Répression des
anti-esclavagistes
Mauritanie
Le principal imam aurait appelé à l’élimination d’un dirigeant politique noir.
Le
Mauritanien Biram Dah Abeid, 49 ans, a reçu en 2013 le prix de l’Onu pour les
droits de l’homme – comme Nelson Mandela avant lui. Ce prix couronnait son travail
pour les droits des Noirs de Mauritanie, esclaves – oui, il y a toujours des
esclaves! – ou hommes libres traités en citoyens de seconde catégorie par la
minorité ethnique araboberbère, qui constitue l’écrasante majorité de
l’élite du pays. Descendant d’esclaves et candidat indépendant à la présidence
cette année, Biram Dah Abeid est de nouveau à la “Une” de l’actualité
mauritanienne avec son organisation Initiative pour la résurgence du
mouvement abolitionniste (IRA).
Prêche
Le 23
octobre, M. Abeid avait donné à Nouakchott, la capitale du pays pour
diffuser une déclaration des élus et ONG de Chicago (États Unis) appelant la
communauté internationale à mettre fin à l’impunité de l’esclavage en
Mauritanie. Le lendemain, le mufti(autorite religieuse) de la Grande mosquee de
Nouakchott, Ahmedou Habibou Rahmane – qui serait selon IRA, le propriétaire de
“dizaines de familles esclaves” – lors de la prière du vendredi, s’en est pris
à l’IRA et à son président, qualifiés d’“impies”, d’“apostats”, d’être “à la
solde du sionisme”, réclamant la répression du mouvement abolitionniste et
encourageant la mise à mort de ses membres, selon M. Abeid. Parmi les
ouailles se tenait un militant de l’IRA, Brahim Ould Jiddou – luimême imam –
qui se dressa et cria au mufti, raconte Biram Dah Abeid: “Tu mens, c’est toi
l’impie, c’est toi l’esclavagiste, le criminel!”. Le mufti ordonne alors à
ses proches disciples – “tous arabo-berbères”, indique M. Abeid– de châtier
son contradicteur. Mais les Haratines (descendants d’esclaves, noirs) de
l’assemblée s’interposent et une bagarre générale éclate. La police y mit fin
en évacuant la Grande mosquée mais, le soir même, trois membres de l’IRA
furent arrêtés par la direction de la Sûreté de l’État, dont Brahim Ould
Jiddou, le contradicteur du mufti. Selon M. Abeid, ils ont subi des
interrogatoires sur les liens entre l’IRA et la classe politique et ONG noires
américaines.
Il est “licite”
de castrer son esclave
[La version locale de la charia est toujours
enseignée [...]. Elle explique les façons “licites” d’abuser de son esclave, de
la vendre.]
Un “sitin”
pacifique de l’IRA devant le commissariat où étaient incarcérés ses membres fut
dispersé le 25 à coups de bâtons et bombes lacrymo gènes et deux autres
abolitionnistes arrêtés. Tous sont inculpés: “perturbation de la prière”,
“incitation à la haine” et “à la rébellion”. Le 30 octobre, le ministre des
Affaires islamiques, Ahmed Ehel Daoud, accordait son soutien au mufti de la
Grande mosquée. Ce ministre est lui même, selon l’IRA, un défenseur de la
version mauritanienne de la charia, selon laquelle l’esclavage fait partie de
l’islam.
Cette
version “est toujours enseignée dans les écoles coraniques, dans les écoles de
magistrats, d’administrateurs et d’officiers de police judiciaire”, auxquels
elle explique “les façons “licites” d’abuser de son esclave, de la vendre, de
la châtier, d’en partager les enfants” ou “de castrer” un esclave homme
“pour prévenir tout contact sexuel avec les femmes bien nées”, dit M. Abeid.
Le mufti
de la Grande mosquée a indiqué lors de son prêche du vendredi 31 octobre que
le ministre Daoud lui avait transmis le soutien personnel du président Aziz.
Une nouvelle fois, un activiste de l’IRA présent, Sabbar Houssein, dénonça les
appels répétés du mufti à la mise à mort des abolitionnistes et la persistance
de l’esclavage, notamment dans les propriétés foncières du mufti. Des
policiers ont alors tenté de l’arrêter, mais des fidèles Haratines les en ont
empêchés. Sabbar Houssein a été arrêté le 1 er novembre et trois autres
militants le 2, à leur sortie de la mosquée des Nobles, où ils avaient, eux
aussi, répliqué à une violente diatribe de l’imam du lieu contre l’IRA.
MFC, La
Libre Belgique
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