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lundi 21 octobre 2013

De l’esclavage : La Mauritanie « championne » du monde, selon le rapport 2013 de la fondation australienne Walk Free



De l’esclavage : La Mauritanie « championne » du monde, selon le rapport 2013 de la fondation australienne Walk Free
[Vidéo] - « Triste record: la Mauritanie est classée numéro 1 des pays esclavagistes dans le monde », titre l’Initiative pour la Résurgence d’un Mouvement anti-esclavagiste en Mauritanie (IRA), dans un communiqué qui rend compte du rapport 2013 de la fondation australienne Walk Free sur l’état de l’esclavage dans le monde.

La Mauritanie arrive largement en tête des 162 pays pris en compte dans ce classement infamant en termes de prévalence de l’esclavage. Sans saluer cette « performance », le rapport indique qu’elle pointe en tête avec une note 97.90, loin devant le deuxième de ce classement qui est la République de Haïti avec 52.26. Le Pakistan occupe la troisième place de ce podium très particulier avec une note de 32.11.

Le rapport souligne que la note attribuée à chaque pays est un agrégat de trois facteurs: la prévalence de l’esclavage moderne, le taux de mariage de mineurs et le niveau de trafic de personnes.

Et bien que cette précision soit de nature à éloigner de l’esprit de certains qu’il y a encore en Mauritanie des « marchés à esclaves », il faut tout de même souligner que le rang qu’occupe notre pays relance la question – la problématique, dirai-je – sur la nature de cet esclavage : réalité ou séquelles ?

A ce qui semble constituer une victoire pour les antiesclavagistes mauritaniens d’IRA, qui ont pris la relève du mouvement historique d’El Hor (le libre), les défenseurs d’une Mauritanie « sans esclavage » vont émettre un doute sur la fiabilité de ce rapport.

Le fait qu’il soit établi dans la lointaine contrée d’Australie sera présenté comme une méconnaissance de la Mauritanie et un simple préjugé sur ce qui est dit ou écrit par Biram Ould Dah Ould Abeid et ses amis occidentaux. Par contre, IRA avancera que le phénomène est tel qu’il est vu par des organisations internationales qui probablement ne connaissaient notre pays que de nom.

La question de l’esclavage en Mauritanie divise

Pour tous les gouvernements qui se sont succédé en Mauritanie depuis 1981, il n’existe plus que des séquelles de l’esclavage. Les plus cyniques parmi les défenseurs de cette thèse parlent d’une attitude de bon sens : l’abolition de l’esclavage par une ordonnance prise à cette date par le Comité militaire de redressement national (CMRN) incarné par le colonel Mohamed Khouna Ould Haïdalla le frappait de pratique « hors la loi ».

C’est-à-dire que ceux qui détenaient encore des esclaves s’exposaient aux sanctions prévues par la législation mauritanienne en la matière. Mais pour qui connait la nature de la justice dans notre pays, il était facile d’imaginer les tours et détours qui empêcheraient que les sanctions tombent.

C’est la faiblesse de l’appareil judiciaire, sa complicité même, qui sont mises en cause aujourd’hui par IRA. C’est l’administration qui renferme en son sein des esclavagistes de pères en fils qui fait preuve de complaisance dans pratiquement tous les cas qui sont soumis aux autorités compétentes.

C’est une partie de l’élite Haratine (maures noirs) qui s’est emparée de cette cause pour la tourner – et retourner – selon le profit qu’elle peut en tirer ici (en jouant la carte du pouvoir) ou à l’étranger. L’ambassadeur Bilal Ould Werzeg, l’un des pionniers de la lutte antiesclavagiste en Mauritanie, a bien mis le doigt sur la plaie : il faut cesser de nommer les cadres haratines en leur faisant croire qu’on leur remet la « part » de leurs frères non instruits.

Ils ne doivent être cooptés qu’en fonction de leurs mérites et cela doit être le cas pour tout autre mauritanien, blanc ou noir, arabe ou négro-africain. Pour les anciens esclaves, une discrimination positive doit être opérer dans le cadre de l’action de la nouvelle agence « Tadamoun » (Solidarité) mise en place par le gouvernement et censée lutter contre les séquelles de l’esclavage.

L’accent doit être mis sur l’éducation et l’insertion dans le tissu économique pas sur des théories fumeuses d’égalité, de liberté et de démocratie. Comme cela a été repris dans la loi criminalisant l’esclavage, adopté le 8 août 2007 par le Parlement mauritanien, et punissant de dix ans d’emprisonnement les détenteurs d’esclaves. Et ils seraient encore nombreux si l’on en croit donc ce nouveau rapport qui vient conforter les thèses d’IRA.

Les esclaves des temps modernes

La condition des haratines est telle que pour beaucoup d’experts et d’étrangers qui visitent la Mauritanie ils sont ces « esclaves des temps modernes » dont parlait Albert Memmi évoquant la situation des immigrés maghrébins en France. Qu’ils soient les seuls à pratiquer le métier de dockers, de blanchisseurs, de boys, de manœuvres, de gardiens et de tant d’autres tâches considérées comme avilissantes par leurs anciens maîtres, ne militent pas pour la résolution définitive de cette question d’inégalité sociale.

L’esclavage moderne est pire que l’esclavage qui se pratiquait – se pratique – dans les campements et villages de la Mauritanie coloniale. Il consacre l’image d’une Mauritanie où le travail détermine le statut social et le degré de citoyenneté de chacun. Encore une fois, c’est le défi majeur que l’agence « Tadamoun » doit relever pour que cesse cette division du travail qui ne dit pas son nom.

Et pour que cesse aussi le tort qu’on fait à des Mauritaniens rendus responsables d’une infamie que même des haratines ont pratiqué contre leurs propres frères. C’est le prix à payer pour que la Mauritanie cesse d’être présentée, dans un reportage de la CNN, comme « Le dernier bastion de l’esclavage » avec 10% à 20% de la population qui serait encore soumis à cette terrible condition.

Ceci peut être vrai quand on sait qu’il y a des domaines où cet esclavage des temps modernes ne fait pas de différence entre les différentes communautés nationales : le travail des enfants et l’oppression de la femme. Considérant le reportage de CNN comme plein de « raccourcis », un expatrié évoque la situation ainsi : « J’ai travaillé sporadiquement en Mauritanie pendant huit ans et je m’évertue à comprendre intégralement ce problème d’esclavage.

Je me sens bien sûr mal à l’aise à chaque fois que je vois un jeune enfant travaillant chez quelqu’un, qu’il soit noir ou arabe, et les relations de travail et d’argent sont très peu claires pour moi »
.

Et plus loin : « Je savais que l’esclavage continuait à exister sous de nouveaux noms, comme la prostitution ou le travail des enfants (car les catégoriser de façon plus soignée nous permet de nous sentir mieux), mais je pensais que l’ère durant laquelle les gouvernements se voilaient la face (ce qui est le cas pour la Mauritanie) était révolue. Peu importe la façon dont nous essayons d’amortir le choc avec nos doux euphémismes, tant que des personnes seront considérées comme des propriétés, l’esclavagisme existera ».L’aurez-vous imaginé au XXIème siècle ?



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