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mercredi 4 septembre 2013

Interview / Mariame Kane : «Nous allons continuer à faire entendre nos voix»



«L’ambassadeur a affirmé que si cela ne dépendait que de lui, la carte de séjour ne serait pas exigée comme document nécessaire dans le cadre de l’enrôlement».

L’Organisation des travailleurs mauritaniens de France (OTMF) ainsi que des membres de la diaspora mauritanienne en Europe ont porté, ce mercredi 4 septembre, la contestation contre un recensement inique jusque dans les locaux de l’ambassade de Mauritanie en France. A quoi cela a-t-il servi ? Qu’envisagez désormais d’entreprendre les Mauritaniens de la diaspora pour se faire entendre ? Pour avoir des réponses, Taqadoumy a décidé d’interroger Mariame Kane l’une de figures de proue de la contestation. 

Taqadoumy : Alors finalement vous avez occupé l'Ambassade de Mauritanie en France? 

Mariame Kane : Oui, mais nous savions bien que pénétrer dans les locaux de notre Ambassade à Paris pour porter la contestation jusque sous le nez et les yeux de l’Ambassadeur, n’était pas chose facile d’autant plus que la police française monte la garde pendant les heures d’ouverture. Mais nous n'avons pas baissé les bras devant leur présence, notre détermination à aller jusqu’au bout de nos revendications restent une conviction juste et logique. Nous sommes Mauritaniens et nous le resterons pour toujours. Tous unis et solidaires, nous avons réussi à rentrer dans les locaux qui abritent l’Ambassade de Mauritanie : notre Ambassade, notre pays. Et ce n'est que le commencement. Nous ne pouvons pas accepter et n'accepterons jamais que l’enrôlement soit lié à la présentation de la carte de séjour qui est un document français et non mauritanien.

Taqadoumy : Cette intrusion dans l'Ambassade a-t-elle servi à quelque chose ? En d'autres termes est-ce que l'Ambassadeur a décidé d'assouplir les conditions de recensement ? 

M.K : Je crois que cette intrusion comme vous dites, a servi du point de vue de la sensibilisation et de la mobilisation. La preuve patente est le fait que des Mauritaniens présents dans l’Ambassade mais qui n’avaient jamais protesté contre l’enrôlement, aient compris le sens de notre protestation, ont bien voulu rejoindre nos rangs.
S’agissant maintenant de l’Ambassadeur, je dirais qu’il a toujours fui ses responsabilités. Lors de notre dernière rencontre qui remonte au 22 mai dernier, il a affirmé qu'il avait les mains liées, qu'il n'avait aucun pouvoir eu égard des conditions d’enrôlement. Il a également affirmé que si cela ne dépendait que de lui, la carte de séjour ne serait pas exigée comme document nécessaire dans le cadre de l’enrôlement. Et depuis lors, il ne nous a plus contactés ce qui montre son incapacité en tant que représentant de la Mauritanie et des Mauritaniens de gérer ce problème lié à la dignité des Mauritaniens en France et en Europe. Les conditions n’ont pas changées. Nous, de notre côté, nous avons décidé d’agir à notre manière et par des moyens légaux.
Notre «intrusion» - qui n’est réellement pas une intrusion, étant donné que l’Ambassade de Mauritanie est un territoire mauritanien - revêt un second aspect « positif » : elle permet de faire comprendre à nos autorités, à l’opinion nationale et internationale que cet enrôlement est bel et bien un génocide biométrique contre bon nombre de mauritaniens. Ces mauritaniens sont déterminés à combattre par tous les moyens légaux pour réclamer leurs droits. Vous comprenez bien que l’exigence d’une carte de séjour établie par les autorités françaises pour justifier de la véracité des pièces d’identités mauritaniennes, est illogique, selon les conventions internationales que la Mauritanie et la France ont ratifiées. L’Ambassade de Mauritanie est une portion du territoire mauritanien en France, pourquoi devons-nous présenter un papier étranger pour être enrôler ? Mais dans quel pays sommes-nous ? La souveraineté de notre propre pays est vraiment remise en question dans ce contexte.

Taqadoumy : Alors qu'envisagiez-vous d'entreprendre maintenant pour vous faire entendre ?
M.K : Nous allons continuer à faire entendre nos voix et donc maintenir la pression. En d’autres termes, nous allons continuer à tenir des sit-in hebdomadaires et organiser une manifestation tous les mois. Ces actions nous permettent de rester mobiliser et de garder le contact avec toute la Diaspora mauritanienne où qu’elle se trouve, et de sensibiliser la communauté nationale et internationale de la situation dans laquelle nous nous retrouvons. Nous sommes très soudés et restons positifs. Nous, Mauritaniens de France, faisons appel à tous nos compatriotes et sympathisants soucieux de la paix sociale dans notre pays, de nous rejoindre pour faire face à ce système déterminé à nous exclure du fichier national. A terme, cet enrôlement fera de nous des apatrides si nous restons passifs.
Propos recueillis par SC

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