Au moment où la communauté «
soninké » engage un débat et cherche à trouver les mécanismes idoines
pour asseoir les nouvelles bases de son organisation, il s’avère nécessaire et
impératif que certaines branches du modèle ancien d’organisation soient
élaguées pour assurer la santé générale de notre système d’organisation. A
l’aube donc de ce débat crucial pour la communauté, diverses questions
sont soulevées par ceux que nous désignons comme étant les tenants d’un conservatisme à
caractère primaire, des interrogations sommes toutes légitimes qui nécessitent qu’on s’y penche
sérieusement.
Visiblement
ceux-ci(les tenants du conservatisme dogmatique) sont, et c’est le moins qu’on
puisse dire,
inconscients de la gravité du retard qu’ils accumulent par rapport aux
communautés qu’ils côtoient quotidiennement. Cette attitude est révélatrice
de deux choses, soit ils optent pour ne plus exister à long terme dans un
monde évoluant à pas de géant et au moment où, il serait judicieux pour
toute communauté d’assurer sa présence pour ne pas dire sa survie dans ces mouvements
mondialisés de mutation, soit ils font à juste titre et de manière encore
inconsciente le choix suicidaire d’être vouée à une disparition certaine dans
un futur proche et plus personne ne fera plus mention de cette communauté
pourtant historique, héritière, rappelons le, de la fameuse empire du Ghana.
Il est
évident que les structures claniques qui constituaient le soubassement de
l’organisation socio-politique soninké étaient la résultante des
rapports des forces de l’époque. Elles étaient bon gré mal gré le
fruit d’un certain consensus général et par ce fait permettait une certaine
harmonie et cohésion sociale même relatives. Dans cette organisation
voulue et conçue par les anciens qui ont bien sûr tenu compte de leur époque et de
leur réalité, le clan de la noblesse détenait le pouvoir suprême,
l’exécutif, le pouvoir de décider pour la communauté épaulée en cela par la branche dite des
marabouts qui était son partenaire privilégié et qui détenait elle, si l’on
peut se permettre un rapprochement avec notre réalité contemporaine en
terme de sémantique, les pouvoirs législatif et judiciaire par le fait
que cette branche a eu l’avantage à travers l’histoire de bénéficier d’une
instruction religieuse et à ce titre, décrétait les règles du vivre ensemble de
la collectivité
selon les besoins et sous le contrôle bien entendu du clan de la noblesse,
l’exécutif désigné, règles qui parfois empiétaient et allaient à l’encontre
d’une justice sociale élémentaire pourvu que les intérêts des deux branches qui
ont l’avantage des rapports de force soient préservés et maintenus en l’état. Ces
deux branches de l’organisation « soninké »qui contrôlent et détiennent le
monopole du pouvoir sont immédiatement alliées au clan des médiateurs « les mangous ».
Cette branche a pour principale vocation de pacifier les relations entre les différents clans et
tribus pour que la communauté puisse vivre dans l’apaisement général.
Puis nous
avons le clan des‘’Niakhamala’’, une branche composée essentiellement de professionnels
et des gens de métiers entre autres les forgerons, bucherons, cordonniers,
Griots qui sont souvent d’origine étrangère et vivent de leurs métiers
tout en jouant un rôle important dans l’organisation des cérémonies et
accessoirement le rôle d’entremetteurs-facilitateurs sociaux aux côtés de la
branche « des mangous ». A ce titre, ils jouissent des petits privilèges de la
part de la noblesse et du clan dit des marabouts à diverses occasions.
Littéralement « Niakhamala » signifie d’ailleurs : « célèbre moi, je
prendrais soin de toi ».
En dernier
lieu et au bas de l’échelle de la stratification arrive le clan ou la branche
dit des esclaves,
qui étaient il faut le reconnaitre à l’époque ancienne, des travailleurs sans
salaire n’ayant aucun droit d’expression quel qu’il soit. Le lot quotidien de
l’esclave dans la société soninké comme dans toutes les sociétés humaines
d’ailleurs est d’obéir au maître sans conditions et d’autant plus qu’en
milieu soninké traditionnel, son accès à l’agrément de Dieu est subordonné à sa soumission
totale au dictat, aux désirs et à la volonté du maître sous les pieds duquel se trouverait sa
demeure au paradis lui a-t-on inculqué! Il s’agit là d’une astuce qui
permettait à l’esclave d’accepter sa condition soit disant voulue par Dieu,
une manière de soumettre davantage celui-ci aux jougs inhumains de la noblesse
en l’aliénant psychologiquement.Ce mode de fonctionnement de la société
soninké a connu son heure de gloire, bien sûr au détriment, sur tous
les volets de la vie sociale, de la branche ou du clan dit des esclaves, une classe laborieuse
muselée et à qui était attribuées les tâches ingrates. Aussi, la classe des « niakhamala »,
malgré ses petits privilèges, qui en réalité ne l’avantagent qu’en apparence, n’intègre pas bien
entendu le cercle matrimonial des deux clans qui détiennent le monopole de la gouvernance de la
collectivité. ils sont, à l’instar de la classe dite des esclaves considérés
comme des « folemmou », littéralement ceux qui sont de condition
inférieure. Mais cette considération ou cette étiquette ne le dérange guère
aussi longtemps que les petits privilèges que l’on a évoqués sont préservés, les
« niakhamala » sont décidés à défendre le système bec et ongle sans aucune vision à long terme
en ne tenant compte naïvement que de soit disant intérêts immédiats et illusoires:
l’audition par intérêt au prix de la préservation de son EGO…!!!
Nous devons
tous pourtant intégrer un nouveau paramètre, le fait que le monde connait
désormais une
mutation totale à travers l’éducation, les migrations de masses, et sa
transformation en un village planétaire par le biais des nouvelles
technologies et les nouveaux moyens de communications, tout cela accélère
tous azimuts. Et la conséquence directe de ces mutations est la naissance, la
multiplication et l’amplification des mouvements de revendication des droits
qui ne laissent plus aucun individu digne ce nom dans une léthargie
mortifère. C’est pourquoi même des sociétés conservatrices comme la nôtre n’ont
pas d’autres choix à cette ère nouvelle que de bouger et de faire
bouger les lignes. Aussi, il devient légitime pour chacun d’avoir sa place dans
la société
nouvelle même ces personnes que l’on a trop longtemps négligées, humiliées,
privées et opprimées dans leurs corps, leurs âme et leurs mentales, ces
personnes qui ont occupé le bas de l’échelle de la stratification sociale
horizontale, ces personnes qu’on a désignées avec le sobriquet « d’esclave »
Alors,
désormais, rien ne sera plus jamais comme avant, l’ère du statut quo est
révolue. Cette classe revendique haut et fort ses droits, tous ses
droits, rien que ses droits très longtemps bafoués. La nouvelle société soninké
doit désormais célébrer en son sein les valeurs de la liberté, de l’égalité, de la
fraternité et de la justice pour tous. C’est pourquoi il faut répondre aux interrogations et
proposer des alternatives crédibles pour un avenir apaisé. Et Il faut donc
commencer par bannir de notre sphère sociale les expressions humiliantes et discriminatoires et
faire la promotion d’une citoyenneté égalitaire: les mêmes droits, les mêmes devoirs et les
mêmes attributions et qualifications pour tous. Et Ensuite, nos
intellectuels doivent désormais s’évertuer à étudier le passé, non pour s’y complaire et le
sacraliser mais pour y puiser des leçons qui nous permettrons d’améliorer le
futur et notre avenir en intégrant à nos anciennes valeurs les
nouvelles valeurs universelles de l’époque contemporaine: Les distinctions
sociales ne doivent être fondées que sur l’utilité commune.
Et Enfin,nos
hommes de sciences, nos intellectuels et ceux qui détiennent un pouvoir
quelconque dans
la collectivité doivent lutter pour des idées et des intérêts généraux et non
pour des clans, des familles et des intérêts particuliers et égoïstes.
LES TENANTS
DU CONSERVATISME PRIMAIRE INCITÉS À RECHERCHER DES MÉCANISMES IDOINES
POUR ASSEOIR LES NOUVELLES BASES DE SON ORGANISATION SOCIALE, SOULÈVENT
DES INTERROGATIONS SOMMES TOUTES LÉGITIMES QUI NÉCESSITENT QUE
L’ON S’Y PENCHE SÉRIEUSEMENT, À SAVOIR ENTRE AUTRES:
A/ PAR QUEL
ATTRIBUT FAUDRAIT-IL DESIGNER LE CLAN ESCLAVE SI L’ON CHANGEAIT CETTE
DÉSIGNATIONS ?
En réponse à cette triste question, nous disons entre autres : que le changement ne se résumerait pas au changement de la désignation; les Soninko devront se rendre compte que tous ces attributs existaient, sinon plus, en France, pays de prédilection pour leur immigration, mais depuis plus de deux siècles, elle s’en est débarrassée ; or nous sommes bien d’accord que les Soninko intègrent individuellement la sphère culturelle Française par plusieurs petites portes : L’on imite quasiment tout ! Cependant, en dépit de l’adoption de sa langue apprise à l’école, l’on remarque entre autres, la manière de s’habiller. Chez certains le plat traditionnel est servi à table avec ouverts et consorts, il arrive parfois que l’on épouse même l’intonation vocale en parlant pourtant Soninké !
Mais qu’en
est- il quand il s’agit d’intégrer les grands principes qui fondent l’égalité
entre les hommes
pour permettre l’équilibre social ? Alors c’est bien là, où commence le déni de
la réalité.
Pourtant, il
suffit d’adhérer à l’application des principes de la citoyenneté pour admettre
de désigner
les habitants une cité par le nom de leur cité : Un Nouakchottois, un
Tavraghzéïni remplaceraient sainement un Komoncâniké, un hôroncâninké qui
induisent la volonté de nuire l’un par son abaissement et d’honorer l’autre par
sa valorisation.
B/ PAR
QUELLES COUTUMES ALLONS-NOUS REMPLACER CELLES QUE L’ON VOUDRAIT VOIR
DISPARAÎTRE ?
De même que
la question précédente, il faut une volonté de changement en profondeur qui
passe par
l’acceptation de l’égalité voire la parité devant les lois qui régissent les
règles de la communauté, l’implication équitable de tous devant les devoirs et
droits, encore une fois les distinctions sociales ne doivent être fondées
que sur l’utilité commune. Ces mécanismes reconnus par tous, peuvent
permettre de ne pas avoir recours au changement des coutumes sauf si celles-ci ne répondent aux
exigences de notre conviction religieuse. En la demeure, le rejet de certains groupes de la
manière dont se déroulent actuellement les coutumes, fera inévitablement son
petit bonhomme de chemin, autrement dit, fera tâche d’huile.
C/ COMMENT
PEUT-ON METTRE À DOS TOUS LES SIENS POUR SOUTENIR UNE CAUSE QU’ILS
NE PARTAGENT AVEC NOUS ?
Le porteur
d’un tel souci : « Soutenir une cause que les siens ne partagent avec
soi », à parfaitement raison, mais cette raison ne pourrait le
dédouaner de comprendre également que, les porteurs, voire, les
initiateurs des causes « révolutionnaires » souffrent de la même
inquiétude par rapport aux leurs qu’ils ont également à dos , ils
craignent et, pour la sécurité des ceux-ci, c’est-à-dire ces initiateurs-acteurs;
et, pour leur propre sécurité contre les représailles qui pourraient être engendrées des
antagonistes de la démarche. Outre cette vision des choses, n’oublions pas que les grands hommes
dont les noms perpétuent jusqu’ici, étaient confrontés également aux mêmes soucis, mais ils
étaient guidés par une volonté indéfectible, la volonté de libérer autrui du
poids de l’injustice, même si eux n’en souffraient guère: Tout homme est
né libre, cette liberté dérobée à un moment donné, doit être absolument
réhabilitée à un autre moment donné tant qu’une seule âme juste existe sur
terre. Voila selon moi, ce que devrait être la vision d’un intellectuel
véritable, d’un esprit visionnaire, donc une implication logique de la communauté
Soninké dans cette action dont le résultat s’intitule « intérêts
communs ».
L’une des
causes pouvant unifier les acteurs des deux camps, est le partage des idéaux communs
qui consiste à vouloir sublimer (comme précisé plus haut)la place à la justice comme à l’égalité;
à l’équité comme à la parité devant les devoirs et droits qui régissent la
société.
Mais la
lutte d’une telle dimension a besoin d’être nourrie d’une alimentation bio,
autrement dit, qui ne souffre d’aucune sophistication, de faux semblants.
Son socle doit englober entre autres, la volonté absolue dans l’engagement, la
lucidité dans l’objectif, le courage dans l’action, l’autonomie dans la démarche
etc…afin de supporter le poids qu’incombe le changement des fondements séculaires dont les
nostalgiques veulent préserver à bras-le-corps.
Alors, il
serait recommandable à la communauté Soninké : Si elle tient à pérenniser sa
cohésion sociale
dont les soubassements étaient régis sur des accords, disons, amiables (précisé
plus haut également) elle devrait en accepter désormais la phase de
dénonciation engagée aujourd’hui, et que rien ne peut plus en contrecarrer le
processus; émonder les branches nuisibles des soubassements
d’antan, sources de divisions d’aujourd’hui. Dès lors, esprits avisés, avides
de l’édification
des mentalités de votre communauté au rang de celles du concert des nations, il
est grand
temps de s’unir pour donner force à la bonne cause, la cause des acteurs des
mouvements pour la Justice autrement dit : LA PARITE ABSOLUE !
DERNIER MOT
: ÉVOLUONS DE MENTALITÉS AFIN DE POUVOIR PARTICIPER À
L’ÉCRITURE
DE LA NOUVELLE PAGE DE L’HISTOIRE DE NOTRE CHER PAYS!
Cissé DIALLO
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire