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samedi 8 novembre 2014

Journal la libre Belgique: Mauritanie: Répression des anti-esclavagistes





Répression des anti-esclavagistes

Mauritanie Le principal imam aurait appelé à l’élimination d’un dirigeant politique noir.
Le Mauritanien Biram Dah Abeid, 49 ans, a reçu en 2013 le prix de l’Onu pour les droits de l’homme – comme Nelson Mandela avant lui. Ce prix couronnait son tra­vail pour les droits des Noirs de Mau­ritanie, esclaves – oui, il y a toujours des esclaves! – ou hommes libres traités en citoyens de seconde catégorie par la minorité ethnique arabo­ber­bère, qui constitue l’écrasante majo­rité de l’élite du pays. Descendant d’esclaves et candidat indépendant à la présidence cette an­née, Biram Dah Abeid est de nouveau à la “Une” de l’actualité mauritanienne avec son organisation Ini­tiative pour la résur­gence du mouvement abolitionniste (IRA).

Prêche

Le 23 octobre, M. Abeid avait donné à Nouakchott, la capitale du pays pour diffuser une déclaration des élus et ONG de Chicago (États Unis) appelant la communauté internationale à mettre  fin à l’impunité de l’esclavage en Mauritanie. Le lendemain, le mufti(autorite religieuse) de la Grande mosquee de Nouakchott, Ahmedou Habibou Rahmane – qui serait selon IRA, le propriétaire de “dizai­nes de familles esclaves” – lors de la prière du vendredi, s’en est pris à l’IRA et à son président, qualifiés d’“impies”, d’“apostats”, d’être “à la solde du sio­nisme”, réclamant la répression du mouvement abolitionniste et encou­rageant la mise à mort de ses mem­bres, selon M. Abeid. Parmi les ouailles se tenait un mili­tant de l’IRA, Brahim Ould Jiddou – lui­même imam – qui se dressa et cria au mufti, raconte Biram Dah Abeid: “Tu mens, c’est toi l’impie, c’est toi l’es­clavagiste, le criminel!”. Le mufti or­donne alors à ses proches disciples – “tous arabo-­berbères”, indique M. Abeid– de châtier son contradic­teur. Mais les Haratines (descendants d’esclaves, noirs) de l’assemblée s’in­terposent et une bagarre générale éclate. La police y mit fin en évacuant la Grande mosquée mais, le soir­ même, trois membres de l’IRA furent arrêtés par la direction de la Sûreté de l’État, dont Brahim Ould Jiddou, le contradicteur du mufti. Selon M. Abeid, ils ont subi des interrogatoi­res sur les liens entre l’IRA et la classe politique et ONG noires américaines.

Il est “licite” de castrer son esclave

[La version locale de la charia est toujours enseignée [...]. Elle explique les façons “licites” d’abuser de son esclave, de la vendre.]
Un “sit­in” pacifique de l’IRA devant le commissariat où étaient incarcérés ses membres fut dispersé le 25 à coups de bâtons et bombes lacrymo­ gènes et deux autres abolitionnistes arrêtés. Tous sont inculpés: “perturba­tion de la prière”, “incitation à la haine” et “à la rébellion”. Le 30 octobre, le ministre des Affai­res islamiques, Ahmed Ehel Daoud, accordait son soutien au mufti de la Grande mosquée. Ce ministre est lui­ même, selon l’IRA, un défenseur de la version maurita­nienne de la charia, selon laquelle l’esclavage fait partie de l’islam.
Cette version “est tou­jours enseignée dans les écoles coraniques, dans les écoles de magistrats, d’administrateurs et d’officiers de police judiciaire”, auxquels elle explique “les façons “li­cites” d’abuser de son es­clave, de la vendre, de la châtier, d’en partager les enfants” ou “de castrer”  un esclave homme “pour prévenir tout con­tact sexuel avec les fem­mes bien nées”, dit M. Abeid.
Le mufti de la Grande mosquée a indiqué lors de son prêche du ven­dredi 31 octobre que le ministre Daoud lui avait transmis le soutien personnel du président Aziz. Une nouvelle fois, un activiste de l’IRA présent, Sabbar Houssein, dé­nonça les appels répétés du mufti à la mise à mort des abolitionnistes et la persistance de l’esclavage, notam­ment dans les propriétés foncières du mufti. Des policiers ont alors tenté de l’arrêter, mais des fidèles Haratines les en ont empêchés.  Sabbar Houssein a été arrêté le 1 er novembre et trois autres militants le 2, à leur sortie de la mosquée des Nobles, où ils avaient, eux aussi, répli­qué à une violente diatribe de l’imam du lieu contre l’IRA.

MFC, La Libre Belgique

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