Paris-Genève, le 27 août 2015 – La Cour
d’appel d’Aleg a confirmé une peine de deux ans de prison à l’encontre des
militants anti-esclavagistes MM. Biram Dah Abeid, Brahim Bilal Ramadane et
Djiby Sow pour « rébellion » et « manquement à l’autorité
publique ». Ils avaient été arrêtés en novembre 2014 pour avoir mené une
campagne dénonçant l’esclavage foncier dans le sud du pays, et condamnés en
janvier 2015. La confirmation de ce verdict démontre que les libertés
fondamentales des défenseurs des droits humains sont bafouées et témoigne du
manque patent d’indépendance du système judiciaire en Mauritanie, a déclaré
aujourd’hui l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de
l’Homme.
Le 20 août 2015, s’est tenu à Aleg le procès
en appel de figures éminentes du mouvement pour l’abolition de l’esclavage en
Mauritanie, MM. Biram Dah Abeid,
Brahim Bilal Ramadane et Djiby Sow, respectivement
président et vice-président de l’Initiative pour la Résurgence de
l’Abolitionnisme (IRA) et président de l’ONG Kawtal Ngam Yellitaare (Kawtal).
M. Dah Abeid est lauréat du Prix des Droits de l’Homme des Nations unies
en 2013 et a été nominé pour recevoir le Prix Nobel de la Paix 2015. En janvier
2015, ils avaient été condamnés à deux ans de prison par la Cour
Correctionnelle de Rosso pour « appartenance à une organisation non
reconnue » et « rassemblement non autorisé ».
La peine a été confirmée hier, alors que le
collectif des avocats constitués en leur faveur et présidé par Me Brahim Ould
Ebetty, avait annoncé qu’il boycotterait le procès. M. Ould Ebetty a
expliqué que ses clients auraient dû être jugés par la Cour d’appel de
Nouackchott, mais que le procureur avait obtenu son dessaisissement en faveur
de la Cour d’appel d’Aleg sans motif valable. Selon lui, le but de cette
manipulation était d’isoler les militants de leurs soutiens et de minimiser la
visibilité du procès.
« Comment le gouvernement
mauritanien peut-il à la fois encourager le durcissement de la loi contre
l’esclavage, considéré depuis le 13 août 2015 comme un crime contre l’humanité,
et arrêter et traduire en justice des militants pacifiques
anti-esclavagistes ? Nos organisations condamnent fermement cette décision
de la justice mauritanienne qui revêt un caractère éminemment politique et
laisse présager l’absence de volonté politique de mettre en œuvre la nouvelle
loi »,a déclaré Karim Lahidji, président de la FIDH.
Le Parlement mauritanien a en effet adopté le
13 août dernier un nouveau cadre juridique contre l’esclavage qui inclut dix
nouvelles formes d’esclavage, durcit les sanctions à l’encontre d’auteurs de
pratiques esclavagistes et met en place des juridictions spécialisées
compétentes pour juger les crimes d’esclavages. Avant l’approbation de cet
amendement, la loi qui était en vigueur depuis 2007 définissait de façon
restrictive l’esclavage, considéré uniquement comme une « privation de
liberté » ou un « travail sans salaire ».
Le 7 novembre 2014, les trois militants
avaient participé au lancement d’une caravane, à l’initiative de plusieurs
associations de défense des droits humain, dont l’IRA et Kawtal.Cette caravane
devait sillonner le pays afin de dénoncer l’esclavage foncier dont sont
victimes les membres de la communauté Haratine et les expropriations des
populations noires de la vallée du fleuve Sénégal. Un total de neuf militants
avaient alors été arrêtés. MM. Bilal Ramadane et Dah Abeid, qui souffre de
problèmes de santé, sont actuellement en détention, alors que Djiby Sow
bénéficie d’une liberté provisoire pour raisons médicales.
« Le jugement condamnant à
deux ans de prison les trois militants anti-esclavagistes est un exemple du
harcèlement, y compris judiciaire, dont souffrent les défenseurs des droits
humains et la société civile en Mauritanie. Le pouvoir se trompe de
cible : ce sont les esclavagistes qu’il faut poursuivre et punir et non
pas les activistes abolitionnistes ! », a ajouté
Gerald Staberock, secrétaire général de l’OMCT.
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