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lundi 13 novembre 2017

Ould M’Kheïtir, le brûlot mauritanien




Je pense que la société mauritanienne, recluse dans un carcan idéologique vieux de 7 siècles aussi bien dans sa conception de l’Islam que dans son classicisme poétique préislamique et sa vision des rapports sociaux, avait besoin d’un Birame Dah Abeid, ou d’un Ould M’Kheïtir, pour qu’elle se rende compte combien est archaïque le monde dans lequel elle s’est enfermée. Depuis quelques jours, la rue mauritanienne aussi bien les réseaux sociaux qu’Internet s’enflamment au brûlot qu’est devenu Ould M’Kheïtir, tant et si bien qu’on se demande, comment un écrit aussi mal ficelé dans sa construction que dans son argumentaire, peut ébranler tout un pays, déchaîner tant de passion et incendier tant de conscience, jusqu’à devenir une affaire d’Etat.

Pourtant, la plupart de ceux qui se réclament gardiens des Cieux, détenteurs omnipotents des clés du Paradis et de l’Enfer, distribuant les grâces d’Allah comme ils le font avec les médicaments périmés, les aliments avariés et les marchés du faux et de la contrefaçon, ceux qui se sont taillés de funestes réputations dans le détournement de dons des pays du Golfe destinés à des fins religieuses et sociales, n’ont même pas lu ce que Ould M’Kheïtir a écrit.

En réalité, l’autodafé de Riadh pleinement assumé par le descendant d’esclave Birame Dah Abeid et le brûlot lâché par le forgeron Ould M’Kheïtir, n’auraient jamais connu une telle ampleur s’ils avaient émané de personnes bien nées. Eux, parce qu’issues de classes serviles et de castes n’ayant pas droit au chapitre du religieux, ce sont des mécréants et des ennemis de l’Islam qu’il faut décapiter, là, ce sont des âmes bien nées, victimes du diable, des «Mejdhoubs », un peu dérangés qu’il faudrait ramener à la raison à coups de talismans ou de congés luxueux auprès de quelques saintetés.

Ce qui en réalité a fait la Saga de ces deux affaires qui ont sérieusement secoué le cocotier salafo-wahabite des rigoristes conservateurs, jusqu’à leur fournir le combustible nécessaire à leurs propres calculs machiavéliques à travers l’embrigadement des masses incrédules, c’est aussi bien le régime en place que son opposition, toujours à la recherche d’une bonne bourse politique.

Rappelez-vous des deux sorties de Mohamed Abdel Aziz, aux portes du Palais présidentiel, recevant les masses hystériques et jouant au Commandeur des Croyants, avec ses accoutrements et ses turbans salafistes. Dans le cas de Birame Dah Abeid en 2012 comme dans le cas de Ould M’Kheïtir en 2014, il avait jeté à titre de promesse aux foules déchaînées sous ses pieds, la tête des deux imposteurs. Le pouvoir a ensuite permis, sinon même encadré, tous les meetings que les prétendus «défenseurs du Prophète»  de la Nosra, ont organisé pendant plusieurs mois, vendredi après vendredi, jusqu’à prendre la forme d’une fête foraine, là où les harangueurs rivalisèrent à la bourse de la haine, face à la mosquée Ibdn Abass.

Ces rassemblements dominés par l’odeur du sang, l’appel au meurtre et les menaces à l’autorité de l’Etat, étaient assez atypiques pouf un pays qui se dit moderne, membre de surcroît des Nations Unies dont il a ratifié tous les traités et conventions. Ces foules hystériques rappelaient même à bien d’égards, les pogroms qui faisaient jadis l’apanage des cirques de Rome, quand juché sur les estrades du Colysée, le César descendait son pouce, pour la mise à mort du gladiateur vaincu. Sauf que le pouce de Mohamed Abdel Aziz était un pouce menteur. Birame Dah Abeid est sorti de prison pour emprunter les allées menant vers la présidence de la République, et Ould M’Kheïtir a été presque gracié. D’où ce sentiment de trahison des masses déçues par les promesses non tenues du Guide spirituel que Mohamed Abdel Aziz tentait d’incarner, surfant au gré de ses intérêts sur la fibre islamique.

Mais Nosra, cette organisation des faux amoureux du Prophète (PSL) n’en a pas aussi mené large. Dirigé par un avocat ripoux objet de moult poursuites judiciaires, d’un érudit chantre de l’immobilier au rabais qui est en train de préparer un véritable subprime en Mauritanie et d’un charlatan objet de multiples accusations de viols en série, la Nosra a été laminée par des scandales répétés et des rivalités de clocher.

L’opposition en perte de repère et de vitesse a aussi géré l’affaire des livres incinérés du Fiqh, que le mouvement IRA et son président Birame considèrent comme le «Code noir de l’esclavage » ainsi que celle de Ould M’Kheïtir, au gré des humeurs de la rue. Loin de leurs référentiels de base que  les multiples échecs politiques ont dépouillés de leur substance. Hier, ils ont condamné Birame, l’ont voué aux gémonies et sont descendus jusqu’à l’intellect du charretier analphabète et bédouin. Aujourd’hui, ils l’élèvent au rang de voix autorisée, de chantre de la lutte pour la liberté et les droits de l’homme, un allié politique désormais figure emblématique au cours de tous leurs rassemblements.

De la même manière, ils ont condamné la décision de la Cour d’Appel de Nouadhibou et la libération de Ould M’Kheïtir. En se joignant aux vampires assoiffés de sang du jeune forgeron, en réclamant sa tête contre le droit international et le droit mauritanien, l’opposition mauritanienne perd sa crédibilité sur le plan mondial après l’avoir perdu sur le plan interne.


Cheikh Aïdara

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