Initiative
pour la Résurgence du mouvement Abolitionniste
Les menaces du Général ne bloqueront pas la roue de la lutte
pacifique
Nous avons
suivi avec stupeur et consternation le discours prononcé par Mohamed Ould Abdel
Aziz, à l’occasion de son investiture, suite à une élection frauduleuse
caractérisée par toutes les formes de violations dont l’utilisation des deniers
publics, l’achat de consciences, l’implication abusive de l’administration, la
caporalisation de l’armée, l’instrumentalisation de la tribu, le bourrage des
urnes et la mise en scène d’une CENI sans âme.
Notre
participation aux élections, dont nous avons rejeté les résultats pour les
raisons citées ci-haut, à travers l’appui de la candidature à la Magistrature
suprême du président du mouvement abolitionniste (IRA), Biram Dah Abeid, Prix
des Nations Unies, fait de nous l’acteur et le témoin le mieux indiqué pour
évaluer le discours d’investiture du Président. C’est pourquoi, il est de notre
devoir de présenter une somme de réactions tirées de nos observations sur cette
allocution.
Notre
constat est que le Président est demeuré hélas fidèle à ses vieilles habitudes
d’homme rompu aux allégations vindicatives et aux phrases vaseuses, dépourvues
de sens, d’objectifs et de perspectives. En effet, son insistance sur ce qu’il
prétend être les réalisations de son premier quinquennat, n’est en fait qu’un
alibi grandiloquent et une fuite en avant consistant à continuer sur la voie,
qu’il s’est lui-même tracée, sur la base desdits acquis réalisés sur un terrain
n’existant nulle part que dans son imaginaire.
Aussi,
rappelons-nous, à l’opinion publique nationale, que ce quinquennat s’est caractérisé
par un étouffement cinglant des libertés et un piétinement sans précédent des
dignités et des lois. Durant tout ce mandat, le Général n’a jamais raté
l’occasion d’opposer une fin de non recevoir à son devoir de traiter par le
droit et l’équité les questions nationales. Il a fait obstacle à l’arrestation
et au jugement des
esclavagistes ainsi que la poursuite des génocidaires et autres responsables
des crimes durant les années de braise, auxquels il garantit l’impunité absolue.
IRA a connu, au cours de ce dernier lustre, des
arrestations, tortures et autres parodies de justice, suite à sa dénonciation
sans compromis de l’esclavage et des racismes domestique et d’Etat, notamment
lorsqu’elle incinéra symboliquement et héroïquement des livres du code noir dont
usent les négriers arabo-berbères ; et ce pour dénoncer leur utilisation
comme référentiels pour la légitimation et la légalisation de l’esclavage.
Jamais la réaction du Général
– dans l’injonction aux tortionnaires pour réprimer et séquestrer les militants
et libérer de facto les criminels à qui l’État assurait protection et aide à travers la dissimilation
des traces de leurs forfaitures – ne s’est faite attendre.
Le Général Mohamed Ould Abdel Aziz s’obstine toujours à refuser la
reconnaissance du mouvement IRA. Cependant, il suscita çà et là la
reconnaissance d’organisations fantomatiques pour les dissidents d’IRA et
autres flagorneurs du système. Par la même occasion, il s’est opposé également
à l’octroi d’un récépissé au parti RAG, tandis qu’il en attribuait des dizaines
à des partis à la solde du système de renseignement.
Des centaines de dossiers de pratiques
d’esclavage présentés par IRA et SOS – Esclaves dorment encore dans les tiroirs
de la justice, à cause des injonctions du Général pour que les juridictions nationales ne convoquent guère
les esclavagistes par souci, prétend-il, de préserver l’unité et la cohésion
sociales, comme si l’une et l’autre sont intrinsèquement liées à la nécessité
de perpétuation des pratiques esclavagistes. Est-ce que c’est cela la politique que Ould Badel Aziz promet
de poursuivre au cours des
cinq prochaines années ?
Un autre extrait du discours du Président ne pouvait passer sans
que nous y réagissions. Le Président
Ould Abdel Aziz a évoqué timidement et sans conviction, la diversité culturelle
en se targuant que les Mauritaniens
ont toujours vécu dans la tolérance, la symbiose et l’entraide. Ici, une
question se pose cependant et à juste titre : Comment la diversité et la
tolérance peuvent-elles être considérées, tel que le prétend le Président, comme des valeurs
sociétales irréfutablement ancrées et de façon profonde en Mauritanie alors que
l’on maintient encore les esclaves dans la servitude totale ? Ainsi les jeunes filles
esclaves sont soumises au viol au nom du droit de cuissage et leurs
congénères mâles à la castration, tel le cas de Bouta (esclave de la famille de
Mohamed Vall Ould Youssef
qui voyage continuellement depuis un certain temps pour prendre part aux
différents forums internationaux afin de nier l’existence de l’esclavage dans
le pays). A rappeler que Bouta vit encore en tant qu’esclave castré à Rosso et
dans la maison d’un laudateur attitré et proche de Ould Abdel Aziz.
Le Président se targue des prétendues réalisations en matière
d’éradication des « séquelles de l’esclavage » sans qu’il
n’avance cependant un seul exemple, et ce à l’heure où il persévère toujours
dans la dénégation et le déni de ce fléau, parlant à tort de séquelles au lieu
d’esclavage. Or la mise sur pied
d’un tribunal ayant en charge les dossiers de l’esclavage est un aveu d’échec de la politique
d’autruche et de la langue de
bois auxquelles il semble être rompu. C’est pourquoi, et face à la
faillite de cette politique, le tâtonnement l’a conduit à sa nouvelle
révélation proférée dans l’engagement suivant : « Nous nous
opposerons farouchement aux tenants des visées racistes, particularistes ou
grégaires qui menacent notre cohésion sociale et notre unité
nationale. ». On est en droit de
nous demander, dans ces phrases, à qui s’adresse Son Excellence le Président des PAUVRES ?
Cette déclaration serait-elle un euphémisme inédit désignant les défenseurs des
droits humains auxquels le monde libre reconnaît pourtant la justesse et la
légitimité de la cause à travers les hautes distinctions internationales qu’il leur discerne ?
S’il y a vraiment en Mauritanie des parrains du racisme, du particularisme et du tribalisme ce sont sans
équivoque le Président Ould
Abdel Aziz et son système. Ce sont eux qui distribuent exclusivement aux
Bidhanes, à commencer par la tribu du Président, les récépissés des médias privés ? C’est aussi
Mohamed Ould Abdel Aziz, fort de son système, qui attribue les banques, les
sociétés d’assurance. C’est lui encore qui fabrique les hommes d’affaires et
creuse davantage les disparités économico-sociales ?
Il est temps alors qu’il sache que l’ensemble
des organisations des droits de l’Homme qui défendent les damnés de la société
(Haratines, Lim’almine et Négro-africains) sont l’émanation et l’expression de
représentation légitime des couches écrasées. Nous sommes étonnés de le voir
tourner en dérision la vérité et banaliser la réalité. Son rôle de Président, son rôle à lui,
était de combattre les causes efficientes et profondément enracinées du mal et
non de s’acharner cyniquement contre les victimes.
Ces assertions du Président s’inscrivent, somme
toute, nous semble-t-il, dans les mêmes manœuvres d’intimidation qui n’ont cessé de viser ces dernières années les
militants des droits humains et les victimes, au lieu du déploiement d’efforts
de mise en œuvre de plans de développement et de mesures de coercition, à même
de résoudre définitivement les causes réelles et apparentes des souffrances
multiformes des opprimés… Face à cette position où se mêlent défi, déni et
menace, nous promettons, forts de notre expérience et de notre volonté inébranlable, d’opposer une résistance farouche. Nous braverons
tous les dangers et vaincrons à coup sûr le système de domination, pour instaurer un État garantissant les droits
civiques et la citoyenneté pour tous.
L’Initiative pour la Résurgence du mouvement
Abolitionniste (IRA) est aujourd’hui prête à poursuivre,
contre vents et marées, toutes formes
d’actions de secours des opprimés, abstraction
faite de leurs couleurs,
leurs races et leurs langues, quelles que soient
du reste les origines des concernés. Nous ne nous laisserons point
impressionner ni intimider par les menaces voilées insinuées à tous vents par
Ould Abdel Aziz dans ses sorties médiatiques caractérisées par l’incohérence et
l’affabulation. Nous restons fidèles à notre ligne pacifique qui vise la déconstruction
du système de domination raciale et la refondation d’une nouvelle société juste
et égalitaire loin du compromis avec les bourreaux, des velléités de revanche ou
des fouilles dans le passé.
Nous mènerons notre combat d’abolition
conformément à notre propre stratégie telle que déclinée il y a deux ans, sur
un double front séparé mais complémentaire : d’abord, le front des droits
humains sous l’égide du mouvement abolitionniste (IRA) et son leader Biram Dah
Abeid ; ensuite, le front politique sous les auspices du parti RAG et sa
direction collégiale. Ce dernier sera un creuset de rencontre de toutes les
composantes nationales.
Le Président sera-t-il vraiment tenté de nous priver de notre droit
à la lutte pacifique en passant à exécution ses intimidations ou
parviendra-t-il à nous entraîner, comme il le pense, vers la violence et
l’extrémisme ? Ce qui est sûr c’est que nous sommes plus que jamais convaincus que tous les
plans échafaudés sur fond de manœuvres, de provocation et de menace
n’entameront jamais notre engagement et notre détermination, parce qu’ils finiront tous par échouer.
Encore que le lourd tribut payé par les
leaders du mouvement, ses militants et sympathisants au nom de la lutte juste,
sous le règne de Ould Abdel Aziz et les nombreuses victoires que nous avons
remporté nous ont enseigné que la liberté ne s’offre pas, elle s’arrache. Alors
il se trompe bien, celui qui
croit pouvoir nous obliger à nous agenouiller. Nous ne nous prosternerons que devant Dieu et devant Dieu seul.
Enfin, nous considérons que les concepts
malveillants ponctuant le discours de Ould Abdel Aziz ne nous engagent pas,
encore moins ne nous décrivent ; sachant, par ailleurs, que le ton choisi
et les accusations insinuées n’inspirent point confiance. Au contraire! Alors
il s’imposerait au pouvoir de procéder à une révision de ses positions pour les
harmoniser à une stratégie inclusive, cohérente et lucide qui tient compte des
intérêts suprêmes de la nation, afin d'éviter au
pays le chaos ; sinon la situation risque d’empirer et de déstabiliser ce que Ould Abdel Aziz prétend défendre
jalousement, à savoir la cohésion et la sécurité nationales.
Nouakchott, le 04 Aout 2014
LE BUREAU EXECUTIF
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