Initiative pour la Résurgence du mouvement Abolitionniste
Réponse à l'Association des Uléma
de Mauritanie
L'Association des
Uléma de Mauritanie a rendu publique une déclaration diffusée sur l'ensemble
des médias nationaux le 31 mars 2015 dans laquelle elle affirmait que "l'esclavage est considéré comme illicite à
partir d'aujourd'hui". Parmi les justifications avancées par cette
association, les Uléma citaient la Fatwa émise en 1981 et sur laquelle fut
fondée la décision des autorités mauritaniennes de l'époque d'abolir
l'esclavage. L'Association évoquait aussi "les conditions actuelles du pays et sa situation sociale..."
ainsi que la possibilité donnée par la loi aux Autorités d'exproprier les
maîtres en confisquant leurs esclaves en vue de les libérer. Dans son
commentaire de cette déclaration, le secrétaire général adjoint de
l'Association, Monsieur Cheikh Ould Saleh, a nié la présence de défenseurs des
Droits de l'Homme dans les prisons de Mauritanie en nous qualifiant de "criminels qui vendent des mensonges aux
organisations internationales" et a nié catégoriquement l'existence de
l'esclavage en Mauritanie.
Les militants
d'IRA ainsi que sa direction maintenue derrière les barreaux de la prison
d'Aleg suite à sa dénonciation vigoureuse mais toujours pacifique des pratiques
esclavagistes dans les villes et les campagnes de Mauritanie prennent
connaissance de cette déclaration empreinte de confusion et de lâcheté, et tiennent
à énoncer les observations suivantes:
1- La déclaration
affirme que le renoncement aux pratiques esclavagistes ne vaut pas remise en
cause de l'origine historique de l'esclavage. Ce renoncement ne serait pas, non
plus, intervenu par compassion avec les victimes ni pour réparation des
préjudices qu'elles avaient subis. Ce renoncement intervient pour des raisons
purement politiques. Il répond à la sollicitation d'un l'Etat qui a toujours
défendu les esclavagistes contre l'application de la loi 2007/048 et qui se
trouve, maintenant, sous les coups de boutoir d'IRA et de l'opinion internationale
qu'elle a su mobiliser, obligé de convoquer les "Uléma de Banava*"
pour redorer son blason et l'aider à se présenter sous un meilleur jour avant
la reprise des négociations de pêche avec les Européens.
2- Dans leur
déclaration, les Uléma n'ont avancé aucune justification expliquant pourquoi
l'esclavage était licite hier et est devenu illicite aujourd'hui. Cela
signifie-t-il que la castration des hommes esclaves et le viol des femmes
esclaves, quelques-unes des pratiques esclavagistes notoires, étaient hier
licites? Quelle est donc cette image désastreuse que les "Uléma de
Banava" tiennent à donner de notre sainte religion seulement pour plaire à
leurs maîtres du moment et pourvoyeurs de leurs prébendes indues?
3- La Fetwa de
1981, qui semble fonder l'alinéa 2 de la
déclaration des "Uléma de Banava", somme l'Etat de dédommager les
maîtres d'esclaves du préjudice de la perte de leur "propriété". Quid de cette disposition? Sommes-nous devant
ce qui ressemble, simplement, à l'adaptation de cette Fatwa de 1981 à la
situation nouvelle créée par l'intensification de la lutte des esclaves et des
anti-esclavagistes? On se demande bien qui, entre les militants de Droits de
l'Homme et les "Uléma de Banava", peut être taxé de
"marchandage". Qui est en train de louvoyer? Nous, ou bien l'Etat qui
rechigne à mettre en œuvre la feuille de route que lui a imposée l'ONU depuis
2009 ? Nous ou les "Uléma de Banava" qui, à en croire leur secrétaire
général adjoint, attendaient "les conditions adéquates"?
Notre soi disant
"marchandage" ou "monnayage" avec la cause de l'esclavage
nous ont conduits derrière les barreaux avec tarissement de toutes nos sources
de revenus et bannissement systématique de toutes les fonctions de l'Etat. Nous
serions alors de biens piètres «marchands"! Pour le moment ce sont bien
les "Uléma de Banava" qui récoltent les royalties de l'esclavage. Ce
sont eux qu'on convoque moyennant grasses rétributions (indemnités, titres
fonciers, voyages d'études...), pour légaliser les mesures que l'Etat se trouve contraint de
prendre.
4- Les esclaves
de Mauritanie ainsi que leurs défenseurs apprécient les prises de position
courageuses des rares personnalités religieuses qui ont osé braver la chape de
plomb que maintiennent les "Uléma de Banava" sur la production
intellectuelle de ce pays. Nous voudrions citer ici les textes du penseur
musulman Mohamed Lemine Eshinguity ainsi que la Fatwa émise ces jours-ci par
l'érudit Cheikh Ahmed Jiddou Ould Ahmed Bahi
,
Nous voudrions
ici remercier l'Union européenne, le Haut-commissariat de l'ONU aux Droits de
l'Homme et l'ambassade des Etats-Unis
pour avoir obligé le régime vénal qui nous gouverne à arracher cette
timide déclaration des "Uléma de Banava".
A la face du
monde entier, nous réaffirmons que l'esclavage en Mauritanie n'a jamais été licite,
ni légal ni légitime. Considérer qu'il est "devenu illicite à partir d'aujourd'hui " est une insulte à la
dignité et à l'intelligence des hommes. Il serait bien plus préférable pour nos
autorités d'ouvrir une large concertation autour de cette question et d'y
inviter les défenseurs des Droits de l'Homme sincères, les uléma éclairés et
toutes les parties prenantes pour élaborer de vraies propositions capables de
réparer les injustices et de jeter les bases d'un avenir meilleur pour que les
Mauritaniens goûtent, en fin, à la liberté, à la justice et à l'égalité.
La Commission de communication Le 06/avril/2015
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*: "Uléma de Banava", littéralement: "les érudits
du ragout". "Banava" est un plat qui ressemble à un ragout à
base de viande et de légumes. Il est servi pour honorer des invités. Les Uléma
officiels ont ainsi été brocardés par un autre Alem, Ould Sidi Yahay, pour leur
tendance à répondre favorablement aux invitations et dîners offerts par le
Pouvoir à chaque fois que ce dernier souhaite d'eux la légalisation, du point
de vue de la Chariaa, de telle ou telle décision.
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