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mardi 12 avril 2011

Message adressé à L’Etat et aux militants anti-esclavagistes : Par Allah, ne laissez pas les « néo-mouseferines de Biram » basculer dans le néant



Tout le monde en convient. Les militants anti-esclavagistes ont réussi un grand et historique exploit en obligeant l’Etat à déclarer la guerre- même encore au stade timide-, aux maîtres esclavagistes, notamment en arrêtant les auteurs d’exploitation illégale sur des mineurs dénoncés par ces défenseurs.
Aussitôt cette prouesse des droits de l’homme communiquée à l’opinion publique, les familles qui s’adonnaient jusque-là à ce type d’asservissement furent prises de psychose, congédiant immédiatement des milliers de mineurs, qu’ils employaient dans les villes, vers les leurs, dans les villages ruraux où leurs parents leur donnèrent le nom de « mouseferines de Biram ».
Parmi ces mineurs, que l’on peut assimiler à des affranchis, pour avoir été vaillamment extraits de l’impitoyable joug esclavagiste, il y en a des groupes- certes minoritaires- qui, faisaient l’école, qui aidaient financièrement leurs mères restées dans la bourse, pour réduire la considérable dépendance vis-à-vis de ses anciens maîtres, lui permettant de se procurer petit à petit un capital domestique de chèvres, de vache ainsi qu’à se construire des maisons.
Il s’agit ici juste de déplorer l’absence cruelle de mesures d’accompagnement d’un mal dont les dommages collatéraux peuvent être regrettables voire tragiques, si la lutte contre l’esclavage reste circonscrite à la libération des enfants sans des débouchés économiques leur soient garantis, pour éviter ainsi aux filles de s’exposer à la débauche et aux garçons d’être enrôlés par les milieux de la criminalité, dés lors où tout ce monde n’a plus le moindre sou pour subvenir à ses besoins les plus courants et pour soutenir la mère et les petits.
Ce qui finit sans doute par compromettre fortement et de manière considérable le processus d’autonomie sociale et économique engagé depuis longtemps par ces ménages renaissants, par rapport à leurs anciens maîtres.
En effet, ces ménages dont l’indépendance est aujourd’hui mise en jeu ont des maisons, des baraques, des robinets, des bêtes qu’ils ont pu acquérir à la sueur de leur front, grâce à l’argent rapatrié par les enfants qui travaillent dans les villes.
Coupé de ces revenus, tout le chantier visant à fonder le foyer loin de la main tendue et de l’asservissement s’écroule d’un coup, sans que ses auteurs savent comment faire pour ne pas revenir à l’esclavage qu’ils essayaient de sans débarrasser au jour le jour, sans assistance de l’Etat, comptent sur leur propre endurance et leur adaptation aux nouvelles conjonctures.
Ceci est d’autant plus vrai si l’on sait que toute éventuelle famille esclavagiste s’estimant aujourd’hui exposée à la simple suspicion, pour similitude de situation, se trouve obligée de mettre à la porte ces mineurs, même si ces enfants n’étaient pas totalement asservis.
C’est le cas par exemple de ce mineur qui a récité la moitié du Coran et qui comme tout élève de mahadra est tenu de faire des corvées à son maître, a été renvoyé vers les siens, lesquels l’avaient recommandé au départ pour l’éloigner des dépravations urbaines, ne savant pas aujourd’hui comment faire pour éviter à leur enfant les affres de la rue.
C’est aussi le cas de cette femme restée au village dont les deux enfants (une fille et un garçon) sont revenus ( cas non isolé), mettant ainsi fin à leur travail qui lui permettait de nourrir leurs tous petits frères, désormais contraints de taper à la porte de l’ancien maître pour un partage de la nourriture et de l’eau.
Ce n’est qu’un cas sur plusieurs pour une petite localité de 300 familles environs citée à titre d’exemple, d’où l’ampleur du phénomène boomerang de cette brave lutte appelée à réussir d’amont en aval et inversement.
L’autre exemple qu’on peut aussi citer pour illustrer les aspects collatéraux de ce combat anti-esclavagiste, c’est le refus d’accès exprimé désormais par les anciens maîtres à leurs foyers aux ex-esclaves, avec lesquels ils avaient bien de choses en commun loin du simple asservissement, de crainte d’être pris en flagrant délit par Biram et ses hommes, qui, dans l’esprit de ces villageois, sont aux aguets dans les environs pour repérer des nouveaux cas esclavagistes et conduire leurs auteurs devant la justice.
L’autre jour, pendant mon week-end au village, des ex esclaves me demandaient si réellement Biram est arrivé à « Lavita » (lieu de déviation vers la localité) et s’il envisageait venir chez eux, manifestant un certain dépit pour les effets induits de sa lutte ; sans doute, en raison de leur ignorance, par méconnaissance de la noblesse du combat que Ould Dah Ould Abeid mène pour leur assurer des lendemains meilleurs.
Une ex-maîtresse voyant son ex-esclave venir vers elle pour la saluer, lui dit apeurée « n’entre pas, va chez toi et dit moi à haute voix ce que tu veux ». L’ex maîtresse, d’habitude paresseuse, obligée par son embonpoint d’appeler à l’aide, s’efforce tant bien que mal de faire les anciennes corvées, confiées auparavant à ces enfants désormais interdits même de s’asseoir à ses côtés, après avoir partagé avec elle toute une vie ensemble.
Les exemples sont nombreux pour être cités et chacun peut y aller de sa connaissance de cette inadéquation de la lutte contre l’esclavage, qui au rythme actuelle, en l’absence de mesures d’accompagnement, peut conduire à une autre forme de sociétés perdues.
Enfin, il faut reconnaître que l’objectif de ce message est d’interpeller l’Etat et les militants anti-esclavagistes pour travailler main dans la main, sans passion et avec tolérance pour définir une politique pertinente assurant un succès intégral du processus de réintégration des anciens esclaves.

Mohamed Ould Mohamed Lemine
source: http://www.la-nation.info

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