Le
23 novembre, jour des élections municipales, les citoyens seront
envahis par les " diaboliques voitures" conduites par les acheteurs de
conscience. Les dignitaires et les politicards viendront chercher dans
les Kebbas et les Adebeyyats leurs "électeurs-marionnettes". C'est le
seul instant durant lequel les Haratines expriment leur droit : celui de
voter pour le Maître ou ses alliés. Pourtant, à la gasra de Lemgueitty,
l’Etat ne cesse d'envoyer des escadrons de la garde nationale pour
faire déguerpir, sous un soleil de plomb, des femmes enceintes et leurs
enfants. Mais en cette période électorale, quel candidat a dénoncé ce
comportement honteux et abject..? Bien que pauvre et démuni, le Hartani
des garsras reste un citoyen... Il n’est pas moins digne que l’homme
d’affaire à qui l’Etat vend ses lopins de terre plutôt que de les céder
aux nécessiteux. Malheureusement, ni le maire, ni le député, et encore
moins le sénateur ne pourront changer la donne. Quel maire Nouakchottois
a une fois réinstallé les « gasraouis » pourchassés par les pouvoirs
publics ? Impensable, dans un pays où tous les élus font l’objet de
pression et de chantage.
Comme on
dit dans l’administration publique, les décisions : "ça vient d'en
haut". Le seul "haut" sous nos misérables cieux, c'est l'homme du
palais, Mohamed Ould Abel Aziz, le général de toutes nos forces armées,
le Président des civils, le Président de tous les Conseils, le
Président des gasras, des villas, des boulangeries, des boutiques, des
marchés publics, des trafiquants, des terroristes, le chef des "partis
secours" et de tous ces hommes politiques sans consistance. L’homme qui a
oublié ses promesses faites aux pauvres de Lemgueitty en 2007. Ceux que
l’on prive de leur dignité humaine. Ceux que l’on considère comme de
simples appâts électoraux. La volonté de l’Etat veut que la masse des
haratines reste éternellement composée de dockers, de charretiers et des
gardiens de belles maisons des quartiers Nord de Nouakchott. Quant à
l’élite haratine mécontente, elle n’a que de choix : la corruption, ou
la prison
Le temps des élections rime toujours avec la trêve de l’oppression.
C’est le moment de la grande fraternité nationale, celle que vantent à
tout va traîtres et laudateurs. A Kaédi, un Ministre vient libérer des
innocents et ailleurs un autre distribue de l’argent. C’est leur seule
manière de prouver que le système s’occupe des Noirs. Tant qu’il n’aura
pas par miracle un appel à la désobéissance civile par l’un des
mouvements négro-mauritaniens dans les quartiers populaires, le jeune
d’El-Mina ou de Sebkha peut vaquer librement à ses occupations. Sinon,
la stratégie ne varie point. Dans la vallée et les quartiers assiégés de
Nouakchott, on remplacera la matraque par la parole ethnicisée ou
pieuse en vue de glaner quelques voix ici et là.
En temps normal, dans d’autres contrées, nombreux sont les Maures qui
évitent soigneusement de croiser à l’aube, ou de toucher la main du
Moual'am (forgeron) du Tagant ou d'Aoujeft. Mais le jour des élections,
on le courtisera, et s'il le faut on lui inventera même une généalogie
qui le rattache aux prophètes. La voix du griot servira à endormir le
petit peuple, mais une fois les élections passées, elle deviendra
satanique aux yeux de nos grands muftis. Certains intellectuels peuls
deviendront temporairement "arabes". Un historien se permettra de dire
qu’ils sont rattachés à des ancêtres yéménites. Puis, ils seront
assimilés à des Sénégalais et la Mauritanie demeurera Trab-Beidane dans
tous les médias. Pour qu’un Warr (patronyme peul) s’enrôle, il faudra
réciter la Fatiha ou situer Bir-Moguein sur la carte géographique
nationale. Les imams affirmeront que voter pour le parti au pouvoir mène
aux portes du paradis... d'autres n'hésiteront pas à dire que leur
parti est celui d'Abou Bekr Sadiq (RA)... Une fois ce temps de grands
mensonges achevé, le pauvre et l'opprimé croupiront leur misère
quotidienne. Car une fois l'argent public épuisé, les promesses seront
envolées et la bonne parole tarie.
Il faut se détromper, l’écrasante majorité est composée de pyromanes
qui ne seront élus que pour perpétrer la domination et l'oppression des
masses populaires. Il est urgent de résoudre les grandes questions
nationales, et d’œuvrer pour l’égalité et la justice sociale. Or, depuis
plus de 50 ans, nos hommes politiques persistent dans l’échec.
Dans sa globalité, c’est une classe politique défaillante et victime
de sa naïveté. Comment peut-on faire confiance à des partis dans
lesquels les victimes sont amadouées par des tortionnaires et des
bourreaux ? De plus, tant que les militaires occupent le terrain
politique, il est utopique de voir un civil accéder à la Présidence de
la République.
Maintenant, une seule alternative se présente à nos concitoyens désireux de voir une justice sociale émerger : que les opprimés prennent le pouvoir.
Les grands hommes qui ont redonné la dignité à leur peuple l’ont fait
avec la résistance avant les urnes. Feindre la transparence et la bonne
gouvernance en période de grande oppression relève de la propagande et
de la démagogie. La politique, telle qu’exercée en Mauritanie, ne peut
nullement produire des solutions. Jusqu’ici, elle est la source de nos
problèmes. Au-delà du boycott électoral, c’est tout un système qu’il
faut abattre.
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