méditer la pertinence de leur
engagement, dans cette Mauritanie-ci.
Nouakchott, le 04 novembre 2014
Biram Dah ABEID
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