sauvegarde de personnes risquant la mort par
une discrimination inacceptable
v i v e r e
Avant propos :
Vivere avait mandaté Mike Hoffman de se
rendre auprès des camarades détenus à Aleg, de soutenir l'IRA dans cette
épreuve, notamment lors de l'audience en Cour d'Appel, de joindre nos efforts à
ceux des associations mauritaniennes mobilisées contre l'esclavage et contre la
répression des militants. Cette mission avait le soutien d'Agir Ensemble pour
les Droits de l'Homme; par ailleurs son contenu avait été porté à la
connaissance de la représentation Mauritanienne à Genève.
A peine descendu de l'avion arrivant à
Nouakchott le 17 août et avant toute formalité habituelle aux frontières, Mike
a immédiatement été placé en détention; le coup était manifestement prévu bien
avant son arrivée. Le motif de son arrestation variait d'une heure à l'autre,
plusieurs versions lui ont été données. Le droit de visite d'un avocat lui a
été refusé, de même le droit à l'assistance consulaire. Sous contrainte, manu
militari, il a été expulsé de Mauritanie le 19 août. Dans l'entretemps
d'incessants efforts par nos amies et amis de l'IRA, de l'AMDH, de l'AFCF, et
de SOS-Esclaves ont été déployés à tous les niveaux des administrations
concernées par cette détention abusive. Dans les hautes sphères policières les
réponses étaient contradictoires, confuses, ou dilatoires. Au cours d'un
interrogatoire un fonctionnaire de la Sureté a reproché à Vivere d'être ''tout
simplement indésirable en Mauritanie'', là est sans doute la réponse la plus
sincère.
Vivere confie à ses partenaires le texte
prévu pour la conférence de presse commune, et nous les remercions vivement de
bien vouloir en faire part aux médias.
"La prison est une tribune contre l'esclavage. Nous y sommes allés
comme en voyage de noces" déclarait Biram en janvier dernier.
1 Arrestation, condamnation,
incarcération des militants antiesclavagistes.
15 janvier 2015 à Rosso, MM. Biram Dah Abeid,
président de l'association Initiative de Résurgence du mouvement
Abolitionniste (IRA),
Brahim Ramdam, vice-président, et Djiby Sow , président de l'Ong Kawtal, sont
condamnés à deux ans de prison ferme pour « appartenance à une
organisation non autorisée ( pour les deux de IRA), et invitation à la
révolte ». Ils avaient été arrêtés alors que la caravane à laquelle ils
participaient, contre l'esclavage et l'accaparement des terres, allait entrer
dans Rosso. Ils avaient déposé une demande d'autorisation.
Ils sont aussitôt incarcérés à Aleg : pourquoi
cette ville du désert , loin de Nouakchott et de Rosso ?
Ils interjettent appel ..qui aurait du être
jugé à Nouakchott mais la justice décide qu'il le sera à Alleg.
Procès en appel le 20 août 2015
Biram Ould Abeid a précédemment été condamné
et incarcéré à plusieurs reprises.
Il a reçu en 2013 le prix des Nations Unies
pour les Droits de l'Homme.
2 Abolition de l'esclavage
L'existence de l'esclavage a été reconnue
d'abord par le colonisateur français puis, à plusieurs reprises , par la
REPUBLIUE ISLAMIQUE DE MAURITANIE qui l'a plusieurs fois aboli sans pour autant
agir contre sa persistance.
Alors que les premières abolitions , la
première en 1981, ne prévoyaient pas de conséquences pénales pour les
coupables, la loi du 30 septembre 2007
incrimine enfin l'esclavage, preuve qu'il existait toujours, et décide des
peines de prison pour les auteurs, pouvant aller jusqu'à 10 ans fermes.
En 2012 la nouvelle constitution l'interdit. L'article
13 vaut la peine d'être cité « Nul ne peut être réduit en esclavage ou à
toute forme d'asservissement de l'être humain, ni soumis à la torture ou autre
traitements cruels, dégradants ou
inhumains...ces pratiques constituent des crimes contre l'Humanité et
sont punis comme tels par la loi ». On ne saurait mieux dire !
Malgré cette bonne loi et malgré
l'introduction de la condamnation de l'esclavage dans la constitution ,
l'esclavage a persisté, personne n'a été puni, personne n'a été jugé pour délit
d'esclavage...et IRA se voit toujours refuser l'autorisation légale de
fonctionner !
La Mauritanie demeure un pays esclavagiste,
un des rares pays où cette pratique survit.
Selon la fondation australienne Walk Free, 4%
des Mauritaniens seraient encore réduits en esclavage.
Pourquoi la loi est-elle restée sans
effet ? Parce que le régime issu du Coup d'Etat a refusé de l'appliquer..
La raison profonde est sans doute, comme le disait Boubacar Messaoud dans une
interview qu'il nous accordait en 2011, « la solidarité de corps entre
descendants de maîtres d'esclaves face à la menace de l'égalité »
L'existence l'esclavage est attestée
notamment par la rapporteuse spéciale de l'ONU sur les formes contemporaines
d'esclavage, Madame Gulnara Shaminian, qui a effectué deux missions en
Mauritanie, en 2010 et en 2O14. A l'issue de chacune de ces missions, elle a confirmé
l’existence de l'esclavage et a fait des recommandations au gouvernement.
Jusqu'en 2014, ces recommandations n'ont eu
aucun effet. Enfin, après quatre ans de silence, le gouvernement a publié le 6
mars 2014 une « feuille de route » qui envisageait des compensations
financières pour les anciens esclaves, la création d'une agence qui financerait
des microprojets pour les victimes, et la création d'un tribunal spécial pour
juger des crimes d’esclavage.
Il faut dire que Mohammed Ould Abdel Aziz
venait d'être élu président de l'Union Africaine : son image était ternie
par la honte de esclavage, il fallait faire quelque chose : on a donc fait
cette « feuille de route ».
Pourtant depuis mars 2014, rien n'a été mis
en œuvre . Le « tournant dans la lutte contre l'esclavage en
Mauritanie » que Madame Shalinian avait cru voir dans ladite feuille de
route, restait invisible sur le terrain. Aucun signe ne permettait de croire à la
volonté affirmée qui restait, selon le mot de Biram, de « la poudre aux
yeux »
3° Situation présente.
Voilà que le 14 août, six jours seulement avant
le procès en appel de nos amis et trois mois avant l'examen périodique auquel
la Mauritanie est soumise devant le Conseil des Droits de l'Homme, survient un
coup de théâtre : le parlement vote une nouvelle loi, meilleure que toutes les précédentes. Confirmant
que l’esclavage est un cime contre l'Humanité, elle le déclare imprescriptible,
elle assimile à l'esclavage d'autres pratiques contraires aux droits
élémentaires telles que le mariage forcé, elle double les peines encourues par
les coupables qui pourront atteindre 20 ans de prison ferme.
Mieux encore, pour la première fois, elle
donne satisfaction à une revendication essentielle des Ongs mauritaniennes en
lutte contre l'esclavage : elles pourront désormais se constituer partie
civile.
Nous , militants de droits de l'Homme, ne
pouvons qu'applaudir .
Nous voyons dans cette loi le résultat des
luttes menées depuis des dizaines d'années par les militants esclavagistes,
ceux de El Hor, ceux de SOS -Esclaves, ceux de IRA. Sans leurs efforts
incessants, sans leur détermination, sans le prix qu'ils ont accepté de payer,
jamais le gouvernement n'aurait fait voter ne telle loi.
Cela dit, maîtrisons notre satisfaction et
restons circonspects, voire quelque peu sceptiques. Cette loi est bonne et va
plus loin que les précédentes, mais avons-nous pour autant la certitude que la
volonté politique ayant fait défaut jusqu’ici est maintenant présente ?
Seuls les faits convaincront.
Nous attendons la première inculpation d'un
esclavagiste, nous attendons la première condamnation d'un esclavagiste, nous
attendons que la première constitution de partie civile d'une Ong soit
acceptée.
Vigilants,
nous attendons, et comme le disait Biram à sa sortie de prison en
février 2011 alors que l'IRA venait de dénoncer un nouveau cas d’esclavage
concernant cette fois une fillette de dix ans: « Nous ne baisserons jamais les bras
tant que l’esclavage existe ».
Et dans l'immédiat nous attendons
l'acquittement et la libération de nos camarades.
Au moment où le parlement vote une loi d'une
telle rigueur pour éradiquer l'esclavage, comment la justice pourrait-elle
maintenir en prison ceux qui depuis des années combattent ce crime
imprescriptible ?
La libération de ces militants ne serait pas
seulement une décision juste et cohérente, ce serait un acte de salut
public : en tout état de cause, la société mauritanienne a besoin de ces
militants pour que la loi trouve une totale application et que la Mauritanie
puisse avancer sur la voie de la démocratie.
Vivere
août 2015
Vivere 7, av. d'Yverdon C.H.1004
Lausanne contact@vivere.ch www.vivere.ch CCP 17 – 709 738 – 6
Prix des droits
de l’homme de la République française, mention spéciale, 2007 membre de la FEDEVACO
association à
but non lucratif régie par les articles 60 et suivants du code civil suisse,
politiquement et confessionnellement indépendante
|
reconnue
d’utilité publique
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