RÉPUBLIQUE ISLAMIQUE DE MAURITANIE
Honneur-Fraternité-Justice
Premier Ministère
Projet de loi abrogeant et remplaçant la loi
n° 2007– 048 du 3 septembre 2007 portant incrimination de l’esclavage et
réprimant les pratiques esclavagistes
Exposé des motifs
Conformément aux modifications de la Constitution
qui ont érigé l’esclavage en crime contre l’humanité et à la feuille de route
sur l’éradication des formes contemporaines de l’esclavage, adoptée par le
Conseil des Ministres le 6 mars 2014, le présent projet de loi concrétise les
nouvelles orientations du Gouvernement à la relecture de la loi n° 2007 – 048
du 3 septembre 2007 portant incrimination de l’esclavage et réprimant les
pratiques esclavagistes dans le cadre de la mise en œuvre du plan d’action de
lutte contre les formes contemporaines de l’esclavage.
C’est ainsi qu’il introduit un ensemble de
définitions qui facilitent l’application de la loi en se basant sur une
terminologie claire et précise relative à l’esclavage. Il incorpore les infractions prévues par les conventions internationales
de lutte contre l’esclavage tout en affirmant leur imprescriptibilité.
Il aggrave les sanctions relatives à l’esclavage et aux pratiques esclavagistes en
les alignant sur celles prévues pour les
crimes.
Le présent projet de loi institue des
juridictions spécialisées pour connaître des infractions relatives à
l’esclavage et aux pratiques esclavagistes et consacre le bénéfice des victimes
de pratiques esclavagistes de l’assistance judiciaire et de la gratuité de la
procédure.
Il permet l’exécution des décisions
judiciaires octroyant un dédommagement aux victimes de l’esclavage et des
pratiques esclavagistes nonobstant les voies de recours et impose au juge,
saisi de prendre, sous le sceau de l’urgence, les mesures conservatoires
nécessaires contre les auteurs des
infractions pour garantir les droits des victimes.
Telle est l’économie du projet de loi soumis
à votre approbation.
Yahya Ould Hademine
RÉPUBLIQUE ISLAMIQUE DE MAURITANIE
Honneur-Fraternité-Justice
Présidence de la République
Visa : DGLTE/JO
Projet de loi abrogeant et remplaçant la loi
n° 2007– 048 du 3 septembre 2007 portant incrimination de l’esclavage et
réprimant les pratiques esclavagistes
Chapitre préliminaire
Article premier : Fort des
valeurs de l'islam et de leurs objectifs destinés à libérer l'homme et lui
garantir sa dignité, et conformément aux principes constitutionnels et aux
conventions internationales y afférentes et, en vue d'incarner la liberté de
l'homme de sa naissance à sa mort, la présente loi a pour objet de définir,
incriminer et réprimer les pratiques esclavagistes.
Article 2 : L’esclavage constitue
un crime contre l’humanité. Il est
imprescriptible.
Est interdite toute discrimination, sous quelque
forme que ce soit, à l'encontre d'une personne considérée comme esclave.
Une journée nationale est consacrée à la lutte contre les pratiques esclavagistes.
La détermination de la journée et les
modalités de sa célébration seront définies par décret.
Article 3 : au sens de la présente loi on entend par :
Esclavage : état ou
condition d'un individu sur lequel s'exercent les attributs du droit de
propriété ou certains d'entre eux.
L’esclavage comprend :
- tout acte de capture, d'acquisition ou de
cession d'un individu en vue de le réduire en esclavage, de le vendre ou de
l’échanger ;
- toute forme de servage ou de servitude pour des dettes,
- toute forme de travail forcé.
- tout acte de commerce ou de transport
d’esclaves.
.
Placement : pratique en
vertu de laquelle :
- une femme est, sans qu'elle ait le droit de
refuser, promise ou donnée en mariage moyennant une contrepartie en espèces ou
en nature versée à ses parents, tuteur, famille ou à toute autre personne ou
groupe de personnes ;
- le mari d'une femme ou la famille de
celui-ci qui la cède ou tente, à titre onéreux ou autrement, de la céder à un
tiers;
- la transmission par succession d’une femme,
à la mort de son mari, à une autre personne ;
- la remise d’un enfant, soit par ses parents
ou par l'un d'eux, soit par son tuteur, à un tiers, contre paiement ou non, en
vue de l'exploiter ou de le soumettre au travail.
Servage : condition
de quiconque qui est tenu par la loi, la coutume ou un accord, de vivre et de
travailler sur une terre appartenant à une autre personne et de fournir à cette
dernière, contre rémunération ou gratuitement, certains services déterminés,
sans pouvoir changer sa condition.
Servitude pour dettes : état ou
condition résultant du fait qu'un débiteur s'est engagé à fournir, en garantie
d'une dette, ses services personnels ou ceux de quelqu'un sur lequel il a
autorité, si la valeur équitable de ces services n'est pas affectée à la
liquidation de la dette ou si la durée de ces services n'est pas limitée ni
leur caractère défini.
Esclave : l'individu sur lequel s'exerce
le statut d’esclavage.
Chapitre premier: dispositions générales
Article 4 : Les auteurs des infractions prévues par la présente loi sont passibles de la double
peine, privative de liberté et l’amende. Ils peuvent, en outre, être condamnés
à l'interdiction de droits civiques
conformément au code pénal.
Article 5 : La tentative et la complicité des infractions à la
présente loi sont passibles des mêmes peines que les infractions consommées.
Article 6 : La qualité de fonctionnaire ou
officier public, de dépositaire ou agent de l'autorité ou de la force publique de
l’auteur d’infractions, prévues par la présente loi, constitue une circonstance
aggravante.
Chapitre
deuxième : des infractions et leurs sanctions
Article
7 : Quiconque réduit autrui en esclavage
ou incite à aliéner sa liberté ou sa dignité ou celle d'une personne à sa
charge ou sous sa tutelle, pour être réduite en esclave, est puni d'une peine de
réclusion de dix (10) à vingt (20) ans et d'une amende de deux cent cinquante
mille (250.000) ouguiyas à cinq millions(5.000.000) d'ouguiyas.
Article
8: Quiconque commet le placement prévu par l’article 3 de la présente loi est puni de réclusion de cinq (5) à sept (7)
ans et d'une amende de deux cent cinquante mille (250.000) à cinq millions
(5.000.000) d’ouguiyas.
Article
9 : Quiconque commet le servage prévu par l’article 3 de la présente
loi est puni d'une réclusion de cinq (5)
à sept (7) ans et d'une amende de deux cent cinquante mille (250.000) à cinq
millions (5.000.000) d’ouguiyas.
Article
10: Quiconque commet la servitude pour dettes prévue par l’article 3 de la présente loi
est puni d'une réclusion de cinq (5) à sept (7) ans et d'une amende de
deux cent cinquante mille (250.000) à cinq millions (5.000.000) d’ouguiyas
Article
11: Quiconque porte atteinte à l’intégrité corporelle d’une personne, en
considérant qu’elle est esclave, est puni d'une réclusion de cinq (5) à sept
(7) ans et d'une amende de deux cent cinquante mille (250.000) à cinq millions
(5.000.000) d’ouguiyas.
Article
12 : Quiconque s'approprie les biens, les fruits et les revenus résultant
du travail de toute personne en la considérant
esclave ou extorque ses fonds est puni d'une réclusion de cinq (5) à sept (7)
ans et d'une amende de deux cent cinquante mille (250.000) à cinq millions
(5.000.000) d’ouguiyas.
Article
13: Toute personne qui prive un enfant en considérant qu’il est esclave de
l'accès à l'éducation est punie d'une réclusion de cinq (5) à dix (10) ans et
d'une amende de cinq cent milles (500.000) à sept millions (7.000.000) d’ouguiyas.
Article
14: Quiconque prive frauduleusement d'héritage toute personne en considérant
qu’elle est esclave est punie d'une réclusion de cinq (5) à sept (7) ans et
d'une amende de deux cent cinquante milles (250.000) à cinq millions (5.000.000)
d’ouguiyas.
Article
15: Quiconque épouse, fait marier ou empêche de se marier, une femme considérant
qu’elle est esclave contre son gré est puni d'une réclusion de cinq (5) à huit
(8) ans et d'une amende de cinq cent milles (500.000) à cinq millions (5.000.000)
d’ouguiyas.
Si
le mariage est consommé, l'épouse a droit à la dot sans préjudice des dommages
et intérêts. La filiation des enfants est établie à l'égard du mari et elle peut
demander la dissolution du mariage.
Les
dispositions de l'article 309 du Code Pénal sont applicables à toute personne
qui viole une femme en considérant qu’elle est esclave.
Article
16 : Est puni d’une réclusion de cinq (5) à dix (10) ans et d’une
amende de cinq cent milles (500.000) à
cinq millions (5.000.000) d’ouguiyas quiconque agresse sexuellement une femme en
considérant qu’elle est esclave.
Article
17 : L'auteur de production culturelle ou artistique faisant l'apologie de
l'esclavage est puni d'un emprisonnement de six mois à deux ans et d'une amende
de deux cent milles (200.000) à deux millions
(2.000.000) d’ouguiyas. La production est confisquée et détruite
L'amende
est portée à cinq millions (5.000.000) d'ouguiyas
si la production est réalisée ou diffusée par une personne morale.
Outre
la peine prévue à l’alinéa précédent, la personne morale peut être interdite
d’exercer ses activités de façon partielle ou totale, provisoire ou définitive.
Article
18 : Tout wali, hakem, chef d'arrondissement, officier ou agent de police
judiciaire qui ne donne pas suite aux dénonciations de pratiques esclavagistes
qui sont portées à sa connaissance est puni d'un emprisonnement de deux à cinq
ans et d'une amende de cinq cent milles(500.000) à un million (1.000.000) d’ouguiyas.
Article
19 : Quiconque profère en public des propos injurieux envers une personne considérant
qu’elle est esclave est puni d'un emprisonnement de deux (2) à six (6) mois et d'une amende de dix milles (10.000) à deux
cent milles(200.000) ouguiyas.
Chapitre troisième : de la procédure
Article 20: Il est institué des juridictions de formation collégiale pour connaître des infractions relatives à
l’esclavage et aux pratiques esclavagistes dont les sièges et ressort
territorial seront fixés par décret.
Article 21: Sous peine de prise à partie, tout magistrat compétent, informé de faits relatifs à une ou plusieurs
des infractions prévues par la présente loi prend, sous le sceau de l’urgence,
toutes les mesures conservatoires appropriées à l’encontre des auteurs présumés
et garantissant le droit des victimes.
Article 22 : Toute association des
droits de l'homme reconnue est habilitée à dénoncer les infractions à la
présente loi et à en assister les victimes.
Article
23 : Tout établissement d'utilité publique et toute association de défense
des droits de l’homme et de lutte contre l’esclavage et les pratiques esclavagistes, jouissant de la personnalité
juridique depuis au moins cinq ans à la date des faits, peuvent ester en
justice et se constituer partie civile dans tous les litiges auxquels
l'application de la présente loi donnerait lieu, sans que cette qualité ne leur
confère un avantage patrimonial.
Article 24 : Les victimes des
infractions prévues par la présente loi bénéficient de l’assistance judiciaire
et sont exemptées de tous frais de justice et dépens dont l’avance est faite
sur les frais de justice criminelle à charge d’être imputés à la partie qui succombe.
Article 25: Le juge, saisi d’une infraction
relative à l’esclavage et aux pratiques esclavagiste, est tenu de préserver les
droits à réparation des victimes.
Les décisions judiciaires octroyant des dommages
et intérêts aux victimes de l’esclavage et des pratiques esclavagistes sont
exécutoires nonobstant opposition et appel.
Article 26 : La présente loi abroge
toutes les dispositions antérieures contraires notamment la loi n° 2007 – 048
du 3 septembre 2007 portant incrimination de l’esclavage et réprimant les
pratiques esclavagistes.
Note Reçu le 06 avril 2015
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