Samba Abdoulaye Bâ est une des trois personnes
arrêtées, suite à la dispersion de la marche des rapatriés au Carrefour Madrid.
Rapatrié lui-même, sur le site Gourel Fally, près de Kankossa, (Assaba), ce
jeune préside la Coordination des Elèves et Etudiants Rapatriés (CEER) qui
regroupe près de quarante membres. Il a rendu visite à notre rédaction, pour
rapporter ce qu’il a vécu, lors son arrestation, à l’accueil des rapatriés, et
son bref séjour à la brigade mixte.
Sur les circonstances de son arrestation,
Samba Bâ raconte que la police lui reprochait d’avoir aidé à séparer les
marcheurs et ceux venus les accueillir. « Quand la fumée des grenades
s’est un peu dissipée, j’ai participé, avec d’autres, à soustraire les vieux,
les femmes et les jeunes marcheurs, de la grande masse, pour éviter qu’ils se
perdent. Plusieurs d’entre eux ne connaissent pas la ville et nous les avons
regroupés, un peu loin du carrefour, vers l’aéroport. La police est alors venue
nous ordonner de quitter les lieux, avant de lancer des grenades sur le vieux
Ousmane Diouldé Dia qui accomplissait la prière du Maghreb. Connaissant la foi
du vieux, je savais qu’il n’allait, pour rien au monde, arrêter sa prière, nous
avons essayé de le protéger des grenades qui pleuvaient de partout. Devant cet
acte méprisable, j’ai imploré Allah en criant : « Allahou
Akbar ! » Un des gendarmes m’a intimé l’ordre de me taire, j’ai
refusé, alors, un autre m’a saisi le doigt et l’a plié, fort, avant de me
retourner les bras derrière le dos et de me faire monter dans la voiture, avec
les autres, sans oublier de nous administrer quelques coups de matraque, et
d’arracher ma cape où était inscrite une revendication relative aux papiers
d’état-civil pour les rapatriés. Nous étions couchés dans la voiture, un des
gendarmes a posé ses rangers sur mon dos. »
Accusation infondée
Après cette interpellation musclée, Ousmane
Diouldé Dia, Ousmane Dia et Samba Bâ sont conduits à la brigade mixte.
« Lors de mon interrogatoire, un gendarme dit m’avoir vu jeter des pierres
sur les forces de l’ordre, ce qui est archi-faux. Après avoir vidé le sac que
je portais et qui contenait les copies des devoirs de mes élèves, une liste
d’œuvres d’auteurs mauritaniens dont « L’exilé de Goumel », de feu
Tène Youssouf Guèye, ce qui m’a valu une autre accusation, celle d’inciter les
élèves à la violence, les gendarmes m’ont demandé quels rapports j’entretenais
avec Samba Thiam, le président des FLAM, Kane Hamidou Baba, président du MPR,
N’Diaye, le président de l’Union Nationale des Rapatriés Mauritaniens du
Sénégal (UNRMS), si je venais de Boghé ou de Nouakchott… J’ai eu l’impression
que j’étais, probablement, sur écoute depuis quelques temps, parce qu’à tout
bout de champ, on me disait : « tu as parlé à tel et à tel, à tel et
tel moment, etc. » Dans mes réponses, j’ai fait observer que, oui, bien
sûr, je devais connaître N’Diaye, dans la mesure où je fus, comme lui, victime
de la déportation, en 1989 ; avant de m’étonner : « pourquoi ne
me demandez-vous pas si je connaissais Ould Maouloud ou Ould Hanana,
mauritaniens comme moi, venus à la rencontre des rapatriés ? », ce
qui n’a pas manqué d’irriter mon interlocuteur qui me traitait,
systématiquement, de « haywan » [animal]. J’ai constaté que
l’interrogatoire était rapporté à une autre personne au téléphone […] ».
Humiliations
« Après l’interrogatoire »,
continue le président du CEER, « on nous a demandé, à Ousmane Bâ et moi,
de nous déshabiller – on a gardé quand même nos caleçons – avant de nous
enfermer dans une cellule sans natte ni matelas. On nous a refusé jusqu’à la permission
des besoins naturels. Cette situation a duré deux jours. Nous avons été
relaxés, grâce, nous a-t-on dit, au vieux Ousmane Diouldé. On nous a alors
priés de ramasser nos bagages mais je n’ai retrouvé ni mes copies, ni la liste
de mes œuvres et, quand j’ai posé la question, on m’a répondu de revenir le
lendemain pour les récupérer, ce que, naturellement, je n’ai pas fait. Jusqu’à
présent, je continue à me demander pourquoi notre garde à vue à la brigade
mixte est restée cachée ». Coïncidence ou volonté d’amalgame ?
« A la brigade mixte, nous avons été mêlés à quatre jeunes maliens,
arrêtés suite à une affaire de vol d’ânes », signale le président du CEER.
Pour rappel, la police avait déclaré avoir arrêté « quelques étrangers qui
s’étaient mêlés à la foule pour casser les véhicules au carrefour
Madrid ».
DL
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