A
son Excellence M. Mohamed Ould Abdoul Aziz, Président de la République
Islamique de Mauritanie,
Monsieur
le Président de la République,
Nous
avions souhaité vous rencontrer lors de votre récent séjour aux Etats-Unis pour
partager avec vous le contenu de ce document, mais son excellence l’ambassadeur
Mohamed Lemine EL Haycen nous a signifié que votre calendrier ne le permettait
pas. Faute de cette opportunité, nous avons alors décidé de vous transmettre ce
document par le biais de l’ambassadeur.
A
travers ce document, les Mauritaniens des Etats-Unis tiennent à vous rappeler
certains des nombreux problèmes auxquels notre pays en général, et la diaspora
mauritanienne aux Etats-Unis en particulier, sont confrontés.
Ces
problèmes sont si nombreux et si aigus que nous demeurons convaincus qu’il
faudra une réflexion profonde et une consultation large pour les résoudre. Mais
nous espérons que ce document serve de rampe de lancement pour des actions
suivies de votre part, avec notre soutien, pour résoudre, de manière
définitive, les problèmes auxquels notre cher pays est confronté. Certes ces
problèmes sont nombreux mais nous pensons qu’ils peuvent être tous rattachés à
un seul et même cordon ombilical: la nécessité d’instaurer un Etat de justice,
garant de toutes les libertés, et amorceur d’une égalité d’opportunités pour
tous.
La
Mauritanie a été et demeura toujours ce trait-d’ union géographique et culturel
entre l’Afrique du Nord et l’Afrique Noire. Nous pensons que ce statut de
trait-d’ union, loin d’être un frein à l’unité nationale, est un atout que
nous, Mauritaniens et Mauritaniennes de toutes les souches sociales et de
toutes les ethnies et tribus, devons utiliser pour poser les véritables jalons
d’une véritable unité nationale et bâtir ainsi les fondements d’une prospérité
équitable et au bénéfice de tous.
Nous
pensons que l’amour que nous vouons pour ce pays n’est ni inférieur ni
supérieur à l’amour que vous vouez pour ce même pays. Ce pays est notre patrie,
au sens romain du terme (Terre des Pères). De ce fait, nous osons penser que
vous pourrez user de votre statut de Président de ce pays, avec les acteurs de
tout bord et tous les citoyens de ce pays, pour identifier les problèmes réels
et amorcer un processus réel de leur résolution.
De
la même manière que nous sommes tous unis par notre foi, nous pensons que
l’amour que nous avons pour ce pays peut nous servir de pont pour traverser le
fleuve d’incertitude et d’inquiétude. Nous n’avons pas choisi de naître en
Mauritanie et notre départ de notre cher pays n’est pas à mettre à l’actif de
nos désirs d’aventures, mais plutôt à l’actif de l’échec de l’Etat mauritanien.
Nous avons quitté notre pays à cause des conditions qui nous ont été imposées
par les régimes successifs au pouvoir. Malgré la distance, nous restons
profondément attachés à notre pays auquel nous contribuons au développement
culturel, social, économique et démocratique.
Malheureusement
les conditions qui nous ont contraints à l’exil continuent à persister à cause
d’un manque de volonté politique de les résoudre. Pire, ces conditions se
détériorent d’avantage avec le recensement discriminatoire contre les
populations noires et l’utilisation progressive de notre richesse linguistique
comme arme de discrimination et d’élimination de certains pans culturels de
notre pays, compromettant ainsi la confiance qui avait commencé à s’établir
timidement après les douloureux événements des années 80.
En
tant Mauritaniens résidants aux Etats-Unis, nous représentons une des diasporas
mauritaniennes les plus dynamiques dans le monde, et notre contribution au
développement économique de notre pays est visible à travers les villes et
villages de notre pays. Il faudra déplorer cependant que cette contribution
économique au développement de notre pays soit bafouée quotidiennement par les
vexations que nous vivons, non pas du fait de notre pays d’accueil, mais plutôt
du fait des agissements de notre pays d’origine. Il est important de noter que
nous vivons au quotidien les problèmes auxquels sont confrontées les
populations au pays et pour lesquels nous nous battons. Il suffit de regarder
pour constater que notre cher pays est au bord du gouffre, gouffre que nous
sommes convaincus que nous pouvons éviter si nous nous attelons immédiatement
aux taches qui nous attendent.
Considérant
cet document comme le point de départ d’un dialogue franc pour une solution
réelle et durable de ces problèmes, nous ne managerons aucun effort pour
apporter la contribution qui est la nôtre pour faire éclore une Mauritanie
ancrée sur des bases solides de Justice, d’Egalite et de Paix pour tous.
Nous
pensons que les filles et fils de la Mauritanie sont prêts à vous assister et à
vous soutenir dans ce combat pour l’instauration d’un dialogue national serein
qui, au bout du compte, débouchera sur la résolution permanente des nombreux
problèmes de notre pays. Nous énumérons ici quelques-uns:
I.
Niveau National
1.
L’organisation d’une conférence nationale pour discuter de la question de la
cohabitation à travers des concertations franches et dans la transparence la
plus absolue;
2.
L’application, dans toute sa rigueur, de la loi de 2007 abolissant l’esclavage,
l’adoption de mesures socio-économiques pour venir en aide aux victimes de ce
fléau, la cessation de la persécution, et la libération des abolitionnistes;
3.
Nous dénonçons de vive voix l’injustice qui touche les Mauritaniens rapatriés
du Sénégal. En effet, le problème des rapatriés demeure complet; les promesses
faites n’ont pas été tenues et par conséquent, des milliers de Mauritaniens et
de Mauritaniennes continuent d’être victimes de l’Etat mauritanien. Ils
n’arrivent ni à retrouver leurs biens, ni à recouvrer leur identité, et leur
dignité est quotidiennement bafouée. L’exigence que ces populations fournissent
la preuve d’un recensement qui a eu lieu alors que ces Mauritaniens et
Mauritaniennes croupissaient dans des camps de réfugiés au Sénégal défie toute
logique et défie le minimum de sens commun. Nous dénonçons les récentes
violences contre la marche paisible des refugies demandant le rétablissement de
leurs droits, demeurent une préoccupation majeure;
4.
La question de la double nationalité demeure un autre goulot d’étranglement. En
effet, des milliers de Mauritaniens et de Mauritaniennes dont l’exil est causé
par l’Etat mauritanien, sont aujourd’hui pénalisés et sont menacés de perdre
leur nationalité mauritanienne parce qu’ils ont pris la nationalité des pays
qui les ont accueillis au moment où leur propre pays les a rejeté ;
5.
Le système éducatif demeure ethniquement sélectif, met à l’écart une frange
importe de notre pays, sacrifie des générations entières, et perpétue le
système d’exclusion en place ;
6.
L’imposition récente de l’arabe dans les communications des forces armées
mauritaniennes d’un jour au lendemain sape les bases de notre unité et montre
une volonté manifeste d’instaurer un système de favoritisme sanctionné par l’Etat;
7.
Le récent état de siège imposé aux populations noires du village de Niabina par
des populations beydanes et les autorités locales et largement relayé par les
medias locaux est une preuve de plus que notre pays est un apartheid déguisé en
Etat ; un apartheid où les instruments de répression de l’Etat sont mis à la
disposition d’une frange de notre société pour réprimer toutes les autres ;
8.
Le règlement de la question du génocide des années 80 pour faire toute la
lumière sur les crimes commis. La Justice doit être garantie par l’Etat et la
réconciliation est un droit des victimes. Les criminels doivent répondre de
leurs actes et les droits des victimes ou ayants droits respectés ;
9.
Le refus systématique du gouvernement à reconnaître des milliers de réfugiés
mauritaniens sur le territoire malien est une aberration ; ces populations sont
victimes des mêmes évènements ayant conduits des milliers de Mauritaniens et de
Mauritaniennes au Sénégal ;
10.
L’état doit mettre fin à l’expropriation des terres et rétablir les droits de
ceux qui en ont été victimes;
11.
Nous dénonçons de manière ferme les opérations de recensement actuelles qui
sont de nature discriminatoire. Force est de constater que les populations
noires sont confrontées à des obstacles difficilement surmontables pour se
recenser. Nous considérons que c’est un droit fondamental pour tout Mauritanien
et toute Mauritanienne de se recenser. Il est du devoir du gouvernement de
faire de ce processus simple et accessible à tous, sans aucune forme de discrimination;
12.
Nous demandons au gouvernement mauritanien à prendre les mesures nécessaires
pour protéger les défenseurs des droits de l’homme contre des groupes religieux
extrémistes qui s’attaquent à eux. Nous sommes indignés par le silence du
gouvernement face aux menaces de mort proférées contre M. Mohamed Ould Mkhaitir
et sa longue détention préventive, et Mme Aminetou Mint Moctar, la militante
des droits de l’homme qui lui a courageusement apporté son soutien.
II.
Au Niveau des Etats-Unis
1.
Pour adéquatement servir la diaspora mauritanienne et créer une dynamique
réelle pour la promotion de l’entreprenariat au sein de la communauté, nous
recommandons vivement que l’ambassade mette en place un programme social,
économique et culturel, ouvert à toutes les Mauritaniennes et a tous les
Mauritaniens, de nature à répondre effectivement à ce besoin ;
2.
Pour ce qui est du recensement, nous demandons à ce qu’il soit transparent et
équitablement accessible à tous sans aucune forme de discrimination. Egalement,
en plus des directives officielles pour prévenir les confusions et assurer la
transparence, nous demandons l’ouverture de centres de vote et d’inscription
sur les listes électorales dans les localités avec de fortes concentrations de
Mauritaniens. En conséquence tout recensement juste et transparent doit
nécessairement tenir compte des points suivants:
A.
Un préavis raisonnable pour permettre à tous les citoyens de se préparer.
B.
Assurer un maximum de transparence du processus d’enrôlement en communiquant
dans les medias la liste officielle des documents requis.
C.
Tenir en compte le fait que des milliers de citoyens se soient vu retirés leurs
documents d’identité avant leur déportation.
D.
L’élimination de l’exigence de fournir la preuve d’un recensement qui a eu lieu
alors que ces Mauritaniens et Mauritaniennes vivaient en exil.
E.
Les opérations doivent s’étendre sur une longue période afin de pouvoir couvrir
tout le territoire.
F.
Rendre l’enrôlement accessible en ouvrant des centres d’enrôlement dans des
localités à fortes concentration de Mauritaniens.
G.
Faciliter le système de documentation et assurer un recensement uniquement basé
sur les documents officiels dûment émis par les autorités mauritaniennes.
H.
L’élimination de la corrélation entre le recensement des parents et celui des
adultes de plus de 18 ans.
I.
Exclure l’exigence de documents émis par les autorités américaines pour
s’enrôler.
La
communauté mauritanienne aux Etats-Unis souhaite que ce document serve de
référence pour amorcer ce dialogue tant attendu.
Vous
remerciant pour l’intérêt que vous porterez à ce document, nous vous prions
d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de nos
sentiments très respectueux.
US-Mauritanian Diaspora
NB :
Une copie de cette lettre a été transmise au Président mauritanien par le biais
de l’ambassadeur de la Mauritanie à Washington.
US-Mauritanian Diaspora 16 Octobre, 2014
105 Rogers Avenue # 2; Brooklyn, New York 11216
Contact Bakary Tandia
Phone: (347) 393-3056 or (347) 683-4204
Email: bektange@aol.com
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