GENÈVE (19 octobre 2016) –
Un groupe d’experts des droits de l’homme des Nations Unies* a exprimé
aujourd’hui sa grave préoccupation par le fait que des militants mauritaniens
emprisonnés en raison de leur rôle présumé dans une manifestation contre les
expulsions forcées à Nouakchott, sont ciblés par le gouvernement pour leur
plaidoyer anti-esclavagiste.
Les défenseurs des droits de
l’homme ont été condamnés en août à des peines de prison allant de trois à
quinze ans. La date du jugement en appel sera fixée en fin de semaine par
la Cour d’appel de Nouadhibou.
Treize de ces militants sont
membres de l’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA),
principale organisation de la société civile mauritanienne luttant contre
l’esclavage. Les militants ont constamment nié toute implication dans les manifestations
contre les expulsions forcées, au cours desquelles plusieurs personnes, dont
des policiers, ont été blessées.
«Le gouvernement mauritanien est hostile à tous les groupes de la société
civile qui critiquent ses politiques et est particulièrement hostile aux
groupes tels que l’IRA, dont les membres sont issus de la minorité Haratine, et
qui œuvrent pour la promotion de la fin de l’esclavage», ont souligné les
experts, en rappelant que le Rapporteur Spécial de l’ONU sur l’extrême pauvreté
et les droits de l’homme, Philip Alston, a visité la Mauritanie en mai et a
rencontré certains membres de l’IRA.
«La condamnation des
militants s’adapte à un modèle de répression de la dissidence du parti au
pouvoir dans un pays où une minorité ethnique domine les deux autres grands
groupes ethniques», ont noté les experts. « Nous sommes préoccupés par le fait
que l’IRA a également été la cible de représailles par le gouvernement en
raison de leur réunion avec le Rapporteur Spécial sur l’extrême pauvreté et les
droits de l’homme lors de sa visite dans le pays ».
Le procès qui s’est tenu en août a été entaché de graves violations du procès
équitable ainsi que d’autres violations des droits de l’homme. Des indications
crédibles permettent d’affirmer que les membres de l’IRA ont été torturés au
cours de leur détention, que les membres de leurs familles et les partisans des
accusés ont été attaqués par la police lorsqu’ils ont essayé d’assister au
procès mais aussi que des irrégularités procédurales auraient été enregistrées
au cours de la procédure judiciaire.
« Nous avons reçu des informations indiquant que l’ensemble du processus n’a
pas permis de respecter les garanties les plus fondamentales d’un procès
équitable et d’une procédure régulière, y compris le droit d’avoir un accès
adéquat à un avocat » ont déclaré les experts des droits de l’homme.
Ces irrégularités de procédure semblent avoir persisté au cours de la phase
d’appel. La procédure d’appel a récemment été transférée de la Cour d’appel de
Nouakchott à la Cour d’appel de Nouadhibou, à environ 500 kilomètres de la
capitale. Les membres de l’IRA emprisonnés ont été transférés le 28 septembre
de Nouakchott dans un centre de détention à Zouérate, à environ 700 kilomètres
de Nouakchott et à dix-sept heures en voiture de Nouadhibou.
« Il semble n’y avoir aucun
fondement juridique ou aucune justification pour le transfert des détenus »,
ont-ils souligné. « C’est encore une autre indication que ces poursuites
judiciaires sont politiquement motivées et destinées à étouffer les groupes et
individus qui favorisent les droits de l’homme et qui s’opposent à des
politiques gouvernementales ».
« Nous demandons instamment aux autorités de veiller à ce que les
militants soient transférés à Nouakchott et bénéficient d’un procès équitable
par un tribunal compétent, indépendant et impartial, conformément au droit
international des droits de l’homme », ont souligné les experts.
Ils ont également exprimé
leur inquiétude à propos du grave état de santé de certains détenus, en rappelant
l’obligation de la Mauritanie de protéger le droit à la santé des détenus et de
leur fournir les soins médicaux urgents et adéquats nécessaires quel que soit
leur statut juridique.
«Il est essentiel de veiller
à ce que les défenseurs des droits de l’homme puissent exercer leurs droits et
libertés fondamentales sans intimidation ou crainte de représailles.
L’activisme anti-esclavagiste ne peut pas être un crime », ont souligné les
experts. «Le gouvernement de la Mauritanie doit revoir sa législation pénale
afin de se conformer à son obligation internationale de respecter et protéger
le droit à la liberté d’opinion et d’expression."
Les experts indépendants de
l’ONU ont été en contact avec le gouvernement mauritanien pour clarifier cette
situation.
(*) Les experts:
M. Philip Alston, Rapporteur spécial sur l’extrême pauvreté et
les droits de l’homme; M. Sètondji
Roland Adjovi, Président du Groupe de travail sur la détention
arbitraire; M. Maina Kiai,
Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et
d’association; M. Dainius Pûras, Rapporteur
spécial sur le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé
physique et mentale possible; Mme Mónica Pinto,
Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats; M. Juan E. Méndez,
Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants; M. David Kaye,
Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté
d’opinion et d’expression.
Les experts indépendants de
l’ONU font partie de ce qui est désigné sous le nom des procédures spéciales du
Conseil des droits de l’homme. Les procédures spéciales, l’organe le plus
important d’ experts indépendants du système des droits de l’homme de l’ONU,
est le terme général appliqué aux mécanismes d’ enquête et de suivi
indépendants du Conseil qui s’adressent aux situations spécifiques des pays ou
aux questions thématiques partout dans le monde. Les experts des procédures
spéciales travaillent à titre bénévole; ils ne font pas partie du personnel de
l’ONU et ils ne reçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont
indépendants des gouvernements et des organisations et ils exercent leurs
fonctions à titre indépendant. Pour des renseignements supplémentaires,
veuillez consulter : http://www.ohchr.org/FR/HRBodies/SP/Pages/Welcomepage.aspx
Page du HCDH sur le pays –
Mauritanie :http://www.ohchr.org/FR/Countries/MENARegion/Pages/MRIndex.aspx
Pour des informations
additionnelles et des demandes des médias,
prière de contacter Junko Tadaki (Tel: + 41 22 917 9298 / jtadaki@ohchr.org ) ou
d’écrire à srextremepoverty@ohchr.org
Pour les demandes médias
liés à d’autres experts indépendants de l’ONU:
Xabier Celaya - Service de presse (+ 41 22 917 9383 / xcelaya@ohchr.org)
Pour vos sites d’informations et
les médias sociaux : des contenus multimédias et des
messages clefs sur nos communiqués de presse sont disponibles sur les comptes
officiels du Haut-Commissariat sur les médias sociaux.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire