Depuis quelques années, la France a instauré
la journée du 10 Mai comme date commémorative de l'abolition de l'esclavage. Cet
événement annuel rendu possible grâce à l'activisme prégnant des milieux
afro-descendants français, dont la figure de proue est sans conteste Madame
Christiane Taubira, l'ancienne garde des sceaux.
La France, historiquement l'un des pays ayant
participé largement à la traite négrière qui saigna l'Afrique, reste trop
timide pour insérer cette partie de l'histoire dans son Roman National. Il est
beaucoup à faire notamment dans l'école et dans le discours politique et
intellectuel pour une respectabilité de la mémoire d'une frange importante du
peuple français . Après quelques avancées symboliques d'aujourd'hui, certaines
voix s'élèvent de plus en plus pour une réparation pure et simple pour les
ayants droit de ceux qui subirent ce crime abominable contre l'humanité. Cette
revendication ne semble pas être prise au sérieux par les différentes autorités
politiques du pays quel que soit le bord . Il est à noter qu'un certain
croisement revendicatif se constate entre les porte-voix de la cause mémorielle
liée à la traite et les milieux sensibles au passif colonial. Les uns et les
autres orientent le port d'une entière responsabilité aux lointaines autorités
françaises , ancêtres de celles d'aujourd'hui, ayant pratiqué
"légalement" l'esclavage et instauré l'ordre colonial par
l'exploitation et l'indigénat. À ce rythme on pourrait imaginer une prise en
compte de plus en plus large de ce passé criminel , en actes symboliques voire
jusqu'à une possible RÉPARATION FINANCIÈRE . Cela relève d'un rêve fou peut
être, mais peu importe, nos cousins afro-descendants des Antilles se doivent
d'assumer et de porter le militantisme revendicatif dans ce sens.
Et nous, africains noirs d'Afrique , en plus
d'un soutien normal dû à une situation commune d'aujourd'hui, avons une lourde
responsabilité vis-à-vis de ces descendants des victimes de la traite
transatlantique. Aujourd'hui l'africain Noir ou pas peut se dire lésé et handicapé à raison par l'ordre colonial
d'antan, mais tout Noir africain ne subit pas forcément les conséquences de
l'esclavage extra ou intra. Oui l'esclavage intra, cela a bien existé et
continue même de véhiculer des non-dits dans l'imaginaire collectif africain.
L'africain lambda sur le continent ou à
l'extérieur pointe aisément les méchants esclavagistes et colonisateurs de
l'extérieur (occidentaux ou orientaux)
qui seraient les seuls responsables du retard social, économique et politique
du continent. Alors que la franchise intellectuelle nous intime de revoir nos
schémas simplistes du classique c'est "la faute de l'autre".
L'Afrique a été esclavagiste et les africains l'étaient intrinsèquement dans le
passé et s'y connaissent dans leurs rapports traditionnels et coutumiers
d'aujourd'hui. Le marchandage lucratif d'êtres humains se pratiquait entre
différentes composantes tribales , et les traites transsaharienne et
transatlantique se furent arrimés logiquement à cet ordre propice pour amplifier
un douloureux et honteux commerce . En effet le passé esclavagiste
afro-africain est très présent aujourd'hui, mais il n'est abordé que trop
timidement voire même effacé derrière un tissu social et sociétal érigé en
VALEURS CULTURELLES.
Par exemple en Afrique occidentale, presque
dans toutes les sociétés, il existe le statut d'esclave faisant partie d'un
ensemble homogène très hiérarchisé . Ces esclaves statutaires étaient
anciennement possédés par l'aristocratie nobiliaire et leurs différents clans
alliés. Ils étaient exploités dans l'esclavage pur et dur, et faisaient partie
du patrimoine matériel des possédants. La réalité irréfutable de cet esclavage
"maison" en Afrique, a laissé des traces dans les rapports
intra-communautaires. De nos jours, les personnes d'extraction sociale servile
vivent les conséquences évidentes au sein de certaines sociétés africaines.
D'aucuns osent justifier les pratiques esclavagistes au nom de la religion (l'islam en l'occurrence) et d'autres
réfutent tout esclavagisme latent et ses séquelles, et on essaie d'en trouver
une justification ambiguë par le système de castes qui sévit. Aucune idée de
réparation même morale, n'effleure les consciences de ceux qui sont issus de
tenants de l'ordre féodal et esclavagiste d'antan . Au contraire, certains
milieux artistiques se permettent de louer et de chanter en héros d'hommes
connus pour leurs prouesses en brigandage et en capture d'êtres humains. Par
ailleurs, une gymnastique d'esprit basée sur une incohérence intellectuelle bien
connue chez nombre d'instruits issus de l'ordre tribalo-féodal, permet un
camouflage sournois des conséquences évidentes de l'ordre esclavagiste du passé
, au sein du système de castes qui serait un gentil et utile régulateur social.
Si on évite à ce point d'aborder
courageusement les réalités problématiques issues de l'esclavage
"maison" , cela explique un sens profond et étrange de ce que l'Homme
africain se fait de l'Être Humain . Suivant cette logique, nos cousins
afro-descendants d'Outre-mer ne peuvent pas espérer grand chose de notre part
quant à une éventuelle reconnaissance de la responsabilité avérée des
"braconniers" et vendeurs d'êtres humains au cours des traites
négrières (transatlantique et
transsaharienne). Aujourd'hui en 2016, les afro-descendants français et les
africains noirs issus de l'immigration postcoloniale et leurs descendants
occidentalisés , peuvent être confrontés au racisme et diverses discriminations
dans la société française à dominance blanche. Cependant, ils peuvent se
retrouver sur le même champ militant pour lutter contre ces injustices .
L'africain Noir en Europe se retrouvera dans l'engagement digne de Madame
Taubira, tout en évitant sournoisement de revoir certaines dispositions
coutumières en vigueur dans son giron originel, qui, jadis permirent la SOURCE
du Mal Noir qui fut l'ESCLAVAGE. La réparation morale tant attendue tarde à
venir à l'endroit de nos lointains cousins afro-descendants dans le monde
entier . En 1999 à Baltimore aux États-Unis , on notera un geste plein de
portée symbolique du défunt ancien président Béninois Mathieu Kérékou . Ce
dernier s'était mis à genoux en implorant le pardon des afro-américains pour le
rôle honteux et abominable que les africains ont joué dans la traite.
Depuis rien de notable n'est à
signaler allant dans le sens d'une réparation morale à grande échelle qui
pourtant, doit être le ciment de la cause panafricaniste qui tâtonne entre
l'extrémisme anti-impérialiste et la sanctification de nos références
tribalo-ethniques diluées dans la mondialisation. L'Homme Noir affecté parmi
les Peuples, doit se réinventer une destinée dépoussiérée de toute emprise
primitive et puérile faisant de lui L'ÉTERNEL DERNIER DE LA CLASSE qui se
refuse soi même.
Nous devons revoir nos prises de position du
grand écart en fonction du cadre dans lequel nous évoluons, c'est-à-dire tantôt
on est révolutionnaire contre le néocolonialisme et le paternalisme
occidentaux, et autrefois on se montre réactionnaire contre toute réforme
libératrice de l'INDIVIDU par rapport
aux convenances coutumières et étriquées qui pourrissent nos rapports internes
et inhibent l'essentiel en NOUS pour des statuts sociaux caducs . L'esprit
tribalo-ethnique ne fera ni un Peuple , ni une Nation au sens moderne des
termes.
K.S
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