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mercredi 5 janvier 2011

Quand les droits de l'homme sont bafoués - Par: Natacha Blanc

Quand les droits de l'homme sont bafoués - Par: Natacha Blanc

 

 
Biram Dah Abeid, militant anti-esclavagiste mauritanien, est emprisonné depuis le 13 décembre en son pays et devait comparaître mercredi devant le tribunal correctionnel de Nouakchott.

C'était il y a un peu plus d'un an. Grand, la stature imposante, le regard fier, il m'avait longuement serré la main, plantant ses yeux dans les miens et s'était présenté d'une voix grave avant de conclure : "Vous pouvez m'appeler Biram." Je n'avais aucune idée de son combat. Je ne connaissais rien de la Mauritanie, ou alors si peu. Je n'étais là que pour aider à la traduction de ses propos lors de la conférence "Convegno sui Diriti Umani e la Schiavitù in Mauritanie" à Perouse (Italie). Flanquée d'un autre traducteur italien, Matheus Bertoni, j'ai cotôyé Biram durant une journée, deux tout au plus. Il ne m'a pas fallu davantage pour admirer la noblesse de ses activités militantes, le courage d'un homme qui parcourait le monde avec l'espoir fou d'abolir les traditions esclavagistes de son pays.

Président de l'IRA (Initiative de résurgence du mouvement abolitionniste en Mauritanie), Biram Dah Abeid est poursuivi par le tribunal correctionnel de Nouakchott pour actes de violences contre des policiers depuis début décembre. Emprisonné le 13 du même mois, il est en train de payer le prix fort de son militantisme. Pour les différentes oragnisations de défense des droits de l'homme, sa captivité relève de l'arbitraire. Son seul crime a été de se battre, tout au long de sa vie, contre l'esclavage dans son pays, une pratique pourtant abolie depuis 2007. Venu faire constater l'état d'esclavage de deux fillettes au commissariat de police, Biram aurait eu une violente querelle avec les policiers. Contraint de se rendre à l'hôpital avec cinq autres militants, c'est à sa sortie qu'il aurait été interpellé puis placé en détention dans la prison de Nouakchott, en l'attente de son procès.

Sur le papier, la République islamique de Mauritanie a aboli la pratique de l'esclavage depuis 2007. Mais dans la réalité, la société maure est une société d'immobilisme. Personne n'a jamais été condamné pour esclavagisme. Les fortes pressions, religieuses et politiques, qui s'exercent sur le sytème judiciaire empêchent la loi de fonctionner et les juges de punir les coupables. C'est ainsi que des enfants travaillent depuis leur plus jeune âge dans de sinistres conditions de précarité . Selon Fatimata Mbaye, présidente de l'Association mauritanienne des droits de l'homme (OMDH) pour le journal Le Monde "près de 40% de la population mauritanienne vit en condition d'esclavage ou descend de familles d'esclaves." Empêtrée dans un système de castes, la Mauritanie demeure dominée par une inertie économique, religieuse, politique qui ne va qu'en s'aggravant.

Biram, à travers ses pérégrinations européennes, voulait mobiliser nos sociétés occidentales contre le fléau esclavagiste de son pays. Il maintenant temps de lui montrer notre soutien et notre estime. Il risque jusqu'à cinq ans de prison. Je souhaiterais lui témoigner, une fois encore, mon admiration. Dans l'espoir de le revoir sourire.

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