Le 1er janvier 2015, les services de
renseignements de la République islamique de Mauritanie publient, sur la
plateforme Youtube, deux documentaires de propagande, sous les titres « fureur
de Biram » et « Qui
est Biram ». Le montage, commenté sur le second et verbatim
pour le premier, s’attache à découper puis enchaîner des extraits de
déclarations du Président de l’Initiative de résurgence du
mouvement abolitionniste (Ira), lors de ses multiples activités de militant sur
le terrain, de conférencier ou d’orateur devant les foules.
1. La visée
Les deux films, dont la version en Arabe est
attendue comme point d’orgue de la campagne, s'emploient à mobiliser la
communauté arabo-berbère, contre Biram Dah Abeid et ses amis, toujours détenus,
après leur jugement, dans la ville de Rosso, au
motif – du moins officiel – de participation à une marche, pourtant autorisée,
contre l’esclavage foncier et les expropriations foncières.
Au fil des images, la répétition des séquences
d'incendie des pseudo-livres de droit, organisant l'institution de l'esclavage
suggère, aux anciens maîtres, l’appel à la convergence de la solidarité
ethnique et de l'indignation religieuse. Le message, ainsi distillé, véhicule
un mot d’ordre martial ; l’essence « racialiste » de
l’exhortation s’enracine dans la mise en évidence d’un potentiel de violence
jusqu’ici retenu, dans les limites de la dissuasion : « Vous êtes en
danger, votre foi a été bafouée. Préparez-vous à vous défendre, à attaquer
avant de subir », leur enjoint-il. Avec l’aval du Président de la
république, commanditaire prévisible de la manœuvre, la frange nationaliste
maure au sein des services de sécurité, s’attèle à recréer et resserrer
l’esprit de corps dans la communauté dominante, atour de ses privilèges
acquis ; l’usage de la panique comme fondement du lien social vient
alimenter l’effroi d’un péril imminent et justifier, alors, des mesures
d’exception. Il s’agit d’occulter l’impasse économique, l’effondrement de
l’investissement étranger et le développement de la piraterie financière, sans oublier le spectre de
la famine, après une année de déficit pluviométrique.
B. Le risque
Deux aspects corrélés au calcul retiennent
l’attention et requièrent autant de vigilance :
L’état d’accumulation des armes et d’hégémonie
tribale sur le commandement militaire, des forces de sécurité, des sociétés de
gardiennage et des clubs de tir, vide, de tout contenu, le credo du péril
Hratine et le relègue au rayon du fantasme. Seul le bloc hégémonique détient
l’équipement matériel et symbolique de la coercition de masse et s’en assure
l’impunité mécanique, comme le rappelle le précédent des déportations et purges
sanglantes, contre les populations négro-africaines, entre 1986 et 1992. Les
plaies, vives, béent, toujours, en République islamique de Mauritanie et de jour
en jour s’éloigne la perspective de leur résorption.
En se rabattant sur l’ultime ligne de défense par
la sacralité de la religion, le système abdique toute confrontation rationnelle
des arguments et renonce à défendre ses intérêts de classe sur le terrain de la
polémique. Il se place, désormais, sous le bouclier des croyanes et, ce
faisant, privatise l’Islam au service de sa propre sauvegarde. L’emprisonnement
et la comparution simultanée de Biram Dah Abeid et de Mohamed Cheikh Ould Mohamed Ould Mkhaitir, suivis de la
condamnation de ce dernier à la peine capitale pour un crime de conscience illustrent le repli des gardiens de l’hégémonie sur le
périmètre de l’immunité absolue. En substance, il est ainsi dit, aux cadets
sociaux et à l’apprenti démocrate, « nous dirigeons ce pays par la grâce
de Dieu, notre suprématie se confond avec sa volonté; si vous la contestez
au-delà du raisonnable, vous entrez en impiété et l’impiété mérite la
mort » !
C. Le défi
On l’aura compris, il se prépare, aux dépens de la
paix civile en Mauritanie, une vaste opération de manipulation, prélude à une
bavure collective et toute bavure est précédée d’une série d’attentats sur
l’intelligence et le discernement. Grâce au recyclage du thème de la citadelle
assiégée, prétendu trésor de toutes les richesses, convoité par l’Occident,
avec le concours du sionisme international et l’intendance fantoche des
organisations locales de défense des droits de l’Homme, le pouvoir s’apprête à
sévir, d’abord, contre la fameuse cinquième colonne qui opère de
l’intérieur. L’étape du musellement des Ong et de la domestication de la presse
– dessein ô combien anachronique en 2015 - balisera le coup de force.
Autour du Président Mohamed Ould Abdel Aziz
s’affaire, dans l’urgence du complot en cours, une coterie de collaborateurs
plus ou moins sincères, d’informateurs plus ou moins bricoleurs de mensonge,
tous connectés avec des notables religieux d’inspiration
wahhabo-talibane ; par son entourage, le Chef de l’Etat, champion
autoproclamé de la lutte antiterroriste, entretient des rapports troubles avec
les milieux salafistes et jihadistes ; de leur propre aveu, il en reçoit certains en audience, qui cultivent,
durant les prêches du vendredi ou des séances de fanatisation des foules, la
verve de la haine, de l’intolérance quand
ils n’excitent à verser le sang, sur le sol mauritanien. La plupart
émettaient, en 2011 et 2012, des Fatwa d’encouragement au Jihad, contre
l’intervention franco-africaine pour la libération du Mali.
La présente note d’alerte, réitère l’impératif de
vigilance contre les dégâts irréversibles de l’amateurisme, combiné à
l’inconscience d’une poignée d’aventuriers ; il s’adresse :
Aux mauritaniens patriotes ardents,
promoteurs de la paix dans la justice, en particulier, parmi les personnalités
et les partis politiques - ceux de la majorité et de l’opposition,
confondues ;
Aux officiers, sous-officiers, hommes de troupes et
tout auteur éventuel d’actes relevant de la compétence universelle ;
Aux partenaires extérieurs, notamment ceux engagés
dans la guerre légitime et salutaire l’extrémisme confessionnel, partout dans
le monde.
La Mauritanie peut poursuivre son chemin imparable
vers l’égalité et le partage équitable, sans devoir y perdre son unité, encore
moins la vie de ses filles et fils. Nul ne veut d’une tuerie d’autant évitable
qu’elle n’endiguera ni ne ralentira la marche du pays vers l’émancipation de
ses citoyens. Point besoin de sortir le fusil, encore moins de convoquer le
peloton d’exécution ! Toute domination arrive à son terme ; à partir
de là, le chagrin passe et le détail se négocie.
Nouakchott, le 8 janvier 2015
Signataires :
Conscience et résistance (CR)
Initiative de résurgence du mouvement
abolitionniste (IRA)
Kawtal Ngam Yellitaare
Touche Pas Ma Nationalité (TPMN)
Arc-en-ciel - le Parti
mauritanien du concret
Association ARMPES
Association des Haratine de
Mauritanie en Europe (A.H.M.E)
Coordination COVIRE :
Collectif des Rescapés Militaires (COREMI)
Collectif des Orphelins des Victimes civils et
militaires (COVICIM)
Collectif des Veuves
Collectif des Rescapés,
Anciens Détenus Politiques, Civils Torturés (CRADPOCIT)
Collectif Mooyto Koota
Collectif des Anciens Fonctionnaires de la Police
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